L’effet du coronavirus sur les jours extraordinaires, devenus (presque) ordinaires

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Une naissance, un anniversaire, un nouveau job ou un départ à la retraite : en cette époque chamboulée, les événements importants ont l’art de ne pas se dérouler comme prévu. La preuve en quatre histoires vraies.

Conrad Janssens Il a eu 18 ans le 26 mars dernier et rêvait de s’offrir un citytrip avec quelques amis pour fêter ça dignement. Partie remise, inévitablement.

 » J’adore voyager, et mon idée de départ, c’était de fêter mon anniversaire avec quelques amis à l’étranger. Ça me semblait plus sympa que de faire une grosse fête à la maison comme je l’avais fait pour mes 16 ans. Mais évidemment, j’ai su il y a quelques semaines maintenant que ce ne serait pas possible de planifier cela dans les jours qui suivraient mes 18 ans. J’espère en tout cas que l’on pourra à nouveau repartir cet été. J’ai besoin de soleil ! J’aimerais aller en Islande, début juillet, ensuite ce sera Saint-Tropez. Le jour de mon anniversaire, je suis resté à la maison. On a célébré ça en famille, simplement autour d’un barbecue. Mes parents ont aussi ouvert une bouteille de champagne. Histoire de quand même marquer le coup, de faire en sorte que cette journée soit un peu particulière… dans les circonstances présentes. Je n’ai pas reçu de cadeau, cela faisait deux semaines que l’on ne pouvait plus faire les magasins. Mes parents m’ont plutôt proposé de choisir quelque chose lorsque tout serait fini.

‘Il y a des choses bien plus dramatiques autour de moi et je pense que mon rôle, dans ce cas-là, est de me replier et de faire en sorte que la maison ne s’écroule pas. ‘

Après, ce n’est pas la peine non plus d’en faire un drame, même si je suis un peu agacé par le silence de la Chine qui a tardé à nous informer de ce qui se passait réellement, propageant ce virus partout dans le monde. Mais là, je ne peux rien y faire de toute façon. Et je ne suis certainement pas le seul à avoir célébré un anniversaire particulier pendant ces temps de confinement. Le tout, c’est d’essayer d’en tirer le meilleur… dans une période déjà un peu étrange pour moi car je suis en rhéto. Même pendant les vacances de Pâques, nous avons reçu du travail scolaire pour compenser le retard pris. Notre bal de promo aussi a été annulé, pareil pour les voyages de fin d’études. Je ne sais pas très bien comment tout cela va se terminer. Ce qui est certain, c’est que c’est un anniversaire que je ne suis pas près d’oublier.  »

Conrad Janssens
Conrad Janssens© DR

Après, ce n’est pas la peine non plus d’en faire un drame, même si je suis un peu agacé par le silence de la Chine qui a tardé à nous informer de ce qui se passait réellement, propageant ce virus partout dans le monde. Mais là, je ne peux rien y faire de toute façon. Et je ne suis certainement pas le seul à avoir célébré un anniversaire particulier pendant ces temps de confinement. Le tout, c’est d’essayer d’en tirer le meilleur… dans une période déjà un peu étrange pour moi car je suis en rhéto. Même pendant les vacances de Pâques, nous avons reçu du travail scolaire pour compenser le retard pris. Notre bal de promo aussi a été annulé, pareil pour les voyages de fin d’études. Je ne sais pas très bien comment tout cela va se terminer. Ce qui est certain, c’est que c’est un anniversaire que je ne suis pas près d’oublier.  »

Ines Meyer-Horn À 27 ans, elle a débuté un nouveau job chez Qover, une boîte qui vend des assurances digitales, le 23 mars dernier. Drôle de départ.

 » J’ai signé mon contrat en février et j’ai commencé cinq semaines plus tard chez Qover, une start-up d’une quarantaine d’employés. Mon rôle est de développer le côté commercial et d’optimaliser le processus de vente, la stratégie marché, etc. Deux semaines avant l’annonce du confinement par le gouvernement, le PDG avait déjà pris des mesures, d’abord pour les collègues qui étaient partis en Italie en vacances, puis pour les autres. Il m’a demandé si je préférais postposer mon arrivée, mais j’ai décidé de commencer comme prévu, le 23 mars. Ce lundi-là, je me suis rendue au bureau, pour voir la responsable des ressources humaines, recevoir mon matériel et ma voiture de société – depuis, elle est dans mon garage et n’a pas bougé, j’ai à peine fait 10 km avec ! Ensuite, après avoir tout installé chez moi, j’ai reçu une liste de personnes à contacter et j’ai passé la semaine à faire des tête-à-tête virtuels. Il y a peut-être un côté moins convivial avec les écrans, mais c’est une boîte très sympa, où tout le monde se tutoie, et ce contexte  » corona  » a permis en fait de briser plus facilement la glace.

Ines Meyer-Horn
Ines Meyer-Horn© DR

Par ailleurs, vu qu’en vidéo-conférence, on voit en arrière-plan le logement de chacun, je percevais, plus vite que si j’avais été au boulot, quelques éléments de leur vie privée. Si quelqu’un avait un griffoir pour chat ou un enfant qui passait derrière, par exemple, c’était une manière de parler un peu de tout et de rien. Je pense donc que ce confinement n’a pas du tout freiné mon intégration. Si je regrette d’avoir commencé en cette période ? J’étais déjà habituée à travailler à distance dans mon ancien travail, et Qover est moderne et bien équipé pour cela. Mais j’avoue que le premier jour, je n’ai pas eu l’impression que je prenais un nouveau départ, car j’étais toujours dans l’environnement de ma maison. Par contre, quand j’irai vraiment au bureau, ce sera comme un deuxième nouveau départ… en connaissant déjà tout le monde ! Je vois ça comme un challenge supplémentaire, pas comme une frustration.  »

Marie Sterkendries À 31 ans, elle a donné naissance à Samuel le 20 mars dernier à 14h46, à l’hôpital de la Citadelle de Liège. Un accouchement… dont elle se souviendra longtemps.

 » Ce jour-là, avec mon copain Lionel, on est arrivés à la maternité vers 10 heures du matin. On s’attendait à une procédure sanitaire assez contraignante, mais en fait, ça allait encore. Personne ne nous a aspergés de sprays désinfectants ! La seule chose qui était bizarre, c’était que tous les gens qui s’occupaient de nous étaient équipés de masques.

Ça avait un côté surnaturel, évidemment, de ne voir le visage de personne.

Néanmoins, tout le personnel médical était aux petits soins et hyper-disponible. Et même s’il n’y avait plus de place dans les chambres de travail classiques, ce n’était pas dû au coronavirus, mais au fait que  » tout le monde a décidé d’accoucher en même temps ! « , d’après une infirmière. Mais l’accouchement s’est très bien déroulé.

Marie Sterkendries
Marie Sterkendries© dr

Le gros coup dur, on l’avait appris peu de temps avant le jour J, quand on nous a expliqué que notre première fille, Lou (3 ans en juin prochain), ne pourrait pas venir à l’hôpital. Or, on avait imaginé depuis longtemps la manière de faire les présentations soeur/frère, avec Lou qui offrait un cadeau à Samuel. L’autre contrainte, c’était que mon copain était le seul accompagnant autorisé, mais aussi qu’il ne pouvait quitter et revenir à la maternité qu’une fois par jour. Après, bien sûr, on n’a pas eu le droit à la moindre visite, ce qui gâchait quand même un peu la fête. Surtout qu’on a dû rester trois nuits au lieu des deux prévues, car l’ONE avait stoppé les soins à domicile. Une fois rentrés à la maison, ma mère nous y attendait : quand elle avait appris qu’on entrait en phase de confinement, elle avait décidé de venir vivre chez nous afin de ne pas manquer l’arrivée de Samuel. Je ne sais pas si c’est légal ou non, mais c’est comme ça. Les parents de Lionel, eux, sont passés très rapidement nous saluer. Quant à mon propre père, à l’heure qu’il est, il n’a toujours pas pu voir son petit-fils. Un jour, il est juste venu nous apporter des oeufs, qu’il a déposés devant la porte. On lui a alors montré Samuel… par la fenêtre.  »

Michel Lecomte patron des sports à la RTBF, il prendra sa retraite l’été prochain, après 40 années de belles émotions et d’énergies sans cesse renouvelées. Un départ à la pension au goût forcément contrasté.

 » Face à une évidence qui touche tout le monde, mon cas personnel est évidemment très anecdotique. Certes, l’émission La Tribune s’est arrêtée avant la fin de la saison, et il n’y aura ni Euro ni jeux Olympiques cet été. Ce n’est pas la fin de carrière que j’avais imaginée. Mais il y a des choses plus dramatiques autour de moi et je pense que, dans ce cas-là, mon rôle est précisément de me replier et de faire en sorte que la  » maison  » ne s’écroule pas. Je continue à faire mon job, car malgré les événements annulés, la RTBF a décidé de proposer plein des rediffusions en télé et sur Auvio. C’est un peu comme s’il fallait tout réécrire. Je m’y adonne avec une passion intacte et, vu la situation, avec d’autant plus de créativité.

Michel Lecomte
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Alors oui, comme on dit dans le jargon, il me manquera la petite cerise sur le gâteau. Mais je pense avoir assez de bon sens pour revisionner mon parcours et n’avoir aucune frustration sur le travail accompli. D’ailleurs, si on me propose de rester disponible un peu plus longtemps que prévu, ce sera oui. L’important, c’est de faire le lien en passant un relais le plus solide possible. Après, même si je m’y suis déjà un peu préparé, le contexte actuel a coupé les ponts humains un peu vite. Or, moi, dans le travail, ce qui me plaît par-dessus tout, c’est le contact, la complicité, le petit mot sympa, l’encouragement, les cinq minutes de discussion dans le bureau… A la maison, ce côté affectif me manque. Mais j’espère juste avoir encore le temps de parler avec les collègues ou même les sportifs qui ont compté pour moi dans ce métier. Et bien sûr, on avait prévu un petit quelque chose de spécial dans le dernier numéro de La Tribune, donc je dirai au revoir aux téléspectateurs à un autre moment. Ce sera ma manière de tourner la page et de passer à la suite. Pour la fête, le jour où elle aura lieu, ça voudra dire qu’on est sortis de  » tout ça « . Mais la date que j’avais prévue depuis plusieurs mois n’est plus d’actualité, et la prochaine n’est pas une priorité dans mon agenda…  »

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