Pride Week: portraits de celles et ceux qui s’engagent auprès de la communauté LGBTQIA+

Ce samedi 20 mai 2023, Bruxelles va prendre les couleurs de l’arc-en-ciel pour une marche des fiertés qui va clôturer en beauté (colorée) la Pride Week. L’occasion pour le Vif Weekend de mettre en lumière celles et ceux qui ont décidé d’agir, à leur niveau, pour rendre le monde (et la Belgique) plus ouvert et inclusif. Portraits.

Nos 3 portraits d’activistes

Ariane Herman, de la librairie Tulitu: « Ici, c’est le mois des fiertés toute l’année »

C’est dans sa librairie colorée et accueillante située en plein cœur de Bruxelles qu’Ariane Herman, 57 ans, nous reçoit. La libraire, cofondatrice de Tulitu met en avant les cultures queer, féministe et québécoise.

« Des intérêts qui n’ont pas l’air d’aller ensemble à priori, mais ce sont les miens, ce sont des choix purement subjectifs et personnels. »

Un engagement que la libraire justifie. « La communauté queer, je l’ai toujours bien connue et fréquentée depuis l’université, de par mes amis. De plus, j’ai toujours fait un métier où j’étais engagée, dans un domaine particulier, donc pour moi c’était clair que si j’ouvrais une librairie, ce serait un lieu engagé ». Un choix, pas anodin, motivé par une famille qui baigne dans les livres. « Mon frère est éditeur au Québec depuis 25 ans, quand je lui rends visite, je repars avec une valise remplie de livres ».

Une légitimité qui lui a donné envie de faire découvrir la culture et la littérature engagée. Pourtant pas libraire de formation, Ariane ajoute que l’ouverture de Tulitu, en 2015,était une évidence. La librairie Darakan, engagée également, a fermé un an avant « donc pour moi, on ne pouvait pas se passer d’une librairie qui propose des bouquins queer à Bruxelles. Ça tombait sous le sens ».

Chez Tulitu, c’est le mois des fiertés toute l’année  

« Le mois de la fierté, je le soutiens. C’est un gros enjeu dans notre société, paradoxalement on a des avancées et en même temps, on fait de gros pas en arrière. Plus j’avance, plus je me documente et moins je comprends. Je ne comprends pas où est le problème ! C’est un peu comme le racisme, je ne comprends pas. Qu’est-ce que cela peut faire ? Que ce soit un homme, une femme, gay ou lesbienne, on s’en fout ! Chacun vit sa propre vie et c’est peut-être ça aussi que j’essaie de faire passer comme message ici à la librairie. L’idée c’est de prêcher la bonne parole ».

Le queer, une culture à banaliser

Dans cette librairie généraliste, les sections queer et féministes sont très clairement identifiées. « Ce qui est amusant c’est que parfois j’ai des gens, plus âgés qui rentrent dans la librairie et qui me demandent ce que « queer » veut dire. Certains s’en vont comme si c’était contagieux, comme s’ils étaient rentrés dans un sexshop et qu’il ne fallait surtout pas qu’on les voit ici ».

Elle insiste sur l’importance de banaliser cette culture, de lire et de s’informer. La libraire remarque cependant une avancée. « Je trouve cela beau, car j’ai parfois des parents qui viennent me dire que leur enfant a fait son coming out ou leur a parlé de sa trans-identité et ils me demandent si j’ai des lectures à leur conseiller pour qu’ils se renseignent. Et ils viennent me remercier par la suite».

J’ai l’impression de faire partie d’une famille

Ariane confie en souriant « c’est une petite librairie, nous ne sommes que quatre et je ne suis qu’en arrière-plan. Mais c’est une chaine de gens et d’associations qui font qu’ensemble, avec des petites pierres, on essaie de construire un édifice, au combien fragile, mais j’ai l’impression de faire partie d’une famille ».

Et Ariane de prouver, une fois de plus, qu’il ne faut pas nécessairement être grand pour avoir de grandes ambitions.

Lire aussi: Coming out au féminin: « La femme lesbienne est moins considérée que l’homme gay »

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Organiser la première Pride de Gembloux: c’est le défi que s’est lancé Lisa Di Maggio

Du haut de ses 23 ans, Lisa a mis sur pied la toute première Pride de Gembloux. Étudiante en sciences et technologies de l’environnement, elle nous raconte comment est né le projet d’un évènement queer dans sa fac d’agro-bio.

Chargé de lutter contre les discriminations sur le campus, le collectif Zhérot dont Lisa fait partie organise des activités tout le long du mois de mai à l’occasion du Pride Month ou mois des fiertés. Au programme: une exposition sur la communauté LGBTQIA+ dans la cantine de la faculté, un spectacle d’impro avec La compagnie qui pétille et un apéro queer en collaboration avec la ville.

Photo: Camille Gourmet

« Dans les premières discussions, on se disait qu’on allait juste organiser un petit verre, puis je me suis dit que ça valait la peine d’essayer de faire quelque chose de plus gros pour cette première pride. Alors niveau logistique j’ai géré toute seule, j’ai appelé des copains pour venir faire de la musique et puis ça s’est construit au fur et à mesure » raconte Lisa.

« C’est un peu mon militantisme à moi » nous confie-t-elle encore. « Je n’ai jamais été très proche de la communauté, je me suis toujours demandée pourquoi je devrais être militante parce que mon orientation sexuelle est différente de la norme ». Créer cette pride, c’est pour elle l’occasion d’organiser un évènement queer dans un environnement qu’elle connait. « Avec des gens en qui j’ai confiance et avec qui je peux avoir un dialogue parce qu’ils me connaissent déjà, mais ne connaissent pas seulement cet aspect-là de moi, je ne voudrais pas juste avoir l’étiquette de la lesbienne»

Sensibiliser le monde universitaire

Cette pride, Lisa l’envisage avant tout comme un moment d’échange et de sensibilisation. « Le but c’est de se poser et de passer un bon moment ensemble, mais c’est aussi une manière de rencontrer la communauté, et de sensibiliser. » En plus des festivités prévues, scène ouverte, concerts et show de drag, des stands de sensibilisation seront éparpillés sur le campus.

« Le monde scientifique, ça reste un monde d’homme » déclare la jeune femme. Si la commune et les instances universitaires se sont montrées plutôt favorables à l’organisation d’une pride dans la fac, la mise en place du projet ne fut pas de tout repos. « On ne voulait pas que ce soit trop choc, surtout que c’est un lieu où il reste encore pas mal de misogynie et peu d’acceptation de la communauté. Donc on fait un petit évènement, on essaye de pas trop se faire voir et on prend des pincettes avec les responsables des infrastructures. »

Photo: Camille Gourmet

Gembloux, deuxième plus grande pride de Belgique ?

Mais si cette première édition se passe bien, l’objectif est de pouvoir continuer à l’organiser chaque année et de mettre en place une pride qui s’étend sur toute la ville. « Ça serait chouette que notre évènement devienne la deuxième plus grosse pride du pays. En plus, comme on l’organise plus tôt pendant le mois de mai, les étudiants peuvent y participer plus facilement que celle de Bruxelles qui tombe en plein blocus. »

L’année prochaine, Lisa sera diplômée, mais pas question d’abandonner le projet. « Je vais prendre un an pour faire de la musique, qui est le plan A, et puis si on a encore besoin de moi je reviendrai. »

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Rencontre avec Nathanaël, gérant du premier bar inclusif queer de Bruxelles

©Laura Jay Nethercott

En plein centre-ville, existe un endroit qui fête la pride toute l’année. Nathanaël, son gérant, nous raconte comment est né The Agenda, le premier bar inclusif queer de la capitale.

Pendant ses études à l’IHECS, Nathanaël découvre le Cabaret Mademoiselle. Lieu phare du burlesque Bruxellois, il s’y rendait tous les jeudis après les cours avec ses camarades de classe. C’est suite à un visa refusé pour le Canada que l’étudiant intègre l’équipe pour y faire un stage dans leur boite de production et mettre sur pied des évènements avec le Cabaret.

Ce stage marquera le début d’une longue collaboration avec l’équipe du Mademoiselle, qui mènera plus tard à la création de The Agenda. « Renaud, le patron du cabaret est venu vers moi en me disant qu’ils voulaient ouvrir un bar inclusif. Moi, le projet m’a vite emballé parce que ça mélange le monde artistique et drag que j’adore et le monde queer. » Sans beaucoup d’expérience, Nathanaël se lance dans ce qui deviendra le premier bar inclusif queer de Bruxelles.

Vivre la nuit différemment

The Agenda ouvre en janvier 2022, quelques mois après le mouvement Balance ton bar qui dénonçait les agressions dans le monde de la nuit. La jeunesse bruxelloise revendiquait alors plus d’inclusion et de bienveillance dans les bars de la ville. « Je pense qu’il y avait un vrai besoin d’ouvrir ce type de bar dans Bruxelles, le jour de l’ouverture, la rue était pleine de monde, les bus ne savaient plus passer, en plus il y avait encore des restrictions covid, on ne pouvait pas encore danser, donc tous ces gens venaient uniquement pour boire des verres. »

L’objectif était aussi de permettre à plus de personnes de la communauté de se sentir incluses dans un quartier avec une forte représentation gay masculine. « Avec le Crazy Circle qui est un bar lesbien inclusif, on est un des seuls de Bruxelles, donc c’est compliqué aussi de répondre aux attentes de tout le monde. »

« C’est difficile de d’ouvrir un bar où on se dit inclusif, parce qu’il y a toujours un rapport à l’autre qui est différent. » À l’heure actuelle, il n’existe pas vraiment de « formation » pour rendre un lieu inclusif. Les débuts ont été marqués par beaucoup de discussions pour faire en sorte que le bar soit le plus accueillant possible pour tous les gens de la communauté. « Au départ il y avait un côté très militant dans l’équipe, on pouvait avoir un discours fort direct quand des personnes se trompaient de terme ou de pronom, mais maintenant, quand il y a des erreurs, on explique. C’est normal que tout le monde n’ait pas les codes. Donc parfois cela nous prend beaucoup d’énergie de faire de la médiation et de s’assurer que tout le monde s’entende bien, mais c’est nécessaire. »

La bienveillance avant tout

Votre premier verre à The Agenda sera toujours accompagné d’un petit speech sur les règles du lieu et d’une charte à lire à l’entrée. Ici c’est tolérance zéro pour la discrimination. « On a pas envie de filtrer les personnes qui rentrent dans le bar parce qu’on accepte tout le monde, mais on essaye de conscientiser. » Victime de son succès The Agenda est bien souvent pris d’assaut par des personnes curieuses de découvrir le concept. C’est pourquoi l’équipe essaye de faire comprendre à sa clientèle que les personnes issues de la communauté LGBTQIA+ ont moins d’options pour sortir que les personnes hétéro, et qu’il ne faut pas monopoliser l’espace, au risque de priver les personnes LGBTQIA+ de s’assoir dans le bar.  

En plus d’un concept bienveillant, le lieu propose à sa clientèle une programmation variée de shows, spectacles de drag, DJ-set et scènes de slam. The Agenda se veut une vraie bulle d’air pour les personnes queer en quête d’un « safe-space » pour passer leurs soirées. Nathanaël et son équipe mettent tout en œuvre pour rendre l’endroit aussi inclusif qu’iconique !

https://www.instagram.com/p/CqTEK0JtcAQ/

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Lire aussi: Mariage gay: où en est-on en Belgique, 20 ans plus tard

Pour découvrir chaque interview séparément:
Ariane Herman, de la librairie Tulitu: « Ici, c’est le mois des fiertés toute l’année »
Organiser la première Pride de Gembloux: c’est le défi que s’est lancée Lisa Di Maggio
Rencontre avec Nathanaël, gérant du premier bar inclusif queer de Bruxelles

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