« Tel maître, tel chien » ou ce que votre choix de compagnon à quatre pattes dit de vous
L’adage veut que maître et chien finissent toujours par se ressembler… Mais si cet effet miroir était là dès le départ ? C’est ce que démontre Lucas Jakubowicz dans Un animal pour les gouverner tous : le choix d’un compagnon à quatre pattes est toujours chargé de sens.
Pourquoi la plupart des chefs d’Etat occidentaux ont-ils tous au moins un chien? Et pourquoi ces derniers sont-ils majoritairement des labradors? C’est le genre de questions qu’on ne se pose pas jusqu’à ce que quelqu’un d’autre y réponde. En l’occurrence, le journaliste français Lucas Jakubowicz, qui s’est intéressé aux compagnons à quatre pattes des décideurs et au lien entre maître et (choix du) chien dans son livre Un animal pour les gouverner tous.
C’est que ce dernier, tantôt considéré comme un compagnon de chasse ou de travail, tantôt comme un accessoire – on se souvient de l’ère du chihuahua dans le sac à main – en dit long sur l’essence de ce que ses maîtres sont. Ou plutôt, aspirent à être ou à paraître.
D’où l’incroyable proportion de labradors passés par l’Elysée: sur les huit présidents de la Ve République, tous en ont tenu un en laisse à l’exception de Charles de Gaulle, heureux propriétaire de Rasemotte, un Welsh Corgi Pembroke offert par la reine Elisabeth II.
Simple coïncidence? Au contraire, assure Lucas Jakubowicz: « Le chien est le meilleur ami de l’homme, mais aussi la quintessence de l’animal familial. Or, qui veut gouverner un peuple doit lui envoyer le message qu’en fait, il est comme Mr et Mme Tout-le-monde. Poser avec son chien ne coûte pas grand-chose mais peut rapporter gros. C’est la raison pour laquelle quasi tous les présidents français ont eu un labrador, le chien de famille par excellence dans l’Hexagone. »
Mais pas seulement: championne européenne en matière de dépenses publicitaires sur les réseaux sociaux, la Belgique se distingue aussi en ce qui concerne les posts que les partis choisissent de booster.
En l’occurrence, une enquête publiée par le magazine Médor, à l’automne 2021, révélait que la N-VA avait dépensé pas moins de 200 000 euros depuis 2020 pour booster la photo d’un labrador (encore lui) agrémentée d’une injonction à la liker « si toi aussi tu trouves que la cruauté envers les animaux devrait être punie plus sévèrement ».
Une instrumentalisation qui ne se limite pas au nord du pays: nul besoin de souscrire aux idéaux de Georges-Louis Bouchez (MR) pour savoir qu’il est l’heureux propriétaire d’un spitz pour le moins photogénique prénommé Liloo.
Et de l’autre côté de l’échiquier politique également, on montre patte blanche, le chien de Sammy Mahdi (CD&V), Pamuk, étant presque plus célèbre que son maître, tandis que le carlin de Céline Frémault (CDH) et le berger australien de Christine Defraigne (MR) ont eux aussi fréquemment l’honneur d’être affichés sur les réseaux sociaux.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
Selon Lucas Jakubowicz, qui officie en tant que rédacteur en chef adjoint de Décideurs Magazine quand il ne s’intéresse pas à la ménagerie des puissants, même pour le commun des mortels, le choix d’un compagnon à quatre pattes n’est jamais anodin.
« Les animaux sont des armes de séduction massive », martèle celui qui, « sans vouloir faire de la sociologie de comptoir » n’est pas surpris que ceux-ci pointent également leur truffe sur les applications de rencontre. « Montrer qu’on a un chien prouve qu’on a du temps à consacrer à quelqu’un d’autre, de l’affection à donner… »
Et la race qu’on choisit de montrer en dit long…
La main à la patte
En ligne, pléthore d’articles affirment décrypter « ce que la race de votre chien dit de vous », avec des méthodes pas toujours empiriques, mais dont les résultats sont aussi surprenants que distrayants.
Ainsi, pour le magazine It’s Rosy, les propriétaires de schnauzer seraient des épicuriens qui apprécient les petits plaisirs quotidiens, tandis que celles et ceux qui optent plutôt pour un border collie auraient des tempéraments joyeux et actifs ainsi qu’une tendance affirmée à prendre soin de leurs proches.
Plus sérieusement, en 2012, deux chercheurs en psychologie de l’université de Bath, Jo Fearon et le Dr. Lance Workman, révélaient, après avoir sondé des milliers de propriétaires de chiens, qu’il est « possible de prédire la personnalité d’une personne sur la base de la race de son chien, certaines personnalités étant inconsciemment attirées par certaines races ». Les extravertis auraient selon eux des affinités pour les chiens de berger, tandis que les chiens de chasse auraient la préférence des maîtres au tempérament conciliant.
Tel maître, tel chien? Quand on soumet le parallèle à Frédéric Leidgens, heureux maître de Pablo, un fringant golden retriever de 5 ans, et instigateur il y a quelques années du plus grand rassemblement de goldens de Belgique, il hésite.
« Je n’ai jamais entendu qu’un maître finissait toujours par ressembler à son chien, mais si cela devait se vérifier, dans mon cas, c’est une excellente nouvelle », sourit celui qui décrit son toutou comme un « compagnon de vie, ami et membre de la famille ».
N’en déplaise à Lucas Jakubowicz, qui souligne que « si certains aujourd’hui nourrissent leur chien de croquettes bio et le considèrent comme un confident, c’est une anomalie de l’histoire. « Traditionnellement, il est associé à la chasse. Posséder une meute prête à courser les proies était signe de puissance ».
Même si celle-ci n’est jamais loin de la niche: « En faisant main basse sur un animal, un dirigeant politique s’achète à vil prix une image d’authenticité très recherchée », assure encore le journaliste politique. Pour lequel « le rôle du meilleur ami de l’homme est d’abord symbolique, car personne n’avouerait voter pour un candidat en fonction de sa relation avec son chien. Ce dernier agit sur l’inconscient ».
Ou reflète celui de ses maîtres, ainsi que le démontrent trois cynophiles ravis de leur ressemblance avec leur compagnon à quatre pattes.
Témoignages de 3 maîtres qui revendiquent leur ressemblance avec leur chien (ou est-ce l’inverse?)
Virginia et Nobu
« Cela faisait longtemps que je voulais un chien, mais mes parents étaient plutôt « team chat » et je n’ai pas voulu me précipiter dès que j’ai quitté le nid familial, parce qu’adopter un compagnon demande pas mal d’organisation. Je trouvais les shiba inus très beaux, et j’avais lu qu’ils tenaient leur intelligence des humains, leur indépendance des chats, leur fidélité des chiens et leur malice des singes… Ça m’a tout de suite plu, tout comme leur taille moyenne et le fait que ce soit une race qui puisse vivre en appartement ».
Quand j’ai rencontré Nobu pour la première fois chez son éleveur, il était le seul chiot éveillé de la portée, si petit et déjà si dynamique. Je me suis dit qu’il avait un caractère semblable au mien et que c’était un signe. Depuis, mon entourage me dit que nous avons la même démarche rythmée. Nobu est plutôt petit par rapport à ses congénères, ce qui est mon cas aussi, et on me dit qu’on a un petit quelque chose de similaire dans le regard », confie, rieuse, celle dont les yeux étirés par un grand sourire rappellent en effet ceux de son fidèle canidé.
« Nobu est un chien joyeux et singulier, qui attire la sympathie sans même la chercher. Niveau personnalité, on se ressemble aussi: il est toujours actif et plein de vie, comme moi, et nous entretenons un lien fusionnel tout en préservant chacun notre indépendance. Inconsciemment, je pense qu’on choisit un chien à son image: pour ma part, une race trop calme ou trop sportive ne correspondrait ni à mon tempérament ni à mon mode de vie. Même si, bien que Nobu se soit adapté à ma vie sociale active et que nos caractères énergiques se répondent, il a aussi chamboulé positivement mes habitudes, notamment en m’incitant à marcher plus. Si c’était à refaire, je le choisirais à nouveau sans hésiter. D’autant que lors de nos balades, on m’aborde souvent pour me dire à quel point c’est un beau chien. J’avoue, j’en suis très fière et je n’aurais pas pu rêver de meilleur premier chien ».
Laurent et Mirko
« Quand je ne travaille pas, je m’adonne pleinement à mes passions pour la nature et la langue russe », confie celui à qui la russophilie a inspiré le nom de son bar à cocktails liégeois, le Volga, mais a aussi fait germer l’idée d’accueillir un compagnon à quatre pattes.
« Lors d’un voyage dans le Caucase, un chien sauvage m’avait accompagné tout au long d’une randonnée de plusieurs jours, seul en montagne. Chemin faisant, il m’a sauvé de deux molosses patibulaires en détournant leur attention après qu’ils aient arraché leurs chaînes d’un simple coup de tête et aient foncé sur moi. Depuis, je voulais adopter un chien, et étant sportif, amateur de course à pied autant que de randonnée, je cherchais une race suffisamment active pour m’accompagner dans mes périples. C’est comme ça que Mirko, un husky au caractère plutôt rebelle et très têtu, est entré dans ma vie. Comme lui, je suis obstiné et plutôt indépendant, et comme lui aussi, j’aime les caresses, mais seulement quand j’en demande et pas si ça dure trop longtemps. Ceci étant, même si on se ressemble, j’y réfléchirais à deux fois avant d’adopter un autre husky, parce que c’est une race vraiment très difficile à éduquer ».
« Il a fallu attendre ses deux ans pour qu’il s’assagisse enfin un peu. Il m’en a fait baver! Malgré ça, je n’aimerais pas avoir à mes côtés un chien trop calme, sans caractère. Il en faut un qui partage mon tempérament aventureux! Quant à savoir si on se ressemble physiquement… Difficile à dire, parce que quand on est tous les deux, les gens ne me voient pas, c’est lui qui attire toute l’attention! Quand il était chiot, on m’arrêtait parfois toutes les deux minutes pour le caresser, ce qui est pénible car c’est un animal, pas un jouet. J’imagine qu’on doit quand même avoir quelques traits physiques similaires, parce que c’est souvent le cas entre chiens et maîtres, mais heureusement, tous les propriétaires de caniches ne sont pas la réplique de leur chien! »
Isabelle et Targa
« D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été entourée de petites pattes trottinant à mes côtés: j’ai été élevée chez ma grand-mère au milieu d’une ménagerie de chats, poules, oies, lapins et autres, et quand j’ai eu 2 ans, mes parents ont adopté un cocker roux. C’était la race à la mode à l’époque, on était en pleine vague Boule et Bill ».
« Adulte, j’ai opté pour un chat, mais même si les rapports entre humains et félins m’émerveillent, le fait de sortir de chez soi avec un animal me manquait beaucoup, donc j’ai voulu agrandir la famille. Chez nous, tous les animaux portent un nom de voiture, et Targa tient le sien d’un modèle de Porsche décapotable, parce qu’il en a sous le capot », s’amuse celle qui a cherché pendant près d’un an un élevage familial qui réponde à ses critères. Sans avoir de race prédéterminée pour autant.
« Je ne cherchais pas forcément un chiot, c’était vraiment le caractère de l’animal qui m’intéressait. Physiquement, je trouve les cockers très beaux, ni trop grands, ni trop petits. Et côté caractère son énergie et sa vitalité me conviennent parfaitement. D’ailleurs, lors de notre premier cours canin ensemble, l’éducatrice m’a lancé que j’avais vraiment choisi un chien qui me correspondait. Et même si physiquement, j’espère ne pas avoir des yeux de cocker, on est tous les deux blonds aux yeux noisette, et on a des attitudes similaires. On a une démarche très primesautière, qui donne l’impression qu’on sautille plutôt que de marcher. Comme moi, Targa est très expressif et sociable. Il va spontanément vers tout le monde, chiens comme humains. Si mon cocker était mon miroir, ce serait le reflet de celle que j’étais à 8 ans: son tempérament me pousse à réveiller l’enfant en moi… Et chez les autres aussi: on me dit toujours: « Oh, c’est le chien de la BD. » Je n’ai pas choisi Targa pour ça, mais il évoque quelque chose de très joyeux, l’image d’un chien sympathique et un peu clown. Tout le monde sourit en le voyant, même de loin ».
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici