En créant des accessoires pour diverses griffes de luxe, l’architecte britannico-irakienne compte parmi les premières à avoir compris que mode et architecture avaient des atomes crochus.

Concevez-vous de la même manière un opéra ou une chaussure ?

Formellement, l’un et l’autre m’intéressent de la même façon et les idées peuvent venir aussi vite quelle que soit la taille du sujet. Mais il existe une différence d’approche : l’architecture définit la manière dont une personne s’installera dans un espace. La mode, elle, imagine comment placer un objet sur une personne. Il y a aussi un gouffre entre les processus qui mènent à la concrétisation d’un immeuble ou d’un soulier. Tous les projets qui sortent de notre bureau ont néanmoins une même origine et sont pour ainsi dire connectés.

Quel est leur point commun ?

Nos objets, comme nos bâtiments, deviennent plus ambitieux grâce aux nouvelles possibilités offertes par la technologie. Pour les chaussures Lacoste, nous avons travaillé main dans la main avec les designers et ingénieurs de la marque afin de traduire notre modèle 3D en une chaussure  » continue  » et ergonomique. La chaîne de production étant plus courte qu’en architecture, nous avons pu créer des prototypes à taille réelle pour évaluer le confort. Le projet de ballerines pour Melissa visait, lui, à imaginer quelque chose qui suive les contours organiques du corps humain. L’asymétrie du modèle donne une impression de transformation continuelle et a parfaitement rencontré la technologie de moulage plastique par injection de matériaux recyclés développée par le label.

Que vous apportent vos collaborations fashion ?

Cela me donne l’occasion de respirer l’air du temps. Le processus pour faire aboutir un projet d’architecture, des premiers dessins à l’inauguration, est, lui, très long. La vraie avant-garde architecturale ne suit donc pas directement la mode et les cycles économiques. Elle puise plutôt son inspiration dans la logique inhérente aux cycles d’innovation générés par les développements sociaux et technologiques.

Qu’avez-vous appris en créant le pavillon Mobile Art pour Chanel, aujourd’hui exposé à la Cité du monde arabe à Paris ?

Karl Lagerfeld a toujours repoussé les frontières du possible, repensant les pièces iconiques de Chanel sans compromettre l’intégrité des dessins originaux de Coco. Il réveille l’imaginaire tout en gardant des idées fondées et pertinentes. Quand il nous a proposé de concevoir le Mobile Art pour Chanel parce que  » notre design est comparable à de la grande poésie « , je n’ai pu résister au challenge ! Il nous a offert un champ d’expérimentation sans limite et nous avons utilisé les dernières technologies, en matière de dessin assisté par ordinateur et de fabrication, pour créer un pavillon aux espaces fluides, tissés entre eux. Ce module illustre comment lui et moi voyons nos disciplines respectives, en constante évolution.

Quels créateurs de mode sont, pour vous, proches de l’architecture ?

Ceux qui osent jouer avec les matériaux et les proportions : Yohji Yamamoto, Maurizio Galante et bien sûr Martin Margiela… Les pliages d’Issey Miyake sont si souples qu’ils en deviennent animés. Quand ses vêtements sont présentés en boutique, ils ont une certaine allure. Mais quand ils sont portés, ils prennent un tout autre visage. C’est un homme brillant.

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