L’effet Bridget Jones: quel regard porte-t-on sur cette icône imparfaite en 2025?

bridget jones
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L’imprévisible Bridget Jones revient dans les salles obscures pour la quatrième fois. L’occasion de s’interroger sur les représentations culturelles du corps féminin, le modèle de la femme célibataire et l’évolution de son récit post-#metoo.

Depuis le temps qu’on connaît Bridget Jones, cette héroïne maladroite et attachante née en 1996 dans un roman d’Helen Fielding, on a pu constater à quel point elle incarne une lutte constante avec les injonctions sociales. Comme l’explique Kathrin Gerbe dans une étude de l’Université de Newcastle consacrée aux représentations de la masculinité et de la féminité dans le premier film sorti en 2001: «Dans tout le récit, on peut voir que l’évolution de Bridget pour devenir une meilleure personne est corrélée au fait de se conformer aux attentes de la société et aux représentations dans les médias.» 

Un problème de poids

Ce conformisme se manifeste particulièrement dans son rapport au corps. Bridget Jones est une héroïne façonnée par la “culture Cosmopolitan»: des idéaux de féminité faits de corps sveltes et toniques, de peaux impeccables et de glamour, spécifie Kathrin Gerbe. Et si elle est bien consciente de la superficialité de ces standards, elle ne peut s’empêcher de vouloir s’en approcher. Son obsession pour sa silhouette et son poids en est l’exemple le plus flagrant

Barbara Dupont, chercheuse à l’UCLouvain/IHECS, analyse: «On nous montre, avec une certaine insistance, une femme qui monitore son poids comme si c’était un paramètre essentiel de sa vie.» Cette fixation est d’autant plus frappante que le poids de Bridget, tel qu’il est dépeint dans le film, reste dans la norme. Renée Zellweger, l’actrice incarnant l’héroïne, portait une taille 38 à l’époque, ce qui est loin d’être hors normes.

Pourtant, le film accentue cette lutte contre une apparence perçue comme imparfaite, ajoutant une forme de culpabilité à celle déjà véhiculée par la société. Ce paradoxe, où une femme «normale» est dépeinte comme en surpoids, reflète une pression culturelle qui dépasse le personnage. Bridget Jones devient ainsi le miroir d’une époque où la quête de la minceur est omniprésente.

Bridget Jones devient ainsi le miroir d’une époque où la quête de la minceur est omniprésente.

Une vision limitée du célibat féminin

«Etre célibataire, c’est un peu la raison d’être de Bridget Jones», résume Barbara Dupont. Une grande partie de la construction narrative du personnage repose sur cette quête de «Mister Right», un idéal masculin à la fois éduqué, responsable, loyal, viril, tendre et compréhensif. Ce modèle, bien qu’adapté à une époque où les comédies romantiques dominaient le box-office, renforce l’idée selon laquelle toutes les femmes seraient en quête d’amour et à la recherche de ce Mister Right. Une recherche sentimentale qui sera omniprésente dans le tout nouveau Bridget Jones: folle de lui, en salles depuis ce 12 février: « Toutes les années pendant lesquelles l’héroïne a été mariée et heureuse, elles, ne font pas l’objet d’un film», souligne notre interlocutrice.

Toutes les années pendant lesquelles l’héroïne a été mariée et heureuse, elles, ne font pas l’objet d’un film.

Cette vision réduit également la place d’autres formes de relations, notamment l’amitié, qui est très peu abordée dans la saga Bridget Jones. Pourtant, comme le souligne Barbara Dupont, explorer davantage des récits autour de l’amitié féminine aurait permis de diversifier le prisme narratif. Mais chez Bridget Jones, le célibat reste perçu comme un état transitoire, une quête perpétuelle de l’amour et d’une vie à deux… dans une relation hétérosexuelle. 

Une féminité à l’ère post-#metoo

Créé dans les années 90, le personnage incarné par Renée Zellweger est souvent perçu comme une figure emblématique du post-féminisme, ce mouvement qui considère que les luttes féministes auraient été gagnées, rendant celles-ci obsolètes, explique Barbara Dupont. Mais ce post-féminisme impose à son tour des injonctions contradictoires: les femmes doivent être à la fois glamour et maternelles, professionnelles accomplies et parfaites femmes au foyer.

Le personnage incarne également ces tensions. Ses maladresses – sa cuisine ratée, son penchant pour l’alcool ou son incapacité à trouver un partenaire facilement – pourraient en faire une (anti)héroïne défiant les normes. Mais au contraire, elle lutte à s’ajuster pour s’intégrer dans un système standardisé, d’après l’étude menée par l’Université de Newcastle. 

Nous avons le droit d’aimer Bridget Jones. Mais cela ne doit pas nous empêcher de questionner les normes qu’elle véhicule.

Bien sûr, si Bridget Jones n’incarne pas toujours une forme d’altérité et de féminisme stricto sensu, il faut reconnaître l’extrême sympathie du personnage: «Nous avons le droit d’aimer Bridget Jones, insiste Barbara Dupont. Mais cela ne doit pas nous empêcher de questionner les normes qu’elle véhicule.»

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