Et si amener son chien au travail était la clé d’une vie (professionnelle) épanouie
Qu’on appartienne ou non au camp des dog parents, la sagesse populaire l’affirme: le chien est le meilleur ami de l’homme. Ainsi qu’un allié de choix au bureau? Loin d’être une simple distraction, amener Médor au travail serait en effet ultra bénéfique, tant pour les employés que pour leurs employeurs.
Quand on y pense, le petit microcosme de l’entreprise tient déjà quelque peu du zoo. Tel collègue est un âne bâté, une autre n’hésite jamais à se tailler la part du lion quand il s’agit d’attribuer le mérite d’une mission réussie, et puis on n’oubliera pas Machin, malin comme un singe, ni Machine, prompte à verser des larmes de crocodile. On l’aura compris, Noé lui-même aurait eu du mal à y retrouver des petits, alors tant qu’à faire, pourquoi ne pas carrément amener son chien au travail?
Si la proposition prête encore parfois à sourire, des années de recherches sur le sujet semblent toutefois démontrer que l’idée, loin d’être saugrenue, serait au contraire bénéfique pour toutes les personnes concernées.
Sauf celles qui sont allergiques aux chiens, ça va sans dire, mais du reste, la présence de Fido et Médor dans l’open space a des effets positifs non-négligeables.
Le chien au travail, c’est la santé
En juin dernier, Mars Belgium a ainsi diffusé les résultats d’une enquête sur le sujet commandée au bureau iVox. Verdict: 7 Belges sur 10 qui ont un chien au bureau déclarent que cela réduit leur niveau de stress global et 6 sur 10 ressentent moins de stress personnel. Une proportion impressionnante, même si on reste dans le registre du ressenti.
Mais les études sur le sujet révèlent des résultats similaires. À l’automne 2023, dans leur tour d’horizon des bénéfices présentés par la possibilité d’amener son chien au travail, Shawn X. Quan et Kira Schabram, qui ont abordé la question pour la prestigieuse Harvard Business Review, révèlent que la présence de compagnons à quatre pattes au bureau aurait un impact positif sur la santé mentale.
Et de citer notamment une étude publiée en 2019 dans Frontiers in Veterinary Science. Réalisée par Sophie Susannah Hall et Daniel Simon Mills, deux chercheurs en psychologie britannique, celle-ci ne laisse aucun doute possible dès le titre: Taking Dogs Into the Office: A Novel Strategy for Promoting Work Engagement, Commitment and Quality of Life.
Et les auteurs de préciser comment cette amélioration de la qualité de vie se produit, en argumentant que « le fait de pouvoir emmener son chien au travail permet de soutenir le bien-être psychologique des employés. Il a ainsi été démontré que la présence d’un chien réduit le stress de son propriétaire, à la fois dans l’environnement familial et lors de l’accomplissement d’une tâche difficile, comme celles que l’on doit accomplir au bureau. Il semblerait que ces avantages soient dûs au calme et à l’absence de jugement que procure la présence d’un animal de compagnie, ainsi qu’à un sentiment de soutien accru. En plus d’offrir une source directe de soutien social, les chiens agiraient aussi comme des catalyseurs sociaux, favorisant la communication et les relations avec les autres ».
Un environnement de travail où le stress et diminué au rythme de l’amélioration des relations entre collègues, elle-mêmes nécessaires au bien-être au boulot? « Niveau santé mentale, le fait de travailler avec un chien est associé à des émotions plus positives, à une meilleure perception de la santé mentale et à moins de dépression » pointent encore les auteurs d’une autre étude, publiée dans le Journal of Clinical Nursing, même si, selon eux cela n’aurait toutefois pas d’effet sur l’anxiété. Une conclusion que nuance Megan Humphris, propriétaire de la pratique de thérapie canine Therapy Tails, selon qui « la présence d’un chien facilite un processus de pleine conscience. Par conséquent, les personnes peuvent s’engager pleinement et éprouver un certain soulagement face au stress et à l’anxiété ».
Et de souligner également « l’augmentation de l’ocytocine, une hormone régulatrice du stress chez l’homme et le chien. D’autres aspects positifs sont les avantages sensoriels liés au fait de caresser un chien ou d’avoir un chien assis sur nos genoux, ce qui peut être un facteur d’ancrage et de détente ». « Le lien entre les humains et les chiens est unique et peut contribuer à notre bien-être mental et physique de diverses manières, et ainsi réduire notre niveau de stress. Les chiens nous distraient et nous permettent de nous changer les idées pendant un moment » affirment encore le Dr Joni Delanoeije, chercheuse à la KU Leuven dans le domaine des relations entre l’homme et l’animal, et Joke Decru, directrice d’AAP vzw, toutes deux spécialisées dans le soutien aux entreprises sur la question des chiens au travail via leur plateforme kantoorhonden.be.
Et si, d’aventure, ces arguments devaient trouver un faible écho auprès de certaines patrons peu préoccupés par la santé mental de leurs subalternes, le lien prouvé entre présence de chiens au travail et productivité accrue, lui, devrait être nettement plus convaincant.
Gagnant-gagnant
Car contre toute attente, et dans les limites de leur éducation, évidemment, la présence de collègues à quatre pattes au boulot, loin d’être une distraction, serait, au contraire, un facteur de productivité augmentée.
Soulignant que son enquête « révèle également des avantages significatifs pour les employeurs », Mars Belgium partage que « pour plus d’un employé de bureau sur cinq, un environnement de travail accueillant pour les chiens serait une motivation à venir plus souvent au bureau. De plus, pas moins de 48 % des employés travaillant déjà dans un tel environnement affirment qu’ils se rendent plus fréquemment au bureau grâce à cette politique. En outre, pour 39% des personnes interrogées, un bureau accueillant pour les chiens influence leur choix d’emploi, et pour 12% d’entre elles, cet aspect est même décisif ».
Ainsi que le souligne la plateforme RH Références, « une étude menée par la Central University du Michigan (Etats-Unis) démontre l’impact positif des chiens sur la productivité au bureau. Selon les chercheurs, la présence d’un chien dans un groupe renforce la confiance entre les membres du groupe et leur permet de collaborer plus efficacement ». Et si, forcément, prendre son canidé chéri avec soi au bureau implique potentiellement de prendre aussi plus de pauses, afin d’éviter notamment qu’il ne se soulage sur la moquette, ces coupures plus fréquentes, loin d’impacter négativement le travail, amélioreraient au contraire elles aussi la productivité des employés.
« Ces collègues câlins semblent avoir une influence positive sur la fréquence et la qualité des pauses. Et ce n’est pas un luxe, car près de 3 employés de bureau sur 10 ne font pratiquement jamais de pause pendant leurs heures de travail. Et pourtant, d’après les répondants, ces pauses au bureau permettent de diminuer leur niveau de stress (70 %) et d’augmenter leur productivité (74 %) » pointe-t-on encore du côté de Mars Belgium, où les chiens sont admis sur le lieu de travail depuis 20 ans déjà.
Métro-boulot-Médor
Ancien travailleur de la boîte, Paul, ingénieur commercial désormais employé par la concurrence, accepte de partager son expérience sous couvert d’anonymat, afin de ne pas s’attirer les foudres de son employer actuel. Et l’affirme: les années où il a pu emmener son bouvier bernois avec lui au bureau ont été les plus belles de sa vie professionnelle. D’abord, parce qu’il n’y a rien de tel que de câliner une gigantesque boule de poils pour immédiatement récupérer d’une réunion stressante ou oublier une interaction désagréable avec l’un ou l’autre collègue. Mais aussi parce que cette présence représentait une sacrée absence de charge mentale. Forcément: en prenant Milou ou Susucre avec soi au bureau, pas besoin de s’inquiéter du dangereux remplissage de sa pauvre vessie (ou autre) à chaque heure qui passe, ni de culpabiliser de ne pas lui offrir suffisamment d’attention ou de temps de promenade, et encore moins d’angoisser à l’idée de l’état dans lequel on retrouvera peut-être meubles et autres objets de déco en rentrant chez soi le soir.
L’auteure de cet article, elle-même heureuse dog mom d’une énergique border collie âgé de quelques mois, en sait quelque chose. À l’heure d’écrire ces lignes, un déménagement imminent pose en effet la question de savoir comment gérer l’entièreté d’une journée de travail sans possibilité de passer le temps de midi à s’occuper de cet adorable bébé de fourrure. Et de jongler entre les services d’une promeneuse, d’une dog sitter, ou même le recours à une crèche canine, une logistique qui n’est pas sans rappeler celle avec laquelle doivent composer les parents de jeunes enfants.
« Quand je pouvais prendre mon chien au boulot, ma vie était d’une simplicité folle. J’étais célibataire en plus à l’époque, donc je me levais le matin, je m’apprêtais, puis on passait la journée ensemble au bureau et le soir, on partait vers d’autres aventures. Non seulement je ne devais pas me casser la tête pour le faire garder, mais en prime, grâce à sa présence, je prenais des pauses régulières pour me dégourdir les jambes avec lui, et j’étais en meilleure forme que maintenant » se souvient Paul, nostalgique.
Car même si l’initiative gagne du terrain en Belgique, les entreprises qui acceptent la présence des compagnons canins de leurs employés sont encore l’exception plutôt que la norme. Ainsi, « les chiens sont les bienvenus dans 16 % des bureaux belges, une augmentation significative par rapport aux 6 % de 2019, bien que cela représente une légère diminution par rapport aux 21 % de 2023 » regrette Mars Belgium.
50 nuances de chien
C’est que si les arguments en faveur de la présence des chiens au travail ne manquent pas, comme toujours, rien n’est jamais ni tout noir ni tout blanc (de poils) et certains éléments jouent en la défaveur de leur présence généralisée. D’abord, tout simplement, parce que tous les lieux de travail ne s’y prêtent pas, et qu’on imagine difficilement un toutou gambader dans un de ces cadres professionnels qui nécessitent de porter force équipement de protection pour le naviguer en toute sécurité.
Ensuite, parce qu’il existe malheureusement des personnes qui sont allergiques à nos amis les chiens, et que si c’est le cas de celui ou celle qui partage l’open space avec vous, il est évidemment impensable de lui imposer la présence de votre compagnon à quatre pattes au travail. À moins, peut-être, de prendre le parti pris de Mars Belgium, et d’aménager des zones dédiées, qui sous-entendent donc qu’il existe aussi des espaces « réservés aux humains » pour les personnes qui le désirent.
« Pour que les personnes qui ne possèdent pas de chien se sentent également à l’aise au bureau, les employés de bureau belges s’accordent à dire qu’il est important de créer des zones sans chien, d’établir des directives claires et de procéder à un nettoyage régulier » souligne le groupe, tandis que Joni Delanoeije et Joke Decru, elles, rappellent qu’avoir « une politique claire qui prend également en compte le bien-être des chiens eux-mêmes et des employés qui n’apprécient pas toujours la présence d’un compagnon à quatre pattes est crucial. C’est ainsi que nous pourrons prévenir les problèmes et exploiter au maximum le potentiel – tant pour les humains que pour les animaux – des chiens sur le lieu de travail ».
Même si parfois, même avec la meilleure volonté du monde (et un amour revendiqué pour les canidés) il existe un fossé entre la théorie et la pratique. Employée au sein d’un groupe de presse ultra dog friendly, Justine, elle-même « super fan des chiens » révèle ainsi que dans les faits, « c’est un peu pénible ». Et la jeune femme de pointer notamment les interruptions constantes, le chien de sa supérieure n’aimant rien tant que de venir poser sa balle sur les jambes de l’une ou l’autre puis d’aboyer si ses invitations à jouer sont ignorées. « J’ai parfois dû interrompre brusquement des appels professionnels et les reporter à mon retour chez moi parce que deux chiens venaient de commencer à se disputer pour jouer et à aboyer bruyamment dans tout le bureau ». Sans parler des conséquences pour le mois désagréables de travailler à quelques mètres seulement d’un petit bouledogue prompt aux flatulences.
Autant de désagréments qui pourraient toutefois être évités en respectant le cadre strict recommandé par les deux expertes de Kantoorhonden…
Et la loi, dans tout ça?
Et puisqu’il est impossible de parler le cadre sans évoquer le cadre légal, quel est-il? Est-il même légal de prendre son chien avec soi au bureau? S’il n’existe pas de texte de loi relatif à cette question spécifique, qui relève donc de l’appréciation de chaque employeur, d’après les chiffres recueillis par GAIA, près de la moitié des entreprises belges autorisent les chiens sur le lieu de travail.
Soit 52% en Wallonie, 44% à Bruxelles et 39% en Flandre. Cependant, « seulement 8% des entreprises wallonnes et 15% des entreprises bruxelloises disposent d’une politique claire concernant les chiens sur le lieu de travail », raison pour laquelle GAIA a partagé un modèle de règlement type, afin de faciliter la transition vers un cadre professionnel plus dog friendly. Un document à remplir par l’entreprise, stipulant notamment parmi les objectifs de cette démarche « créer une expérience positive pour l’employé en autorisant un chien dans le bureau, à condition que sa santé et son comportement soient acceptables dans un environnement de bureau », et rappelant que « le privilège d’amener un chien au travail est secondaire à la santé, à la sécurité et au confort des personnes qui entrent en contact avec le chien ».
Ce qui veut dire que l’entreprise peut se réserver le droit de supprimer ce privilège si d’aventure, la présence de l’animal devait « provoquer des réactions allergiques, de l’anxiété ou tout autre malaise physique ou psychologique » ou encore perturber le rythme de travail. Et l’association d’assurer toutefois que « 70% des entreprises wallonnes et 60% des entreprises bruxelloise autorisant la présence de chiens au bureau signalent ne pas encore avoir rencontré de difficultés. Et, 40% des entreprises qui autorisent la présence de chiens dans leurs locaux rapportent que cela suscite un meilleur contact entre collègues ou avec les clients ».
« Le lien entre les humains et les chiens est unique et peut contribuer à notre bien-être mental et physique de diverses manières, et ainsi réduire notre niveau de stress. Les chiens nous distraient et nous permettent de nous changer les idées pendant un moment. Cependant, il est important de savoir qu’un chien ne s’épanouit pas toujours dans un environnement de travail, et que tous les employés ne s’épanouissent pas avec un chien au bureau. Il est donc essentiel que la mise en œuvre se fasse en toute connaissance de cause » conseillent encore les deux fondatrices de Kantoorhonden. Dont l’approche est décidément plus que jamais dans l’air du temps.
Si une initiative similaire, dédiée entièrement à la facilitation de la présence des chiens au travail, manque encore en Belgique francophone, la tendance gagne pourtant du terrain. C’est ainsi que Working From_, l’espace de coworking soigné de l’hôtel The Hoxton, à Bruxelles, est entièrement dog friendly. Une manière pour ce lieu de travail hybride ayant les faveurs de nombreux influenceurs belges, de « répondre à une demande croissante des professionnels, mais crée un environnement de travail innovant et inclusif ». Et les équipes en charge de la communication du lieu d’affirmer que « les chiens facilitent les interactions sociales. Ils peuvent briser la glace entre collègues et créer des opportunités de réseautage inattendues ». Mais aussi, des opportunités de recruter voire même débaucher de nouveaux talents?
« Pour 39% des personnes interrogées, un bureau accueillant pour les chiens influence leur choix d’emploi, et pour 12% d’entre elles, cet aspect est même décisif, conclut Mars Belgium. Plus de la moitié des propriétaires de chien qui ne travaillent pas encore dans un bureau accueillant les chiens emmèneraient leur chien avec eux s’ils y étaient autorisés. Parmi les employés de bureau âgés de 18 à 25 ans, également connus sous le nom de Génération Z, ce chiffre atteint 71 % ». De quoi donner une toute autre définition à l’expression « montrer patte blanche », mais aussi, donner des idées aux RH en quête de moyens pour rajeunir leurs forces vives…
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