On a parlé art, adoption et ville de Liège avec l’artiste bruxelloise Françoise Schein

Françoise Schein, photographiée dans son atelier parisien par Renaud Callebaut pour Weekend (DR)
Françoise Schein, photographiée dans son atelier parisien par Renaud Callebaut pour Weekend (DR)
Kathleen Wuyard-Jadot
Kathleen Wuyard-Jadot Journaliste

Cela fait trente-cinq ans que Françoise Schein, aujourd’hui installée à Paris, inscrit les Droits de l’Homme dans l’espace public grâce à des œuvres que l’on retrouve du métro de Berlin à celui de Rio de Janeiro. Du 16 mai au 31 août, le musée Grand Curtius de Liège consacre une rétrospective à cette icône de l’art public.

Pendant près de deux heures, celle qui compte Siri Hustvedt et (feu) Paul Auster parmi ses amis proches et dont les oeuvres monumentales sont vues sont vues par des centaines de milliers d’utilisateurs du métro aux quatre coins du monde, a discouru de sa carrière, son parcours, sa vie de mère aussi.

Extraits choisis.

1. « Quand on aime créer, on ne s’ennuie jamais »

Beaucoup d’enfants ont le don de la création: d’aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours dessiné et peint, et ma chambre d’enfant était bourrée de mes créations des murs au plafond. Je ne sais pas d’où me vient cette passion, je suis née avec, et je savais à peine tenir un crayon en main que je dessinais déjà. J’ai eu la chance que mes parents trouvent ça très amusant et m’encouragent en m’achetant le matériel nécessaire ou en m’amenant à mes cours d’art.

2. « L’architecture est une discipline qui ouvre au monde »

Quand est venu le temps de choisir un métier, j’ai dit à mes parents que je voulais être artiste, mais mon père, ingénieur, m’a convaincue d’étudier l’architecture et ça a été un événement fondateur de mon approche. C’est une formation très vaste, qui touche aussi bien à la technologie qu’à l’anthropologie ou à la littérature, et je remercie mon père de m’avoir poussée à l’entreprendre. Quand la technique est solide, les considérations esthétiques et philosophiques suivent, et c’est un immense avantage dans ma pratique de pouvoir faire des plans et les lire. Cela m’a aussi apporté beaucoup de crédibilité auprès des ingénieurs des neuf métros où sont installées mes œuvres.

3. « C’est la relation qu’on entretient avec le monde qui fait qu’on est un artiste »

Aujourd’hui, il y a énormément d’artistes qui font juste du joli. Je ne suis pas nécessairement contre, mais ce qu’ils créent est beau avant tout, or pour moi, l’artiste est une personne qui ressent la société dans laquelle elle vit et qui se demande ce qu’elle peut faire avec et pour elle. C’est voir un paysage et pleurer face à sa beauté, constater la maltraitance et en suffoquer: l’artiste est pris par ce monde et ressent le besoin d’exprimer des choses à son propos. Hélas, le monde de l’art envisage la création comme la conception d’une œuvre faite pour être exposée dans une galerie ou un musée, ce qui veut dire que la majorité des artistes expriment leur ressenti dans des commodités qui peuvent être vendues et achetées.

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4. « Quand on lit, on laisse parler les autres »

C’est une immersion dans la pensée des auteurs, on apprend à les connaître et à comprendre leur langage et leur histoire. En ça, la lecture et le voyage sont des passions très similaires.

5. « Adopter un enfant n’est pas comme faire un enfant »

Ça tient plus de la rencontre, c’est presque comme un coup de foudre amoureux, on choisit quelqu’un, et on espère que cela va marcher avec cette personne. Quand j’ai rencontré ma fille dans un orphelinat brésilien, Lohana avait 6 ans et elle m’a dit cette phrase extraordinaire: «Tu es ma maman de la chance.» Je lui ai répondu qu’elle était ma fille de la chance et j’ai lancé le processus d’adoption. C’est elle qui m’a choisie, c’est quelque chose de très fort, et son adoption est ce dont je suis la plus fière dans ma vie.

6. « La démocratie est la pierre de soutènement de tout »

Malheureusement, elle n’est pas immuable. Quand je repense à la chute du mur de Berlin, je me dis qu’on vivait vraiment bien. C’étaient les Trente Glorieuses, tout le monde était content et avait du boulot… Le monde était très loin de sa situation catastrophique actuelle. J’ai un père juif, qui a d’abord connu la Seconde Guerre mondiale, puis la chute des charbonnages, en Belgique, et le drame humain que cela a été pour les personnes qu’ils employaient, donc je sais que les situations peuvent très vite changer, en bien comme en mal. 

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7. « Il faut faire de son mieux »

Qu’on soit artiste ou pas, chacun doit prendre en main ce qu’il peut faire de mieux avec les outils dont il dispose. A l’heure actuelle, nous avons tous une obligation morale de résistance, quelle que soit la forme qu’elle prend: si on est parent, cela peut passer par éduquer ses enfants à s’intéresser aux autres. Si tout le monde faisait ça, le monde irait déjà beaucoup mieux. C’est important de passer d’un discours en «je» à un discours qui commence par «nous», «toi» ou «les autres». Ma mère me l’a appris et je lui en suis reconnaissante.

8. « Si je devais revenir habiter en Belgique, ce serait à Liège »

C’est une ville incroyable, presque un pays à elle toute seule, avec une histoire très riche liée à beaucoup d’autres lieux et ce magnifique fleuve au milieu. Elle est parfois un peu chaotique, mais c’est normal avec une ville de cette taille et de cette énergie, et ça ne l’empêche pas d’être très belle visuellement.

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