Mourad Winter, stand upper et romancier: « Faire rire les autres apporte satisfaction et reconnaissance »

Mourad Winter
Mourad Winter © Renaud Callebaut
Kathleen Wuyard

Après être passé par le stand-up et l’écriture pour la télévision et le cinéma, Mourad Winter est désormais romancier. Il sort aujourd’hui son second ouvrage, Les meufs c’est des mecs bien.

Je suis trop heureux pour faire du stand-up.

L’image du clown triste ne me correspond pas du tout, d’ailleurs, à un moment, j’ai réalisé que rédiger des spectacles en quête d’amour du public alors que moi, j’ai tout à la maison, ça n’avait pas de sens. Le rire permet de tenir quand la vie est trop compliquée. D’ailleurs, l’humour m’a sauvé et être le mec un peu «golri» de mon quartier m’a aidé à être plus accepté. Quand on n’est pas ouf physiquement, il faut trouver quelque chose pour se démarquer, et grâce à ça, aujourd’hui, j’ai deux enfants avec une femme que j’aime terriblement.

L’écriture a quelque chose de noble.

Comme beaucoup de gens, l’idée d’écrire un livre m’a longtemps trotté dans la tête, mais je n’osais pas, je me disais que ce n’était pas pour moi. J’ai suivi un parcours scolaire assez chaotique, donc écrire un roman me semblait inaccessible. Puis, pendant le Covid, j’en ai lu plusieurs sans accrocher à aucun et j’ai décidé de rédiger le livre que j’aurais aimé lire. J’ai fait une sorte de séquencier, comme pour le cinéma, puis j’y ai ajouté les vannes qui m’intéressaient, quitte à adapter le bouquin pour y faire rentrer les blagues.

C’est important de ne pas verser dans l’ethno-masochisme.

Je suis né en France, d’une mère marocaine et d’un père algérien, et combiner ces trois nationalités n’a jamais été source de problèmes pour moi. Je n’ai pas subi de racisme particulier, ce qui est une chance, parce que certains potes ont vécu des choses terribles. De manière générale, j’ai un peu de mal avec le patriotisme: je comprends qu’on puisse être attaché à un pays, mais personnellement, je suis plus attaché aux gens et à leur style de vie qu’à un drapeau. Gamin déjà, mon métissage m’a permis de prendre beaucoup de distance avec le nationalisme grâce aux guéguerres entre le Maroc et l’Algérie, et à faire preuve de tolérance envers les autres.

« Epingler quelqu’un parce qu’il a pu être con et ignorant, c’est le summum de l’ignorance »

La religion est une sorte de code civil.

J’ai commencé à prier quand j’avais 18-19 ans, et c’est quelque chose qui m’a aidé durant ma jeunesse. Ma foi me canalise et fait partie intégrante de ma vie. Je suis né musulman, donc je suis musulman, mais si j’étais né juif, catholique ou bouddhiste, j’aurais suivi cette religion-là: j’ai besoin de croire en quelque chose. Quand tu sais que Dieu te voit, c’est impossible de te dire «pas vu, pas pris», ça t’aide à être une bonne personne.

L’humour est une forme d’intelligence prisée.

Faire rire les autres est quelque chose que je cherche depuis que je suis gamin, parce que ça apporte satisfaction et reconnaissance. Les gens qui manient l’humour sont vus comme intelligents, parce que faire rire demande un certain sens du rythme, et quand on y arrive, c’est la consécration. Ma femme est magnifique et c’est uniquement par la blague que j’ai réussi à la séduire. Par contre, je ne la laisse pas décorer chez nous, parce qu’elle a choisi un mec pas ouf, donc je pars du principe qu’elle n’a pas des goûts super.

La Belgique m’impressionne.

Je n’ai jamais compris comment vous faites pour rassembler autant de talents dans un si petit pays. On est six fois plus nombreux que vous, et pourtant, vous nous avez sorti François Damiens, Poelvoorde, Stromae, Kevin De Bruyne et Brel par-dessus le marché. C’est incroyable! Ma femme vient de Maubeuge, et on se dit toujours qu’un jour, on se rapprochera du Nord, voire, pourquoi pas, qu’on s’installera chez vous, de l’autre côté de la frontière.

« Ma femme est magnifique et c’est uniquement par la blague que j’ai réussi à la séduire. Par contre, je ne la laisse pas décorer chez nous, parce qu’elle a choisi un mec pas ouf, donc je pars du principe qu’elle n’a pas des goûts super »

La trentaine, c’est génial.

On sait qui on est, on n’a pas l’impression de devoir plaire à tout prix à qui que ce soit, on est plus à l’aise avec soi-même qu’avant. Vieillir ne m’angoisse pas, par contre, je suis un peu inquiet en voyant grandir mes enfants, et les réseaux sociaux ont tendance à exacerber ces angoisses en mode «c’était mieux avant». Paradoxalement, je crois que ça va m’aider à gérer la crise de la quarantaine, parce que je suis plutôt du genre à regarder en arrière en me disant «putain, c’était cool» plutôt que de stresser pour ce qui m’attend.

On ne peut pas en vouloir à quelqu’un d’avoir des idées.

On peut lui en vouloir de les exprimer si elles sont blâmables, mais pas de les penser. Je me fiche de la cancel culture: je raconte mes histoires, et si les gens sont heurtés, ils n’ont qu’à pas lire mon livre. Ne pas accepter que quelqu’un puisse penser différemment de nous, c’est le b.a-ba du fascisme. Bien sûr, il y a des choses répréhensibles, mais épingler quelqu’un parce qu’il a pu être con et ignorant, c’est quand même le summum de l’ignorance.

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Les meufs c’est des mecs bien, par Mourad Winter, Clique éditions.

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