Les salles de sport réservées aux femmes, entre clichés et coaching adapté
Hier encore plutôt niche, ces dernières années, les salles de sport réservées aux femmes se sont taillées une part de choix du marché. Sur TikTok, #WomensOnlyGym a la cote, et dans les vestiaires, on planifie la croissance de ce que Decathlon a récemment adoubé tendance fitness par excellence. Et qui est au coeur de la nouvelle campagne Be Comfortable de Basic-Fit.
C’est que les salles de sport réservées aux femmes offrent la solution à nombre de problèmes, à commencer par la « gymtimidation ». Croisement de gym et d’intimidation, ce néologisme désigne l’angoisse qui étreint les sportives potentielles à l’idée de se retrouver face à des machines au fonctionnement inconnu, entourées d’athlètes perçus comme plus à leur place qu’elles. D’après une étude conjointe du bureau de sondage international Memo2 et du bureau d’études Neurensics, trois sportifs sur dix en souffriraient ainsi. Un phénomène qui est surtout dû à des facteurs internes, entre manque de confiance en soi ou d’expérience et de familiarité avec l’équipement dans une salle de sport. En outre, des facteurs externes, tels que la peur d’être jugée ou de recevoir de l’attention non désirée, contribuent également au phénomène, pointe Basic-Fit.
En 2019, une étude réalisée sur un panel de 1000 répondantes outre-Atlantique révélait ainsi que 65% des femmes n’oseraient pas aller à la salle de sport par crainte d’être jugées, tandis qu’à l’automne 2022, un sondage similaire réalisé auprès de 3000 Britanniques par The Gym Group confirmait la tendance. 32% des femmes citaient l’intimidation sur place comme obstacle principal à prendre un abonnement à la salle, tandis que 53% d’entre elles n’osaient pas s’y mettre « de peur de devoir porter des vêtements en lycra » (sic) et que 43% confiaient s’abstenir « parce qu’elles seraient trop complexées par leur ventre » en faisant de l’exercice. Autant de facteurs qui contribuent à ce que les experts qualifient de « gender exercising gap », soit l’équivalent athlétique de l’écart salarial.
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En moyenne, les hommes feraient 60 minutes de sport en plus que les femmes chaque semaine. En cause, une myriade de facteurs, allant de la répartition patriarcale des tâches (dans les couples hétérosexuels, ces messieurs s’absentent plus facilement pour faire de l’exercice) à des complexes qui font office de frein ou encore à l’insécurité dans l’espace public, 70% des femmes confiant arrêter de s’adonner au jogging en hiver faute d’espaces suffisamment éclairés. Autre problème: le « gender enjoyment gap », une étude réalisée par la plateforme This Girl Can de l’autre côté de la Manche ayant révélé qu’au royaume de sa majesté, le sport est considéré comme « agréable » par plus de 2.4 millions (!) d’hommes que de femmes. Complexes, gêne, insécurité… Et si la solution pour faire de l’exercice un plaisir était de réserver des espaces exclusivement aux sportives?
Pas de discrimination qui vaille
D’entrée de jeu, pourtant, la partie ne semblait pas gagnée. En septembre 2013, lors de l’instauration de sa salle liégeoise entièrement réservée aux femmes, Basic-Fit avait ainsi vu un de ses clients masculins saisir la justice pour cause de « mesure discriminatoire ». Face au tribunal de première instance de Liège, Health City, dont dépend Basic-Fit, avait évoqué l’argument communautaire pour justifier cette ségrégation des sexes, soulignant que les hommes n’étaient pas exclus puisqu’ils avaient accès à nombre d’autres salles du groupe.
Un argumentaire qui n’avait pas convaincu le juge, qui avait condamné la chaîne de salles de sport à un dédommagement moral de 1300 euros, avant que ce dernier ne soit renversé en appel, et que la cour juge que puisque les femmes et les hommes ont des différences de morphologie, leur réserver des salles séparées n’est pas discriminatoire.
@luciekdo visite de la meilleure salle ❤️🔥💖💓 #basicfitladies #girlsonly #gomuscu #workoutmotivation #paris ♬ son original – lucie_kdo
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Dix ans plus tard, le cliché des « salles pour musulmanes » persiste encore dans certains esprits étriqués, même si dans les faits, cela fait belle lurette que le principe a séduit les sportives toutes confessions et origines confondues.
Rue du Plan incliné, à Liège, dans une des salles Basic-Fit Ladies Only de Belgique, on retrouve aussi bien des bandes de copines d’une vingtaine d’années à peine que des mamans venues s’offrir un pic d’endorphines ou des femmes plus âgées qui pédalent avec application et échangent des regards bienveillants avec les autres utilisatrices de la salle. Un succès, pour la chaîne, qui explique avoir voulu « créer une destination sportive pour les femmes, adaptée à leurs besoins et à leurs attentes ». Soit, nous précise leur cellule communication, « un endroit confortable, motivant et accessible, avec un accent sur la socialisation entre les membres ».
« Dans nos Ladies Clubs, on trouve une plus grande variété de cours collectifs et d’équipement, mais aussi des espaces dédiés aux étirements, et une attention plus grande à l’esthétique ainsi qu’aux différentes manières de motiver les sportives »
Basic-Fit
Et ça plaît: à l’heure d’écrire ces lignes, la Belgique compte 14 salles « Ladies Only », et les initiatives se multiplient, de Curves et Stadium ELLE à Bruxelles en passant par JLadySports et Lioness Bootcamp à Anvers, sans oublier Re.belle, la toute nouvelle salle 100% féminine en région liégeoise.
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Des salles de sport réservées aux femmes pour suer sans jugement
Un concept pensé par l’ex-Miss Belgique Noémie Happart, partie de son expérience personnelle pour offrir un safe space aux autres sportives. C’est qu’entre regards déplacés, voire même, mots glissés dans son casier, la reine de beauté devenue influenceuse et entrepreneuse a été exposée de plein fouet aux désagréments des salles où hommes et femmes s’entraînent en même temps.
Et de confier avoir eu envie d’offrir aux femmes « un endroit où elles se sentent en sécurité et peuvent éviter les regards déplacés ou de se sentir jugées ». Mais aussi, où leurs rythmes effrénés sont pris en compte. C’est avéré, entre travail, charge domestique et charge parentale, le temps des femmes n’équivaut pas à celui des hommes, et il s’agit malheureusement encore souvent de le rentabiliser au mieux. Raison pour laquelle Re.belle ne propose pas uniquement une salle de sport mais aussi un coin restauration ainsi qu’un espace beauté et bien-être.
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Un parti pris qui a séduit Noémie Servatÿ, fondatrice du salon Le Garage, qui a ouvert un pop-up chez Re.belle, histoire de concilier remise en forme du corps mais aussi des ongles ou encore des sourcils.
« C’est important de proposer un coaching adapté au corps et aux besoins des femmes, mais aussi à certaines étapes de leur vie, que ce soit la grossesse, le postpartum ou autre. La dynamique entièrement féminine est non seulement motivante, elle peut aussi être rassurante pour celles qui n’osent pas franchir le cap de la salle »
Noémie Servatÿ
Et la jeune liégeoise de confier être elle-même « toujours un peu gênée à la salle. J’ai l’impression de ne pas enchaîner les mouvements correctement, j’ai peur de mal faire et que les gens me voient et me jugent. C’est clair qu’être dans une ambiance beaucoup plus intimiste, entre filles, ça aide à lâcher prise ».
Recentrer sa concentration
Une sentiment que partage Chloé Merckx, étudiante en communication bruxelloise de 23 ans, à mille lieues des clichés qu’on peut se faire sur l’utilisatrice type des salles de sport réservées aux femmes. Confiant « détester les sports d’équipe, parce que je n’aime pas me comparer aux autres », Chloé a troqué les salles mixtes pour celles entièrement féminines « parce que ça me permet de me concentrer sur moi-même plutôt que sur mon environnement ».
« J’ai senti une différence dès mon premier entraînement dans une salle Ladies Only. J’étais bien moins préoccupée par mon apparence et ma tenue, je ne me sentais plus obligée de mettre un t-shirt long qui cachait mes fesses. J’ai aussi appris à utiliser les machines de musculation, que je n’approchais pas dans les salles mixtes parce que ces espaces semblaient « réservés » aux hommes et je n’osais pas essayer de peur d’être ridicule »
Chloé Merckx
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Fini le temps où l’étudiante se cachait dans un coin pour faire des abdos et des squats, désormais, « je suis plus à l’aise, j’ose plus de choses et je m’approprie l’espace, ce que je n’ose pas encore faire dans une salle mixte ».
Car faute d’une présence aussi répandue des salles pour femmes que de celles ouvertes à tous, Chloé fréquente encore parfois des salles où hommes et femmes s’entrainent ensemble, et elle sent immédiatement la différence: « je ne me donne pas à fond et j’essaie d’avoir fini le plus vite possible. Le gros inconvénient, c’est l’accès, il n’y a pas de salles féminines à tous les coins de rue, donc certaines ont parfois pas mal de trajet à faire si elles veulent fréquenter une salle entre femmes ». Une réalité appelée à changer?
Un esprit sain dans un corps sain
En 2008, une étude de l’Institut Scientifique de Santé Publique de 2008, révélait que 16% de la population belge fait du sport 4 heures par semaine, et 58% moins de 4 heures. Un chiffre déséquilibré chez les femmes, nos compatriotes féminines n’étant que 10% à pratiquer du sport jusqu’à 4h par semaine, et 61% à durant moins de 4h hebdomadaires. Soit une belle opportunité d’égalisation pour celles et ceux qui font le pari de leur offrir des espaces dédiés.
« Le sport fait partie des activités de loisirs où les stéréotypes de genre sont les plus présents » dénonce encore l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, qui pointe que « dans l’Union européenne, les hommes pratiquent le sport ou d’autres activités physiques plus souvent que les femmes. Par exemple, 44 % des hommes font du sport au moins une fois par semaine, alors que c’est le cas de 36 % des femmes seulement ».
Une inégalité appelée à se réduire? Sur TikTok, le hashtag #WomensOnlyGym rassemble plus de 20 millions de vues, et selon Decathlon, entre sororité décomplexée, appareils et routines adaptés au corps féminin ou encore opportunités de réseautage, le sport au féminin est la tendance fitness à suivre. D’après une étude publiée à l’automne 2022 dans la revue Psychology, ce qui distingue ces salles de leurs alternatives mixtes est que « les femmes s’y s’entent à l’aise ». Un prérequis indispensable à toute activité sportive: on n’est pas là pour souffrir.
Et Basic-Fit l’a bien compris, puisque la chaîne lance un plan d’envergure, Be Comfortable, une campagne de sensibilisation auprès des sportifs et des effectifs de ses 222 clubs belges pour que tout le monde puisse faire du sport en se sentant bien dans sa peau. Parce qu’ainsi que le rappelle Erica van Vonderen-Hahn, CCO de la chaîne de salles de sport, « le fitness est le sport par excellence qui accueille la diversité et permet à chacun d’atteindre ses objectifs. En créant un environnement inclusif dans nos salles, nous contribuons à une société plus en forme et plus saine ».
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