Insta boyfriend: Vivre avec une influenceuse ou un influenceur, enfer ou paradis?

© FRÉDÉRIC RAEVENS
Kathleen Wuyard
Kathleen Wuyard Journaliste & Coordinatrice web

Parmi les YouTubeurs et autres Instagrammeurs, certains ont fait de leur couple leur marque de fabrique. Mais d’autres décident de moins exposer leur relation, voire de la cacher. Un équilibre délicat, qui implique confiance et communication.

A l’ère digitale, être la moitié d’une star des réseaux équivaut peu ou prou au quotidien d’un compagnon d’une célébrité. Avec tout ce que ça implique de positif – invitations à des événements prisés ou envoi de cadeaux coûteux en échange de publications par exemple -, mais aussi de négatif, entre jalousie, rumeurs ou encore nécessité de partager « son » conjoint avec pléthore d’inconnus qui pensent le connaître. Certains, comme la star des influenceuses Garance Doré, décident de changer de tactique pour se préserver. Après avoir exposé ses précédentes relations sur les réseaux, la Française se fait aujourd’hui très discrète sur le couple qu’elle forme avec l’acteur écossais Graham McTavish. D’autres, à l’image de l’influenceuse italienne aux plus de 25 millions d’abonnés Chiara Ferragni, font de leur couple un point focal de leur feed, et vont jusqu’à exposer leurs enfants quand la famille s’agrandit. Chez nous? Si une poignée d’influenceurs ont réussi le pari de vivre du contenu qu’ils créent en ligne, la fabrique d’influence se fait à une échelle plus modeste (quelques dizaines ou une poignée de centaines de milliers, plutôt que des millions, d’abonnés) et cette fameuse « réserve » que soulignent nos voisins français se manifeste par une forme de protection de la vie privée. Un paradoxe, pour celles et ceux qui ont bâti leur vie sur le fait de l’exposer au public? Trois influenceurs belges et leur partenaire nous ont confié comment ils manoeuvraient l’équilibre délicat entre ombre et lumière.

« Il faut fixer des limites »

Shana Lyès aka @astro.lya, 237 000 abonnés, et son fiancé, Vincent

Insta boyfriend: Vivre avec une influenceuse ou un influenceur, enfer ou paradis?
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A la mention « influenceuse », la Liégeoise de 24 ans, qui cumule également les fonctions d’autrice et astrologue, préfère celle de « créatrice de contenus ». Une dénomination qui décrit mieux son approche des réseaux sociaux, Instagram étant pour elle l’occasion de permettre à ses abonnés de se « redécouvrir grâce aux astres », plutôt que de poster selfies et autres stories face caméra. « Je montre rarement mes amies sur les réseaux sociaux, jamais ma famille« , confie celle qui a longtemps évité de poster des photos de son fiancé, avant tout parce qu’elle le confie dans un éclat de rire, ce dernier « a une sainte horreur des réseaux sociaux ». Mais il se soigne: « La visibilité de Shana n’a rien changé à ma vie personnelle ou professionnelle », assure celui qui est en couple avec elle depuis 2016, soit avant qu’elle ne lance son Instagram à succès. Et pour qui « ça implique juste d’accepter qu’elle doive travailler énormément et soit sollicitée au quotidien pour différents projets. Certes, de temps en temps, je dois la prendre en photo pour l’un ou l’autre partenariat avec une marque, mais elle est très indépendante, je suis rarement embêté », s’amuse-t-il. Et de confier « qu’avant de le vivre à ses côtés, je ne réalisais pas tout le travail que la création de contenu demandait ».

« Au début, c’est difficile de trouver le juste équilibre, concède Shana. Pour la plupart des gens, leur smartphone est un outil de loisir, mais pour moi, c’est un mini bureau portable auquel je dois me connecter plusieurs fois par jour. D’ailleurs, après le repas du soir, je le dépose dans mon bureau pour m’empêcher d’y toucher jusqu’au lendemain matin, parce que les notifications ne s’arrêtent jamais. Et moi non plus. » « C’est là que j’interviens, explique Vincent. Pour le bien-être de notre couple mais aussi pour sa propre santé mentale, je lui ai proposé qu’on instaure des règles afin d’éviter que le boulot n’empiète sur notre vie privé. Il faut fixer des limites: même moi, au début, j’étais curieux de lire tous les commentaires qu’elle recevait », sourit-il. Et s’il confie être « très fier » d’être son « +1 » pour des événements ou lorsque la jeune femme est reconnue en rue, il n’encourt pour sa part aucun risque de surexposition: « Certains influenceurs exposent énormément leur couple. De mon côté, ça me mettrait mal à l’aise. » Un mal pour un bien, selon Shana: « Le fait que Vincent soit aussi « déconnecté » me permet de trouver un équilibre et revenir à l’essentiel. »

« Je n’affiche jamais son visage DANS mon feed »

Franek Ciechanowski aka @franeklife, 20 300 abonnés, et son compagnon, Alexandre

Franek Ciechanowski aka @franeklife
Franek Ciechanowski aka @franeklife© RENAUD MONFOURNY

D’un côté, Franek, dont les créations culinaires appétissantes autant qu’esthétisantes séduisent des milliers de fans sur Instagram. De l’autre, son compagnon, Alexandre, doctorant en Histoire. Un couple formé il y a neuf ans, avant que Franek ne crée son alter ego, Franek Life, ce qui a demandé quelques ajustements. « Il faut accepter que la personne avec qui on vit ait besoin de révéler certaines choses qu’on estime être privées. Ce n’est pas toujours facile à comprendre, surtout quand on est comme moi du genre secret, même avec mes amis », concède Alexandre, qui a dû être convaincu avant de faire des apparitions épisodiques sur le compte de son partenaire. « Si je le montre, c’est uniquement en story, assure Franek. Je n’affiche jamais son visage dans mon feed. Son image est importante dans son métier, je ne voudrais pas que des photos Instagram lui jouent des tours. » Un choix conscient de la part de celui qui a dû revoir son rapport aux réseaux pour préserver sa relation. « Au début, je voulais être présent partout, aller à un maximum d’événements, enchaîner les collaborations… Cela me demandait énormément de temps, ce qui a causé pas mal de disputes, jusqu’à ce que je prenne conscience que c’était toxique pour mon couple. » La solution: limiter les partages de contenu aux sujets « food«  qui ont fait la renommée de son compte, et interdire le téléphone lors de leurs tête-à-tête. « Ça a été difficile d’accepter de toujours le prendre en photo et de ne pas pouvoir manger quelque chose parce qu’il devait le photographier », se souvient Alexandre, qui se réjouit aujourd’hui d’avoir mis conjointement en place « des règles qui permettent d’éviter de se disputer ».

Par contre, pour le doctorant, le fait de rester relativement caché des abonnés de sa moitié est tout sauf une source de tension: « C’est vrai qu’il parle très peu de moi sur son compte, mais on sait bien tous les deux qu’Instagram n’est pas le reflet de la réalité, donc ce n’est pas grave si toute une partie de sa vie est dissimulée en ligne. »

« On ne dévoile que des bribes du quotidien »

Cyrielle Carpentier de Changy aka @cyrielleforkure, 63 100 abonnés, et son mari, Maxime

Cyrielle Carpentier de Changy aka @cyrielleforkure
Cyrielle Carpentier de Changy aka @cyrielleforkure© FRÉDÉRIC RAEVENS

Si le couple se sert de l’Instagram de Cyrielle comme d’une vitrine virtuelle pour sa boutique bruxelloise, KURE, il précise toutefois en souriant que cette relation date « d’il y a quinze ans », soit avant l’arrivée du réseau social. Et si Cyrielle confie « adorer se mettre en scène et aller à la rencontre des gens », Maxime, lui, « est plutôt solitaire et préfère observer ». Raison pour laquelle Cyrielle est la seule à s’exposer en ligne: « Instagram est mon outil de travail, c’est une manière de partager mon quotidien de directrice artistique, mais je ne partage pas toute ma vie », nuance celle pour qui le réseau « ne change pas grand-chose au quotidien, si ce n’est que Maxime doit parfois prendre des photos de moi et qu’il arrive qu’on nous arrête dans la rue pour discuter avec nous. Par chance, ce sont toujours de chouettes échanges ». Raison pour laquelle le couple, récemment devenu parents d’une petite fille, estime vivre très bien la présence d’Instagram au quotidien. Une présence néanmoins cadrée. « Je ne suis pas une influenceuse à proprement parler, je n’accepte quasiment aucun partenariat et je ne vais jamais aux événements: Instagram est le reflet de mon travail et je communique d’ailleurs presque uniquement sur ce dernier. Maxime apparaît parfois en story mais ça se fait de manière organique, il n’y a pas de réflexion derrière. » Et Cyrielle de confier toutefois que le revers de la médaille est qu’elle ne déconnecte jamais vraiment. « Entretenir une présence sur les réseaux représente énormément de travail et peut s’avérer très chronophage », explique-t-elle. Par chance, « on peut s’appuyer sur une communauté très bienveillante, peut-être aussi parce qu’on ne dévoile pas notre intimité, seulement des bribes du quotidien », avance celle qui a creusé sa place dans le monde de la mode en travaillant sans relâche depuis ses 14 ans. Et qui refuse de transformer la vitrine offerte à sa boutique par les réseaux sociaux en filtre trompeur: « Je tiens à ne pas poster que les bons moments en ligne, mais bien aussi les moments difficiles et les coups de gueule éventuels. Mon Instagram est un reflet de ce que je vis au quotidien plutôt que d’une vie fantasmée.« 

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