Quand les (dés)influenceurs se mettent à critiquer les produits à la mode

Aylin Koksal
Aylin Koksal Journaliste

De plus en plus d’influenceur.euse.s utilisent leur plateforme pour dénoncer les comportements d’achat excessifs et la surconsommation. Ils et elles utilisent les réseaux sociaux pour dire à leurs followers ce qu’il ne faut pas acheter. Mais qu’est-ce qui motive ces « désinfluenceurs » ?

Vous en avez marre de voir sur vos médias sociaux des vidéos présentant d’innombrables produits d’influenceurs dont vous doutez même de l’authenticité? Vous n’êtes pas seul. De plus en plus d’utilisateurs de TikTok se servent de leur compte pour dénoncer les comportements d’achat excessifs et la surconsommation. Ces « désinfluenceurs » utilisent leurs canaux pour dire aux gens exactement ce qu’il ne faut pas (plus) acheter. Mais est-ce que ça veut dire que la fin de « l’influencing » est proche? Loin de là, affirme Nathalie Van Raemdonck, chercheuse en médias sociaux.

Une solution pour chaque besoin

Dans une vidéo TikTok, l’influenceuse américaine Trisha Paytas raconte qu’elle s’est rendue dans tous les supermarchés de son quartier pour acheter une gourde. Et pas n’importe laquelle, mais la très populaire bouteille – avec paille – Stanley Quencher H2.0 FlowState Tumbler, d’une contenance de 1200 ml. « Les filles les plus jolies ont une bouteille Stanley, dit-elle en riant. Alors bien sûr, il fallait que j’achète ma bouteille Stanley ». Quelques semaines plus tard, une influenceuse spécialisée dans les soins de la peau affirme qu' »une paille aussi droite n’est pas idéale pour les rides autour de la bouche ». C’est alors qu’apparaissent des pailles antirides dont la courbe permet à vos lèvres de s’y poser de manière optimale, c’est à dire sans les contracter: l’accessoire essentiel de votre gourde essentielle, selon de nombreuses influenceuses.

@jessicacukier

I don’t know about that! #igottaseeher #iknowagirl #lipstraw #antiwrinklestraw #amazonfinds #amazonmusthaves #stanleycup #lipzi #lipzistraw #glassstraw #glassstraws #foryou

♬ Mrs. Right – Mindless Behavior
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Cet exemple, selon beaucoup, illustre une tendance inquiétante sur les applications de réseaux sociaux comme TikTok et Instagram. En effet, pour chaque besoin, on vous propose (plus que) une solution sous forme de produits. Des cheveux lisses? Achetez le Dyson Airwrap. Pieds froids? Portez les minis Ugg. Cuisine sale? Utilisez l’éponge Scrub Daddy. Cette incitation constante à l’achat est précisément ce à quoi de nombreux utilisateurs de médias sociaux et créateurs de contenu veulent mettre un terme avec le « de-influencing »: la tendance qui vous dit les produits qu’il ne faut pas acheter.

« Le pouvoir d’Internet réside dans le fait que nous sommes plus nombreux à repérer et à démystifier les publicités trompeuses », explique Nathalie Van Raemdonck, chercheuse à la VUB. Les gens attendent davantage d’authenticité et d’honnêteté de la part des influenceurs. »

Lire aussi: Instagram, TikTok, YouTube…: combien peut-on gagner en étant influenceur·se

L’épuisement des influenceurs

La désinfluence contraste fortement avec les tendances précédentes telles que #TikTokMadeMeBuyIt, où les consommateurs se contentaient d’exhiber des vêtements, des produits et des décorations qu’ils avaient achetés après les avoir vus sur les réseaux sociaux. On pense évidemment à la fast fashion où les influenceurs exhibent fièrement leur montagne de vêtements Shein à leurs followers. Ou à la « veste bombers » de Zara vue partout et qui s’est tout récemment vendue dans le monde entier. Et encore à cet exemple le plus récent: le mascara Telescopic Lift de L’Oréal Paris, qui a fait couler beaucoup d’encre, est devenu viral parce que l’influenceuse Mikayla Nogueira a été soupçonnée de porter des faux cils dans une vidéo sponsorisée par la marque.

https://www.instagram.com/p/Cel2CH4Ixnl/?hl=fr

Lire aussi : #MascaraGate : que vaut vraiment ce mascara qui fait le buzz sur les réseaux sociaux?

Contrairement à ces influenceurs, les désinfluenceurs critiquent surtout les tendances actuelles. « Ces minis Ugg, le Dyson Airwrap, le mur Charlotte Tillbury, la gourde Stanley: pas besoin de les acheter tous », résonne l’un des sons les plus populaires du moment sur TikTok. Sous le hashtag « influencer fatigue », ils découragent les achats excessifs et la surconsommation. « C’est une réaction directe à la commercialisation des influenceurs qui sont l’enseigne d’une marque, qui ne sont pas tout à fait transparents et qui veulent parfois vous vendre des choses douteuses », explique la chercheuse.

Une image négative

Cette image du stéréotype de « l’influenceur commercialisé » est née du fait que les influenceurs sont souvent utilisés à des fins de marketing, explique encore Nathalie van Raemdonck. Mais en réalité, un influenceur est simplement quelqu’un qui a un grand nombre de followers sur les médias sociaux et qui exerce donc une grande influence sur eux », nuance-t-elle.

« Les désinfluenceurs peuvent critiquer les influenceurs, mais à proprement parler, ils sont aussi des influenceurs. Sauf qu’au lieu de le faire avec des produits, ils le font avec des idées »

En tant qu’influenceur, vous pouvez faire de la publicité pour vos propres produits dans l’espoir d’en tirer profit, véhiculer une idéologie, partager des messages politiques: les possibilités sont infinies. Les influenceurs, malgré leur image plutôt négative, sont toujours populaires, l’influencing est et reste un secteur en plein essor, car très attractif. Selon une enquête récente, de plus en plus de jeunes espèrent suivre la même voie que leurs idoles de TikTok, comme Charli d’Amelio. Quelque 16 % des personnes interrogées se disent même prêtes à payer pour devenir influenceur.

« Les désinfluenceurs peuvent critiquer les influenceurs, mais à proprement parler, ils sont aussi des influenceurs, ajoute la chercheuse. Mais au lieu de le faire avec des produits, ils le font avec des idées ». Le désinfluenceur veut donc remettre en question l’opinion de quelqu’un d’autre avec sa propre vision. « Il n’est pas nécessaire de présenter des produits à son public pour être un influenceur. Au fur et à mesure que votre plateforme se développe, votre influence grandit avec elle. Finalement, de cette manière, les désinfluenceurs peuvent également attirer des marques avec lesquelles ils sont en accord, qu’ils présentent à leur tour à leurs followers. »

@chloe.chapdelaine

I love this trend so much. #deinfluencing #deinfluencer

♬ original sound – Chloë💎 | Travel & Creativity
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Le pouvoir de l’internet

« La fin de l’influenceur n’est donc pas encore proche, assure l’experte. Par exemple, les gens se demandent aujourd’hui si les influenceurs vantent un produit parce qu’ils l’aiment vraiment. Nous prenons également de plus en plus en compte la pertinence sociale de ce que nous découvrons en ligne. Pensez à ces montagnes de vêtements que l’on trouve dans les magasins de fast fashion. Ce genre de chose n’est évidemment pas responsable et suscite de nombreuses critiques ». Selon Nathalie Van Raemdonck, c’est aussi la force d’internet : « On est nombreux aujourd’hui à pouvoir débunker les vidéos trompeuses et les déclarations douteuses, et à dire ce qu’il en est vraiment. C’est clairement la nouvelle tendance ».

https://www.tiktok.com/@rachelledistasio/video/7193452721901554987?_t=8aIqIPvO5qg&_r=1

Lire aussi: Promouvoir la fast fashion sur les réseaux sociaux: des influenceurs se rebiffent

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