3 hommes passionnés de tricot confient tout ce que ce passe-temps leur apporte

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Rencontre avec trois hommes passionnés de tricot - Getty Images

Même si, dans le secteur de la mode, nombre de créateurs masculins travaillent la laine, les hommes qui tricotent au quotidien se font rares. Trois d’entre eux racontent pourtant cette passion pour le fil et confient tout ce que le tricot leur apporte au quotidien.

Car non, le tricot n’est pas un passe-temps de (vieille) « bonne-femme », pas plus qu’il ne s’agit d’un simple loisir créatif pour celles et ceux qui le pratiquent, et y voient tant un exutoire qu’une soupape bienvenue pour préserver leur santé mentale.

Jardinier de son état, Guillaume (39 ans) a été initié au tricot par sa femme Régine.

Ethique et pragmatique, la pratique du Bruxellois vise à pouvoir habiller sa famille de vêtements « beaux, chauds, et pas fabriqués au Bangladesh par Zara. »

 » Ma femme tricote depuis une bonne dizaine d’années, mais ça ne m’avait jamais intéressé plus que ça. Il y a à peu près cinq ans, je cherchais quelque chose pour occuper mes soirées sans trop m’abrutir ; j’étais trop fatigué pour regarder la télévision, mais pas assez pour aller me coucher. Alors j’ai tout doucement commencé à me pencher sur ce qu’elle fabriquait et elle a fini par me dire :  » Tu veux essayer ? Allez, on commence, tu n’as qu’à faire une écharpe.  » J’ai répondu :  » Banco !  » Mais il a fallu qu’elle soit très patiente – je suis gaucher, ça complique encore les choses -, et souvent elle défaisait les mailles pour récupérer la matière.

Hommes passionnés de tricot :
© Damon De Backer

A partir d’un moment, j’ai commencé à travailler avec des laines plus naturelles, donc plus chères, et je n’avais pas envie de les voir finir à la poubelle, ça m’a aidé à progresser. Aujourd’hui, quand je dis que je tricote, la réaction habituelle, c’est évidemment de trouver ça ringard, de se demander si je suis gay, et je m’en fiche royalement. En fait, je préfère toujours montrer le résultat :  » Regarde, voilà ce que j’ai fait moi-même, c’est beau, c’est chaud, et ce n’est pas fabriqué au Bangladesh par Zara.  » Si quelqu’un dit que sa passion, c’est de faire des puzzles, certains vont le regarder bizarrement. Mais quand la même personne montre un puzzle de 5 000 pièces, on lui dit :  » Respect !  » Ici, c’est la même chose : le résultat final balaye toujours les préjugés que les gens peuvent avoir.

En général, je tricote quelque chose qui nous est nécessaire, comme une écharpe, un bonnet, un poncho pour les enfants ; quelque chose de pas trop long, mais de pratique et fonctionnel. Alors, oui ma fille perd encore son bonnet régulièrement, mais elle y fait tout de même plus attention qu’avant, parce qu’on a choisi ensemble la couleur, le modèle, etc. Elle ne se dit pas juste qu’on en rachètera un, elle y tient. Je pense que le regard un peu biaisé que l’on porte sur cette activité vient à la fois du fait que l’on n’est plus habitués à voir quelqu’un tricoter, et de nos souvenirs de pulls faits maison qui grattent avec un gros Tintin dessus. De nos jours, il existe plein de patrons et de modèles modernes,  » assumables  » sans problème, d’ailleurs je ne produis que des choses que j’ai envie de porter.  »

Klaas (12 ans) a appris les bases avec sa maman, Sara.

En un an seulement, il s’est transformé en tricoteur aguerri. « Lorsque quelqu’un me demandait si c’était ma grand-mère qui avait fait mon bonnet, je n’osais pas dire la vérité. »

 » Quand on est partis en vacances en Norvège l’été dernier, ma mère avait commencé à tricoter un pull et je lui ai demandé si elle voulait bien m’apprendre. Je regardais souvent par-dessus son épaule parce que j’étais très curieux de voir comment fonctionnait cette technique. J’ai commencé moi-même une écharpe, directement avec un point compliqué. Après ce voyage, j’ai continué dans cette voie et réalisé entre autres deux bonnets, plusieurs animaux en 3D, un pull pour ma soeur et un pour moi, et même une combi pour le bébé de mon parrain.

Klaas
© Damon De Backer

Ce que je trouve chouette, c’est qu’on fabrique des choses juste avec de la laine et des aiguilles. Ce n’est pas ennuyeux parce qu’il y a beaucoup de façons différentes de faire. Cela m’occupe à la maison, quand je n’ai rien à faire, et ça me calme. Certains projets peuvent prendre deux mois alors que d’autres sont finis en quelques jours. Parfois, avec ma mère, on échange aussi nos travaux. J’ai fini pour elle une paire de maniques qui attendaient dans l’armoire. Briek, mon frère de 10 ans, veut parfois nous aider, mais il n’a pas encore vraiment assez de patience pour ça.

Au début, j’avais peur de dire à mes copains de classe que je tricotais. Lorsque j’ai porté pour la première fois à l’école un bonnet que j’avais fait moi-même, quelqu’un m’a demandé si je l’avais reçu de ma grand-mère et je n’ai pas osé dire la vérité. Après ça, j’avais encore moins envie de le dire. Il y avait un garçon qui le savait et j’espérais qu’il saurait garder le secret. Pourquoi ? Parce que le tricot est souvent considéré comme un truc pour les femmes âgées. Plus tard, alors que je portais un pull que j’avais réalisé et que la maîtresse et mes copains le trouvaient super beau, j’ai osé franchir le pas. Je n’avais plus honte. C’est tellement chouette de savoir que tu as fait quelque chose toi-même, de A à Z.  »

Sven (39 ans) est programmateur au festival de BD de Turnhout et vit avec son compagnon à Anvers.

Tricoter pendant qu’il fait la navette en train est pour lui la manière idéale de se détendre. « Je dis toujours aux gens qu’ils doivent essayer, si le yoga n’est pas leur truc. »

 » Il y a trois ans, une amie m’a forcé à suivre sa leçon de tricot dans un café. Elle m’avait dit que ça me plairait mais tous ces chipotages, ce n’était pas pour moi à l’époque. L’idée de fabriquer mes propres vêtements m’emballait toutefois et j’ai donc décidé de donner une seconde chance au tricot. Et ce, même si je garde un léger traumatisme depuis l’école primaire car les travaux de crochet me bloquaient et c’est ma grand-mère qui devait les faire à ma place ! J’ai donc d’abord acheté de la laine et les aiguilles les moins chères possibles, et j’ai appris les techniques de base en autodidacte sur YouTube.

Sven
Sven© Damon De Backer

Comme je prends le train pendant presque deux heures par jour pour mon travail, j’ai décidé de commencer à tricoter pendant le trajet. Et désormais, je trouve le processus très apaisant, c’est presque de la méditation. Je dis toujours aux gens qu’ils doivent essayer, si le yoga n’est pas leur truc (rires). C’est incroyable de voir comme le voyage passe vite de cette façon. Pour moi, c’est la manière idéal de lâcher prise un moment.

Les regards sur moi ne sont jamais désapprobateurs, mais intrigués. Lorsqu’un petit groupe de dames plus âgées montent dans le wagon, elles se font parfois des signes entre elles. J’entame la conversation en disant qu’elles ne voient certainement pas souvent un homme en train de faire ça. Je trouve ça chouette de sortir les gens de leurs schémas habituels de pensée et de leur montrer qu’un gars aussi peut travailler la laine.

Même si les grands créateurs de mode sont en général des hommes, le tricot est toujours considéré principalement comme un hobby de fille. Cela se traduit aussi dans le nombre réduit de beaux patrons masculins. D’autant que ceux proposés sont souvent vieillots, comme tirés de magazines des années 80. C’est pour cette raison que j’envisage de m’inscrire bientôt dans un club. On ne peut pas tout apprendre sur Internet et j’aimerais bien savoir dessiner mes propres modèles, pour être capable de faire aussi des vêtements que je veux vraiment porter. »

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