Témoignage | Faustine, de jeune mère à préménopausée: « Les femmes entre 40 et 45 ans sont les grandes oubliées »

La parole se libère autour des règles, de la maternité, de la ménopause. Mais rien sur cet entre-deux, ou si peu.
Amélie Micoud Journaliste

Parce qu’elle trouve qu’on ne parle pas assez de ce que vivent les femmes entre 40 et 50 ans, Faustine, 45 ans, mère de deux enfants, a souhaité nous confier sa façon à elle de vivre cette période, souvent bien plus longue qu’on ne le pense, qui précède la ménopause.

« J’ai 45 ans, et depuis quelques temps, les algorithmes de mes réseaux sociaux faisant sans doute bien leur job, je tombe sur des posts et des articles sur la ménopause, et la période qui entoure celle-ci. Comme cette enquête sur la ménopause du Monde qui m’est régulièrement mise sous le nez dans mon fil Facebook, comme pour mieux me rappeler que je suis pile la cible, au cas où je l’aurais oublié.

Mais si on parle beaucoup de la ménopause, je trouve qu’on ne parle pas encore beaucoup de cet entre-deux, de cette préménopause ou périménopause, appelez ça comme vous voulez (voir encadré plus bas pour les définitions, ndlr), dans laquelle on entre souvent bien des années avant que la ménopause ne sonne le glas de nos hormones sexuelles pour toujours.

Je trouve, d’après mon expérience somme toute très personnelle, que la tranche 40-45 ans notamment, est la grande oubliée, alors que plein de choses se jouent dans le corps d’une femme à cet âge, et alors même qu’il est possible que les fluctuations hormonales qui précèdent la ménopause commencent sensiblement à cette période. Et malgré le rappel constant à l’horloge biologique, je m’aperçois que bon nombre de mes consœurs pensent que « tout marche » plus ou moins comme avant, quand elles avaient 32, 35 ou même 38 ans. C’est ainsi que je vois des femmes, autour de moi, lancer un projet premier bébé à 42 ans et réaliser, parfois de manière dramatique, que c’est plus compliqué que prévu.

De jeune mère à femme mûre

Mon cas est un peu particulier : j’ai eu mon deuxième enfant à l’aube de la quarantaine. J’ai donc eu le sentiment de passer directement du camp des jeunes mamans, avec un corps au summum de son aspect « fonctionnel » – portant et mettant au monde un enfant, produisant du lait, remettant ses cycles en branle – au camp des préménopausées. Et alors qu’hier encore, mes réseaux sociaux étaient jonchés de pubs pour du lait maternisé ou des petits pots bio pour bébé, me voilà aujourd’hui dans la cible des protections pour fuites urinaires et gels contre la sécheresse vaginale…

Si je me sens parfois bien seule dans cet entre-deux un peu bizarre, je pense que je suis pourtant loin d’être un cas isolé. Comme plus de femmes font des enfants autour de la quarantaine, on doit être nombreuses à avoir l’impression de transformer ce grand écart entre deux états de la vie d’une femme en un tout petit (trop petit?) pas.

Exactement comme pour la maternité, c’est en vivant les choses qu’on les découvre. Pourtant, c’est notre santé globale qui est concernée.

Pourtant, je les constate, ces petits signes, qui me montrent que c’est le début de la fin. Jusqu’à ma 43e année, pas grand-chose à signaler. A peine un cheveu blanc par-ci par-là. Mon corps portait les stigmates de cette maternité encore récente. Une toute jeune maman je vous dis !

Mais depuis l’année dernière, ça commence à se gâter. Alors j’ai googlisé « quel âge préménopause », « signes préménopause »… Je constate et ressens des petits changements dans mon corps qui en annoncent de plus grands : ma vision de près déconne, alors que j’avais une vue parfaite, mes articulations commencent à me faire mal plus facilement, et je me sens moins souple lors de mes cours de danse. Sur le plan hormonal, moi qui avais toujours été réglée comme une pendule, voilà que mes cycles s’allongent, créant la confusion quant à la survenue de mon ovulation et de mes règles. Je sens des modifications sensibles au niveau intime : la peau, les sécrétions, les envies changent.

Pourtant, je sais que « la machine » fonctionne encore. J’ai des signes d’ovulation, j’ai mes règles finalement encore à peu près régulièrement, tout est là. C’est perturbant! Alors je prends ces petits changements comme des indices, des signes annonciateurs que je ne dois pas ignorer : ils me permettent de me préparer, physiquement et psychologiquement. Et je n’ai même pas abordé la question esthétique : la peau qui change, pas pour le meilleur hélas, les cheveux qui blanchissent…

De la ménopause, on ne retient souvent que les bouffées de chaleur, l’ostéoporose, la libido en berne et les sautes d’humeur. Mais jamais ou presque on n’évoque toutes ces autres petites modifications physiques et psychologiques qu’il est possible (pas systématique) de rencontrer entre 40 et 50 ans. Et encore moins du fait que ça peut survenir bien avant la cinquantaine. Exactement comme pour la maternité, c’est en vivant les choses qu’on les découvre. Pourtant, c’est notre santé globale qui est concernée : nos dents, nos organes, nos muscles ((re)coucou le périnée !), nos sphincters, nos os, notre sexualité, notre humeur…

Trop vieille pour avoir un bébé, trop jeune pour renoncer à la contraception

Lors de ma dernière consultation, j’ai donc parlé à ma gynéco des petits changements que je commençais à observer en moi. Elle m’a proposé une prise de sang pour un dosage hormonal, mais c’est à peu près tout, tant que, finalement, je ne souffrais pas par ailleurs. Médicalement et socialement, je me sens dans un entre-deux invisible où d’un côté on me dit de prendre une contraception « parce qu’une grossesse à 46 ans, c’est rare mais pas impossible », mais à qui, dans le même temps, on refuserait un accès à la PMA car à mon âge, « les chances d’une grossesse naturelle sont quasi nulles ». Femme pas encore infertile mais plus tout à fait fertile…

Je constate un grand vide pour les femmes entre 40 et 50 ans, la préménopause est presque un non-sujet. Je suis trop vieille pour avoir un bébé, mais trop jeune pour renoncer à la contraception.

Savent-elles seulement que la ménopause n’arrive pas d’un coup d’un seul et que c’est un processus entamé parfois bien des années avant l’arrêt total des règles ?

Quand j’ai du retard, mes copines me demandent si je ne serais pas enceinte « par hasard », alors que tout le corps médical s’accorde sur le fait qu’à mon âge, une grossesse relèverait du miracle. Il m’arrive donc régulièrement d’osciller entre des « merde, ça se trouve je suis enceinte » et des « ça y est, je suis ménopausée, je n’aurai plus jamais mes règles ». Cet ascenseur émotionnel est assez déstabilisant et je me sens parfois bien seule.

Quand mes cycles ont commencé à s’allonger tout récemment, j’ai effectué quelques fois des tests de grossesse, sans trop y croire évidemment mais me disant que l’ironie serait de penser être ménopausée alors qu’en fait, je serais enceinte. Au cas où. Mieux vaut vérifier. On sait jamais.

Me voilà donc, test de grossesse à la main dans un dialogue interne ressemblant, grosso modo à « Ouais enfin bon, en cloque à ton âge… En même temps t’as bien une grand-tante qui a eu sa fille à 45 ans, tout est possible… Je me demande, si j’étais enceinte, est-ce que je ferais vieille future maman ? Est-ce que les gens dans la rue se feraient la remarque ? De toute façon, n’y pense même pas, c’est fini pour toi tout ça, tes ovaires sont sûrement ratatinés… Mais quand même, y a toujours un risque… »

Sujet tabou

Quand j’en parle à mes amies, de mon âge ou presque, j’ai l’impression d’être la seule que ça travaille autant. Pourtant, j’en doute ! Il y a bien cette amie proche qui m’a confié son désarroi de commencer à perdre ses cheveux, cette autre copine qui me parle de ses problèmes articulaires, mais aucune n’a encore osé me confier ses peurs ou simplement ses questionnements sur l’avenir. C’est un peu qui vivra verra. Peut-être que ça les met mal à l’aise, qu’elles n’ont pas envie de savoir. Parfois, j’ai aussi l’impression qu’elles pensent que c’est un truc lointain, et qu’elles ne sont pas concernées. Il m’arrive, quand moi j’en parle, d’entendre « mais c’est encore loin la ménopause, t’as que 45 ans ! ». Je me demande donc s’il n’y a pas, là aussi, un défaut d’information. Savent-elles seulement que la ménopause n’arrive pas d’un coup d’un seul et que c’est un processus entamé parfois bien des années avant l’arrêt total des règles ?

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Moi, j’aime bien savoir, être informée, pour mieux appréhender une période qui, peut-être sera plus facile que ce que je crains. Je pense que l’image que l’on a de sa propre mère traversant cette période cruciale dans la vie d’une femme compte. Pour ma mère, ça n’a pas été chouette, et elle le disait. Elle me parlait de ses règles hémorragiques, qui pouvaient durer des jours. Et je me rendais bien compte que côté santé mentale, elle trinquait. Peut-être, sûrement, que tout ça joue dans ce besoin que j’ai d’en parler, comme pour mieux conjurer le sort. En réalité, je crois que j’ai peur, tout simplement.

Bien sûr je me dis que ça doit être différent pour chaque femme. On ne vit pas toutes une grossesse, un accouchement et un post-partum de la même manière, il en va de même pour la ménopause et la période qui la précède visiblement. Mais je m’étonne quand même qu’on ne parle pas encore davantage de cette tranche 40-50 ans entre personnes concernées et chez le médecin, tout simplement. La parole se libère autour des règles, de la maternité, de la ménopause. Mais rien sur cet entre-deux, ou si peu. Je me suis renseignée sur les rares cliniques de la ménopause. A chaque fois, ça semble s’adresser aux femmes qui sont déjà en plein dedans, si j’ose dire, ou en post-ménopause.

Pourtant, cet entre-deux âges va changer fondamentalement votre façon de vivre, petit à petit, sans même que vous ne vous en rendiez compte. Faire du sport, penser à la contraception tout en se demandant quand on peut l’arrêter, réinventer sa sexualité si besoin, prendre des traitements quand cela s’avère nécessaire… Car oui, la bonne nouvelle dans tout ça, c’est qu’il existe des moyens pour que celle qui vous fait encore coucou de loin – la ménopause – se passe le mieux pour nous. Encore faut-il simplement le savoir. »

La préménopause (ou périménopause)
C’est la période qui précède la ménopause. Si elle s’étend en moyenne entre 2 et 4 ans, elle peut durer jusqu’à 8 ans voire davantage. Durant cette période, la fluctuation des œstrogènes et la diminution de la progestérone peuvent entraîner divers symptômes. Au menu des réjouissances: baisse de la libido, modification des sécrétions vaginales avec une sécheresse possible, douleurs aux seins avant les règles, troubles de l’humeur, prise de poids, chute de cheveux, problèmes articulaires et de densité osseuse, perte de souplesse et de densité musculaire, affaiblissement du périnée, bouffées de chaleur, troubles du sommeil et urinaires, modifications des cycles menstruels (dans leur durée et dans le flux des règles), prise de poids… Toutes les femmes ne rencontrent pas tous ces symptômes et ne les vivent pas de la même manière.

La ménopause
C’est le phénomène qui désigne l’arrêt total des règles, marquant la fin de notre capacité de reproduction. Dit autrement, vous n’ovulez plus. On considère que la femme est ménopausée après 12 mois consécutifs sans règles. Avant cet état, une grossesse reste possible, quoique rare. Il convient donc de continuer à prendre une contraception. La ménopause intervient à 50-51 ans en moyenne, mais elle peut survenir entre 44 et 55 ans. On parle de ménopause précoce avant l’âge de 40 ans. L’âge de la ménopause n’est pas prévisible.

Divers traitements existent diminuer les effets négatifs de la (péri)ménopause. Un traitement hormonal substitutif peut vous être prescrit selon votre profil. D’autres remèdes, médicaux ou non, peuvent également soulager: crèmes et gels contre la sécheresse vaginale, traitement contre les bouffées de chaleur, adoption de nouvelles habitudes d’hygiène de vie (sport, sommeil…), kinésithérapie pour rééduquer le périnée et la zoné péri-anale, si nécessaire, etc. Demandez conseil à votre médecin.

Pour en savoir plus:
La ménopause telle que décrite par l’OMS
Comprendre l’impact mental de la ménopause: « J’étais si agressive que mes proches m’évitaient »
« Le problème ce n’est pas la ménopause, mais bien souvent nos modes de vie »

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