Féministe et engagée | Marie Dosquet: « Les hommes gardent plus facilement leurs activités passion » (7/8)

Marie Dosquet
Aurélie Wehrlin Journaliste

Il y a deux ans, Marie, la petite trentaine et jeune maman, se lance dans l’aventure féministe. Pas la bruyante, militante et bravache. Plutôt celle qui nous arme pour la vie de tous les jours, qui donne confiance aux femmes, qui les sort de leur isolement pour leur (re)donner du jus, du temps.

A ce moment-là, Marie est une toute jeune maman. Un moment-clé, « la maternité, l’isolement qui s’ensuit, l’exclusion de l’espace public. Mais aussi le scandale des crèches trop chères et en nombre insuffisant. Sans oublier le bouleversement identitaire qu’elle provoque. » Tout ça vient servir de point de bascule à une sensibilité à la cause féministe qui ne date pas d’hier.

Le bouleversement de la maternité

D’autres leviers avaient déjà été levés depuis longtemps: « le harcèlement de rue, des situations problématiques avec des personnes d’autorité, des profs par exemple. Puis l’entrée sur le marché du travail. J’ai senti que je devais vachement plus faire mes preuves en tant que femme, qui plus est jeune, pour avoir une chance de décrocher un contrat. À l’époque (2013), je travaillais dans un journal et pour le 8 mars une collègue plus expérimentée m’a proposé de contribuer à un supplément sur l’égalité dans le monde du travail. J’ai parlé avec des personnes super intéressantes et ça m’a bien fait ouvrir les yeux. À partir de là j’étais très alerte sur cette question dans le monde professionnel, puis ça a été comme une paire de lunettes qu’on enfile et qui rend visibles toutes les inégalités et les discriminations dans tous les domaines. Impossible de faire marche arrière. »

« J’ai l’impression que les hommes cis parviennent plus facilement à garder leurs activités “passion” parce qu’ils les considèrent comme une priorité et qu’ils culpabilisent beaucoup moins. »

Quand l’urgence des bouleversements liés à la maternité se fait jour, elle repense aux années qui l’ont précédée. En 2020, elle était fraîchement revenue d’un séjour de deux ans en Australie, où elle était partie vivre pour des raisons professionnelles. « Je n’y connaissais personne, et mon compagnon travaillait souvent le soir. Je me suis retrouvée avec beaucoup de temps libre. J’ai alors repris goût à des activités que j’avais quand j’étais plus jeune : la peinture, la danse, le sport. En Australie, c’est tout à fait normal de consacrer beaucoup d’énergie à ses passions, au même titre que son travail ou sa famille, ses amis. Ça m’a beaucoup inspiré. »

Un espace à soi

Après avoir été frappée par le changement de vie que provoque l’arrivée d’un enfant, «j’ai eu besoin de rassembler des gens et de créer un espace “safe” à nous. Nait alors le projet les allié·e·s. Il s’adresse à toutes les personnes sexisées, c’est-à-dire qui sont victimes du sexisme et du patriarcat (femmes cis, personnes trans et personnes non binaires). L’idée est de se rassembler le temps d’un week-end autour de différentes activités créatives. J’ai remarqué autour de moi que souvent on a délaissé nos passions au fur et à mesure pour se consacrer à son travail, son foyer, ou des choses “d’adulte”. »

L’idée est d’offrir ces plages de découverte de soi, d’épanouissement, de créativité. «  C’est dommage parce que c’est très précieux d’avoir ces pratiques comme exutoire, à fortiori quand on subit des discriminations et qu’on vit des choses parfois dures. De leur côté, j’ai l’impression que les hommes cis parviennent plus facilement à garder leurs activités “passion” parce qu’ils les considèrent comme une priorité et qu’ils culpabilisent beaucoup moins. Sans compter le fait qu’ils ont encore majoritairement plus de temps libre étant donné le déséquilibre persistant dans le partage des tâches domestiques, l’éducation des enfants, la charge mentale, etc. ».

Depuis, elle organise régulièrement des stages comme des bulles salvatrices. « Il y a chaque fois aussi un atelier d’écriture. Autres activités des précédentes éditions: danse, céramique, intro à l’œnologie, slam, formation sur la lutte antiraciste. C’est toujours super gai de réfléchir au programme, de trouver le bon dosage entre des activités amusantes, inspirantes, parfois plus chargées émotionnellement… »

Une mission que cette jeune maman active s’est fixée et qui lui demande un engagement de tous les jours, pour trouver et mettre en place les activités adaptées à ces quelques précieuses heures de liberté, faire appel à des structures existantes pour les réaliser, des artistes, des associations, etc. Puis en faire la promotion, trouver les participant·es, le convaincre de se consacrer du temps, monter un groupe.

Ses petites victoires à elle, c’est assister à la naissance de complicités entre les participantes après quelques heures passées ensemble. Mais aussi rassembler des personnes d’horizons, de générations différentes, etc. Et « collaborer avec des personnes qui m’inspirent et les faire découvrir à d’autres (la slameuse Joëlle Sambi, la sommelière Sandrine Goeyvaerts, l’autrice Claire Deville, l’autrice et animatrice d’ateliers d’écriture Alice Legendre…).» Une difficulté? « Parvenir à monter un groupe réellement diversifié quand on est soi-même blanche, cis genre et en couple hétéro, ça demande un travail de déconstruction et je dois bien me rendre à l’évidence que ça ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut accepter que ça soit un processus. »

Retrouver les allié.e.s sur Instagram @lesalliees

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