Le retour de « Frazzled English Lady », éloge de la négligence ?

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23, 33, 43, 53 ans: voit-on forcément la vie autrement avec (plusieurs fois) dix ans d’écart ? Positionnés chacun dans une décennie différente, nos journalistes confrontent chaque vendredi leurs points de vue en débattant des sujets dont tout le monde a parlé lors de la semaine écoulée.

Appartenant respectivement aux générations Z, Millenial et X, Thibault Dejace, Kathleen Wuyard, Nicolas Balmet et Nathalie Le Blanc confrontent leurs points de vue sur le buzz du moment dans notre chronique « 10 ans d’écart ». Le sujet de la semaine?

La Frazzled English Lady

C’est une tendance qui gagne de plus en plus de traction sur le net. Celle de la Frazzled English Lady, Femme Ereintée Anglaise dans le texte. Pulls trop larges, écharpes mal ajustées, et jupes midi, l’esthétique faussement négligée fait des émules.

Pensez à Kate Winslet dans « The Holiday », Keira Knightley dans Love Actually ou encore, la cheffe de file du mouvement: Bridget Jones. Mais on en pense quoi de cette tendance ?

Thibault, 23 ans « La FEL, c’est plus qu’une tenue. C’est un état d’esprit. »

Attendez… Is it really happening ? (pardonnez mon anglais mais la situation l’impose !). L’ « esthétique » de la Frazzled English Lady est-elle vraiment en train de revenir à la mode ? Je sais que la mode est un éternel recommencement, mais tout de même, si vite ?? Après vous me direz, on est bien revenu au jeans ultra-taille basse et top papillon (quelle angoisse) des années 2000, récemment alors bon.

On peut donc à nouveau s’habiller comme des sacs ? Enfiler notre meilleur cardigan et pantalon confortable et call it a day ? Frôler la frontière dangereuse et terriblement mince entre mauvais goût et fringues douteuses mais savamment portées et étudiées ? Si c’est bien le cas, alors je suis team Frazzled English Lady, all the way.

Parce que la FEL (entendez Frazzled English Lady, pour les intimes) c’est plus qu’une tenue, c’est un état d’esprit. Un peu à la Bridget Jones, en fait (l’archétype même de la FEL). Et très sincèrement, vivre seul chez soi, avec un chat et du vin rouge est non seulement une perspective qui m’enchante mais aussi un style de vie qui ressemble fortement au mien. Serais-je donc, pour une fois, au faîte de la mode et des tendances ? je dis oui !

Par contre vous m’excuserez, mais je dois vite y aller. Mon chat vient de renverser mon verre de cabernet sauvignon sur mon nouveau tapis. Alalala, c’est ça aussi la vie de FEL…

Kathleen, 33 ans: « La perfection ? Tellement 2022 »

Récemment, un meme relatif à la génération millenial a gagné en traction sur la toile. Son contenu? « Pas étonnant que les trentenaires aient des trust issues puisqu’on a voulu leur faire croire que Bridget Jones était grosse ».

Et de fait, avec un regard post-mouvement d’acceptation des corps, il semble incroyable que Renée Zellweger, bien que plus « moelleuse » que d’ordinaire, ait été considérée comme dodue. Tout comme il est ahurissant que Bridget, décrite comme oscillant entre un 38 et un 42 dans le livre, l’ait été aussi.

Qu’il s’agisse d’elle, de Kate Winslet dans « The Holiday » ou encore des tenues décontractées arborées par Keira Knightley et Sienna Miller au tournant du millénaire, l’esthétique Frazzled English Woman n’est pas plus « frazzled » (éreintée, en français) que l’héroïne d’Helen Fielding n’est plus-size.

Au contraire, cette dégaine d’autant plus cool qu’elle affiche clairement qu’aucun effort n’a été fait pour l’obtenir est plus aspirationnelle que jamais à l’heure actuelle. La perfection? Tellement 2022. Par ici, les cardigans qui dégoulinent, le grignotage sous la couette et le pompon porté haut sur la tête, et God save the Queen!

Nicolas, 43 ans : « C’est décidé, dans une autre vie je serai une Frazzled English Lady « 

Je le dis depuis des semaines entières: la crise énergétique est la pire chose qui pouvait arriver à mon corps. Car oui, je l’assume haut et fort : je suis du genre frileux. Et pas qu’un peu mon neveu (je salue, au passage, tous les gens du XIXe siècle qui nous lisent).

Pas question, pour autant, de céder à la grosse couverture à carreaux sur les genoux façon François Pirette pour regarder Derrick sur France 3. Non, je suis plutôt en faveur du charme discret de la frilosité. Celle qui se dissimule à peine mais qui se remarque malgré tout, comme l’écharpe blottie sous le manteau, le tee-shirt à vocation thermique planqué sous le pull, les hautes chaussettes abritées sous le jeans, voire la petite paire de chaussettes ajoutée sur l’autre paire de chaussettes.

Bref, je ne peux pas vraiment affirmer que je réponde aux critères de la « frazzled english woman » et ce pour trois raisons. 1) je ne suis pas une woman, mais bien un gentleman. 2) je ne suis pas anglais. 3) je ne connaissais pas le mot « frazzled » il y a encore quelques minutes. Mais disons que si je devais défendre la cause de cette tendance devant un tribunal, ma position serait ferme et immuable : oui, mesdames, ces pulls en tricots, ces cardigans d’un autre âge, ces écharpes mal ajustées et ces jupes mi-longues à peine assorties à vos collants moutarde vous vont à ravir.

Je dirais même plus : c’est à la fois chic et artistique, décontracté et romantique, vintage sans être suranné. Je salue même la performance, parce que l’air de rien, ça ne doit pas être si simple d’arborer un look faussement désordonné qui se révèle réellement charmant.

Verdict ? Vive les fringues d’hiver, vive les gens d’hier et vive cette période de l’année où les frileux ont du cachet. C’est d’ailleurs décidé : dans une autre vie, je serai une femme, j’irai vivre en Angleterre et, au passage, je m’arrangerai pour placer le mot « frazzled » sur le plateau de Scrabble auquel je jouerai en buvant du thé avec mes copines du XIXe siècle.

Nathalie, 53 ans : « Je sais ce que je peux me permettre et ce que je ne peux pas  »

Combinaisons de couleurs bizarres, jupes midi et cheveux non coiffés, j’ai bien peur que ce soit l’une de ces tendances qui ne fonctionne que si vous êtes sacrément belle. Bien sûr, Kate Winslet et Kiera Nightley sont superbes avec une telle épingle dans les cheveux et des pulls trop larges. Ce sont des beautés.

Si moi, une femme ordinaire, je sors avec un foulard trop long et une jupe qui me descend à mi-mollets, je n’ai pas l’air à la mode mais surtout négligée. Non pas que je sois toujours élégante ou soignée à la perfection. Mais comme je porte des lunettes depuis l’âge de 5 ans et que je suis grosse depuis l’âge de 35 ans, je sais ce que je peux me permettre et ce que je ne peux pas.

Un chapeau bizarre sur des cheveux non lavés, c’est cool si vous êtes déjà superbe. Mais c’est tout simplement sordide si vous ne rentrez pas dans le cadre étroit de la beauté. Comme beaucoup de femmes, je sais maintenant ce dans quoi je me sens bien et ce dont il vaut mieux s’éloigner. Alors j’ai laissé passer cette tendance.

De plus, mes mollets sont vraiment superbes, donc les jupes midi sont à proscrire. Cela doit donc juste faire de moi une Femme Belge Excentrique.

 

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