Quel virage prendra la monarchie britannique après Elizabeth II?

Elizabeth II, « la Dernière »? Si le crépuscule de son règne suscite chez les républicains britanniques l’espoir d’un basculement de régime, la monarchie a de grandes chances de lui survivre, temporisent des spécialistes de la royauté. A condition de se réinventer.

Graham Smith, le directeur du mouvement Republic, qui milite pour un président élu et non partisan comme chef d’Etat à la place du souverain, admet que son heure n’est pas venue: « On ne s’attend pas à ce que la monarchie soit abolie tant que la reine sera sur le trône » car elle jouit d’un important « soutien populaire ». Mais la question deviendra plus pressante quand son fils aîné, le prince Charles, moins apprécié, lui succédera, affirme-t-il auprès de l’AFP.

Concert, parades, pique-niques… les Britanniques se préparent à fêter dans l’allégresse, quatre jours durant début juin, un jubilé de platine inédit pour les 70 ans de règne d’Elizabeth II.

Symbole intrinsèque du Royaume-Uni, la souveraine de 96 ans montée sur le trône en 1952 a traversé les époques, omniprésente à travers plusieurs générations de Britanniques et socle d’une monarchie parfois fortement secouée par les scandales.

Vieil homme

Au-delà des festivités estampillées du sceau royal, ce jubilé et la fin de règne qu’il augure est aussi source d’espoir pour Republic: celui de « faire d’Elizabeth la dernière » d’une longue lignée, comme l’ambitionne le slogan un brin provocateur s’affichant sur son site internet.

Car ceux qui aiment la reine n’apprécient pas forcément Charles, argumente Graham Smith, dénonçant une institution « antidémocratique » et coûteuse pour le contribuable.

Il en veut pour preuve de récents sondages créditant la monarchie d’une popularité moindre, et qui continuera à décliner selon lui, notamment chez les jeunes, moins attachés à la tradition et plus sensibles aux luttes anticolonialistes.

Charles, 73 ans, sera « un vieil homme peu séduisant » quand il deviendra roi et il pourrait connaître « une accession difficile »

Selon un sondage du centre de réflexion British Future, 58% des Britanniques soutiennent la monarchie, tandis que 25% sont favorables à une république après Elizabeth II. Mais la marge est bien plus faible chez les jeunes (40% contre 37% pour une république), les minorités ethniques (37%-33%) et en Ecosse (45%-36%).

« La mort de la reine marquera un grand tournant », prédit Robert Hazell, professeur de droit constitutionnel à l’University College London. Charles, 73 ans, sera « un vieil homme peu séduisant » quand il deviendra roi et il pourrait connaître « une accession difficile », explique-t-il à l’AFP.

Il n’exclut pas qu’il soit mis sous pression par les tabloïds pour céder sa place à son fils William, qui fête ses 40 ans en juin.

Force unificatrice

Pour élargir son attrait et se maintenir, la monarchie devra s’adapter à un monde nouveau très éloigné des valeurs qui prévalaient au siècle dernier, quand la jeune Elizabeth avait revêtu la couronne, abonde l’expert en relations publiques Mark Borkowski.

« Personne ne sait la forme qu’elle prendra », poursuit-il, interrogé par l’AFP. « Mais elle devra faire montre de changement », ajoute-t-il, comme elle l’a fait en se dépoussiérant après la mort de la princesse Diana.

Selon le Daily Mail, William a d’ores et déjà affirmé sa volonté changer de stratégie après une tournée chahutée dans les Caraïbes en mars, critiquée pour ses relents colonialistes. Il voudrait rendre la monarchie plus « agile » et en faire une « force unificatrice » capable de résister à l’épreuve du temps, affirme le tabloïd.

Il a aussi ouvert la porte à une diminution du rôle de la couronne dans le Commonwealth, alors que certains pays de cette organisation ayant la reine pour cheffe d’Etat pourraient couper le cordon à l’instar de la Barbade, devenue une république en novembre.

De là à imaginer un effet domino jusqu’au Royaume-Uni, il y a un pas de géant qui n’est pas prêt d’être franchi, estime Robert Hazell. Outre un référendum, le passage à une république nécessiterait le ralliement, peu probable selon lui, d’une large frange de la classe politique, échaudée à l’idée de déplaire à son électorat.

D’autant, souligne-t-il, que le Royaume-Uni est déjà « une république qui ne dit pas son nom », avec un souverain sans réel pouvoir politique, par contraste avec un pays comme la France, où « le président est un monarque ». Avec l’avantage d’un chef d’Etat auquel la population peut « plus facilement » s’identifier.

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