Les hommes à l’ère du post #MeToo: comment dessinent-ils une nouvelle masculinité

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Déboussolés par le mouvement #MeToo qui a dénoncé les excès d’une masculinité toxique, les hommes s’interrogent sur la virilité, dans le monde occidental, à la recherche d’une nouvelle « carte du tendre » adaptée au XXIe siècle, selon des chercheurs interrogés par l’AFP.

« Beaucoup d’hommes ont été étonnés de découvrir à quel point les violences sexuelles étaient fréquentes, y compris chez les femmes de leur entourage. Cela les a amenés à revoir leur histoire sexuelle, à s’interroger sur leurs comportements passés », selon Alexia Boucherie, doctorante à l’université de Bordeaux (sud-ouest de la France), qui étudie le consentement sexuel.  

Sans manuel pratique révisé des relations entre les hommes et les femmes, beaucoup tâtonnent, cherchent leur voie, selon les chercheurs interrogés. 

Les grandes entreprises se sont dotées de codes de conduite de plus en plus sévères qui condamnent les comportements sexistes, même non délictueux.  

« Les entreprises s’orientent vers une tolérance zéro, et les hommes savent que ce n’est même plus discuté », relève le Belge Patric Jean, auteur du documentaire « La domination masculine », qui intervient dans des entreprises auprès des hommes. 

Dans la sphère privée les règles, plus floues, restent à inventer. 

« Il y a des hommes qui sont heureux de cette évolution car ils peuvent échapper à la pression viriliste; ceux qui s’affichent féministes parce que c’est la nouvelle donne; ceux qui résistent; et celui qui est dans le désarroi », énumère Raphaël Liogier, auteur de Descente au cœur du mâle aux éditions françaises Les liens qui libèrent. 

« Il ne sait pas ce qu’il faut qu’il fasse: peut-on flirter ou pas? Il entend tout et son contraire. Où sont les limites? Certains n’ont d’interactions sociales qu’au boulot. Or, l’espace de travail est semé de pièges », relève M. Liogier, professeur à Sciences Po Aix-en-Provence (sud de la France).

Stages et psychothérapies

Il se développe des stages pour « apprendre à être un homme aujourd’hui », des psychothérapies pour hommes qui voudraient bien changer, indique-t-il.

Même si la situation diffère selon les milieux, les jeunes générations en particulier prennent leurs distance avec le modèle paternel, dans la sexualité, mais aussi la manière d’être père, la vie domestique. 

« Une majorité d’hommes se définissent comme sensibles ou aspirent à l’être, ce qu’on n’aurait pas trouvé il y a quelques années. Un homme sensible, c’était un homme féminisé dans les représentations traditionnelles qui définissaient le masculin et le féminin », relève Christine Castelain-Meunier, sociologue spécialiste du masculin au CNRS (Centre national français de la recherche scientifique). 

« Quand j’étais jeune, je me sentais un extra-terrestre par rapport à mon père et aux autres hommes qui montraient une face dure. Je me sentais inférieur même si je n’aimais pas ce qu’ils dégageaient. Aujourd’hui, les hommes peuvent s’assumer sensibles et bienveillants, je ne me sens pas extraterrestre, bien au contraire », témoigne Michel Settembrino, développeur web, président du Réseau Hommes Belgique (RHB), qui chapeaute une vingtaine de groupes de paroles réservés aux hommes.

L’attitude des hommes vis-à-vis des femmes est à mettre en lien avec la diminution de la fécondité, selon Patric Jean.

« Quand vous aviez huit enfants, vous mettiez le paquet sur les garçons et les filles étaient bonnes à marier. Quand vous n’en avez plus qu’un ou deux, vous investissez sur vos filles et si elles sont victimes de comportements sexistes, cela vous semble insupportable ». 

Mais de tels discours n’existent pas dans tous les milieux et générations, selon les chercheurs qui notent, notamment chez les plus âgés, « une attitude plus défensive, avec le sentiment que le masculin chute de son piédestal », selon Mme Castelain-Meunier.

« Beaucoup ont une réaction hostile, dénonçant #MeToo sur le mode +on va vers un système de délation ». Sur le plan personnel, ils vont se présenter comme des boucs émissaires: +je ne sais pas si je peux m’exprimer, vous allez me poursuivre au tribunal+ », relève Joëlle Magar-Braeuner, docteure en études de genre, sociologue affiliée au Réseau québécois en études féministes (RéQEF) et qui intervient en entreprise.

Et à l’extrême, Raphaël Liogier pointe même le « risque d’une surréaction violente, comme celle des mouvements de suprématie masculiniste comme Incel » (Involuntary celibate), à l’origine de plusieurs tueries ciblant ces femmes aux Etats-Unis, au Canada ou en Europe.

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