Pride Week | Bruxelles arc-en-ciel, une ville (vraiment) queer-friendly?
Alors que la Brussels Pride bat son plein et que la Belgique figure dans le top 3 du classement européen des droits LGBTQIA+, les personnes concernées dressent le bilan du vécu queer à Bruxelles.
Troisième au classement de la Rainbow Map annuelle de l’ILGA-Europe (branche européenne de l’association internationale lesbienne et gay), la Belgique rétrogade d’un rang par rapport à l’an dernier, où elle s’était hissée à la deuxième place. Petite chute donc, mais le plat pays reste résolument engagé à garantir l’égalité des droits pour tous.
Déjà en 2003, la Belgique a été le deuxième pays au monde à autoriser le mariage aux couples homosexuels. Plus récemment, en 2021, le gouvernement bruxellois a déclaré la Région comme une « zone de liberté pour les personnes LGBTQIA+» (communautés lesbiennes, gays, bi, trans, queer, intersexes, asexuelles, aromantiques, alliées et autres). Une décision prise en réponse directe aux violations des droits LGBTQIA+ perpétrées par les gouvernements polonais et hongrois.
Le nombre (d’associations) fait la force
Ce n’est pas un scoop, vivre son homosexualité reste plus « facile » dans les grandes villes que dans les zones plus rurales ou les petites villes. Difficile de trouver écoute et support quand aucune antenne ou association n’existe là où vous vivez.
Jean-François Cannoot, coordinateur général de la RainbowHouse, nous explique ainsi que Bruxelles est LGBTQIA+ friendly grâce à une concentration importante d’associations actives à Bruxelles, qui offrent soutien, visibilité et des services à la communauté.
La RainbowHouse, une fédération de 69 associations LGBTQIA+, est implantée dans la rue du Marché au Charbon, en plein cœur du quartier LGBTQIA+ de la capitale. Cette Maison Arc-en-Ciel sert de centre de socialisation accueillant non seulement les associations et les collectifs, mais aussi les individus en questionnement ou en quête d’informations. Mais ses missions vont au-delà de la simple présence physique. « On mène des actions de lobbying auprès des politiques pour une mise en place des cadres législatifs nécessaires et suffisants pour garantir les droits de la communauté LGBTQIA+. On a aussi une mission de formation et de lutte contre les LGBTQIA+phobies. Dans cette optique, nous avons mis en place un service de signalement pour les personnes ayant été victimes d’agressions. On leur offre un accompagnement et on les réoriente vers les associations adaptées. » continue Jean-François.
Blanket La Goulue, artiste drag bruxellois·e, co-créateur·rice d’un drag show itinérant qui se produit dans des bars hétéros à Bruxelles, souligne l’importance de l’auto-organisation de la communauté. « Il y a beaucoup de collectifs qui se bougent, sans attendre les pouvoirs publics. Des collectifs comme Les Peaux De Minuit, Fatsabats ou encore Barakakings créent des espaces où la communauté peut vraiment vivre de manière libre. C’est ce qui rend Bruxelles si grandiose et bienveillante. » explique Blanket.
Une Pride bien située
La célèbre Brussels Pride, qui marque le début de la saison des prides européennes, est un événement majeur. Elle est organisée par la RainbowHouse, en collaboration avec d’autres associations membres et, pour la première fois cette année, avec Visit Brussels. « Nous gérons toute la partie contenu, choix de la thématique, visibilisation des associations et des talents queers. » explique Jean-François Cannoot. « La Pride Week, qui se déroule du 8 au 17 mai, c’est un festival qui comprend toute une série d’événements : cinéma, performances, stand-up, drag, sport, débats, etc. Elle se clôture le 18 avec la Pride March au cœur de Bruxelles et le Pride Village, ouvert toute la journée. Cette séquence est très importante dans la vie de l’association. »
Une Pride dans laquelle les institutions européennes, basées à Bruxelles, s’engagent pour promouvoir les droits et l’inclusion LGBTQIA+. « Elles seront présentes lors de la marche ce samedi, avec des représentants du Parlement et du personnel parlementaire. Ça crée déjà une dynamique de soutien envers la communauté. De plus, les institutions sont sollicitées pour s’engager davantage. Une campagne est en cours en vue des élections pour amener les parlementaires à porter les revendications LGBTQIA+ en priorité. » ajoute encore Jean-François.
Cependant, la Brussels Pride n’est pas la seule Pride organisée ce samedi. « Il y aura d’autres Prides le 18 mai, indépendamment de la Brussels Pride. Tout ça parce qu’il y a vraiment tout un public qui ne se reconnait plus dans cette Pride dite « des institutions « , « corporate ». » explique Blanket La Goulue.
Le quartier gay de Bruxelles, pas vraiment safe place
Sur cette position stratégique de Bruxelles, Blanket La Goulue exprime un constat lucide: « Bruxelles est la capitale de l’Europe donc je pense qu’elle se doit de faire en sorte d’être LGBTQIA+ friendly. Au niveau législatif on sait que nos droits sont défendus. Après, il y a la réalité sur le terrain et ça c’est vraiment très compliqué. »
« Moi, je ne sors pas en drag dans la rue parce que c’est très compliqué, voire violent »
Paradoxalement, l’insécurité est assez présente dans le quartier Saint-Jacques, alias le quartier LGBTQIA+. « Il est en plein centre-ville. C’est une position très importante en termes de visibilité mais c’est aussi une position extrêmement dangereuse. Il attire toutes sortes de populations, toutes formes de tourisme et aussi des personnes souvent très alcoolisées. » explique Blanket.
« Des associations comme Brussels By Night, Safe Ta Night et le Plan SACHA vont élaborer toute une série de protocoles et d’actions de prise en charge et de prévention du harcèlement, des violences sexistes et sexuelles. Donc c’est assez actif à plein d’égards au niveau bruxellois. » souligne Jean-François.
LGBTQIA+ dans la ville: pas tous logés à la même enseigne
Mais les violences LGBTQIA+phobes ne diminuent pas… « C’est en partie parce que les membres de la communauté débanalisent certains types de violences dites « anodines « . Le fait d’en parler, de les signaler, cela permet d’avoir un rapportage plus conséquent et donc d’attirer l’attention des politiques sur les mesures à prendre. Les personnes genderfluid et transgenres sont particulièrement en difficulté, subissant quotidiennement des remarques inappropriées et intrusives sur leur identité ou leur transition. La RainbowHouse avait pour projet d’offrir une porte d’entrée supplémentaire parce qu’on constate que les gens ne vont pas facilement à la police. On nous rapporte encore des situations difficiles où la personne n’est pas prise au sérieux, où les fonctionnaires minimisent ce qu’il s’est passé. » continue Jean François.
Blanket La Goulue confirme que le quotidien d’une personne trans, non-binaire et pratiquant du drag peut encore être difficile dans la capitale. « Le drag n’est toujours pas considéré comme un métier en Belgique. Faire face à la précarisation, c’est une violence en soi. Moi, je ne sors pas en drag dans la rue parce que c’est très compliqué, voire violent. Puis, la transphobie est omniprésente. Des fois c’est juste des regards méchants dans la rue et d’autres fois c’est des crachats ou des insultes. » confie Blanket.
En définitive, a fait des progrès pour devenir une ville inclusive et LGBTQIA+ friendly. Cependant, il reste des défis important à relever pour garantir la sécurité et le bien-être de toutes les personnes LGBTQIA+. Les efforts pour prévenir les violences et lutter contre les discriminations doivent se poursuivre et ce tout au long de l’année.
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