Soldes: pourquoi cette envie d’acheter même quand on besoin de rien?

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Pourquoi les soldes encouragent notre fièvre acheteuse ?

Alors que les soldes battent leur plein, vous êtes peut-être atteint de fièvre acheteuse. Mais d’où vient cette envie irrépressible de craquer pour des choses dont on n’a même pas toujours besoin ?

Dénicher des casseroles à prix cassés ou une petite robe de rêve pour trois francs six sous vous fait presque l’effet d’un orgasme ? Cela n’a rien d’étonnant. L’achat de nouveaux produits stimule en effet la production de dopamine dans le cerveau, l’hormone du bonheur qui comble nos envies de shopping. « Ces noyaux de dopamine sont situés dans le système limbique, qui envoie des signaux à différentes zones de notre cerveau, explique Herman Konings, psychologue spécialiste de la consommation. Cela crée un sentiment de bonheur et de récompense. Naturellement, les effets varient beaucoup de l’un à l’autre. Tout comme certains ont un métabolisme plus lent, des personnes ont moins de récepteurs de dopamine et y sont donc moins sensibles. »

Pour mieux comprendre le fonctionnement de cette hormone du bonheur, il nous faut remonter dans le temps. « Comme toujours, cela commence par la théorie de l’évolution, poursuit l’expert. Les humains sont des chasseurs-cueilleurs depuis longtemps, constamment à la recherche de nourriture. Une fois leur quête accomplie, leur cerveau produisait de la dopamine, un stimulus nécessaire à la survie de l’humanité. Aujourd’hui, nous ressentons toujours ce sentiment lorsque nous sommes récompensés, et il en va de même lors d’un achat. »

Cette même théorie est encore utilisée de nos jours pour expliquer les différences entre les comportements féminins et masculins en matière de shopping, souligne Malaika Brengman, professeure spécialiste du comportement des consommateurs à la VUB. « Par exemple, les hommes se considèrent généralement comme des ‘chasseurs’ et font donc leurs achats de manière plus fonctionnelle, en se dirigeant directement vers leur objectif. Les femmes, en tant que ‘cueilleuses’, chercheraient l’inspiration dans une zone plus large et achèteraient donc davantage. Ces réalités sont ancrées dans notre ADN et ne risquent donc pas de disparaître de sitôt. Bien sûr, il y a de nombreuses exceptions, mais nous avons pu constater ces différences dans le comportement des consommateurs lors d’études belges. »

Conditionnés à se réjouir

Qu’il s’agisse de l’acquisition planifiée de longue date d’une cuisinière à induction dernier cri ou de l’achat impulsif d’un joli plat de service, plusieurs éléments psychologiques déterminent le degré de bonheur que ces articles nous procurent. « Les achats réfléchis et planifiés à terme sont souvent plus susceptibles de vous rendre heureux, car vous les attendiez avec impatience, explique la professeure. De plus, l’ensemble des préparatifs et l’anticipation qui en découle déclenchent également un sentiment de bonheur. Il en va différemment des achats impulsifs. Dans ce cas, nous répondons souvent à une envie et nous ne réfléchissons pas toujours à ce que nous acquérons. Ces choses sont souvent mises de côté plus rapidement, ce qui signifie qu’elles n’ont apporté qu’un plaisir passager. »

Pour Herman Konings, les achats impulsifs sont souvent guidés par un sentiment de bonheur éprouvé par le passé : « Vous pouvez donc immédiatement apercevoir la perspective d’un bonheur dans un avenir proche. Si vous savez que cette barre chocolatée vous fait toujours plaisir, la dopamine et d’autres hormones du bonheur se mettent à tournoyer à l’idée d’en acheter une. Dans ce cas, un conditionnement se produit. Votre cerveau répète l’association. La récompense arrive donc immédiatement. »

Lorsque nous achetons quelque chose à offrir, comme lors des fêtes de fin d’année, la récompense est double. « D’une part, nous ressentons du bonheur en achetant quelque chose et, d’autre part, nous sommes stimulés par l’anticipation du don, ajoute encore le spécialiste. Surtout lorsque nous tombons sur des cadeaux amusants et personnalisés qui ne manqueront pas de surprendre l’heureux destinataire. Cet effet eurêka nous donne un boost supplémentaire. C’est aussi pour cela que nombreux sont ceux qui raffolent des fêtes et autres célébrations. »

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Shopper par ennui

Selon nos experts, il n’est pas étonnant que les soldes stimulent notre fièvre dépensière. « La chasse aux bonnes affaires peut déclencher un sentiment de bonheur, affirme Malaika Brengman. Mais les réductions peuvent aussi nous inciter à acheter des choses dont nous n’avons pas besoin. Et il faut beaucoup de volonté pour y résister. Nous disposons d’une sorte de mécanisme de défense intégré qui nous protège contre les achats impulsifs, mais tout comme nos muscles, il peut se fatiguer. Nous savons que les gens sont plus sensibles à ces stimuli en fin de journée ou dans les moments difficiles. »

Anouk, 34 ans, se définit comme une « shoppeuse par ennui ». Dans les moments creux, elle parcourt Internet à la recherche de pépites. « C’est un peu un hobby, avoue-t-elle en riant. J’aime surtout chercher des gadgets que je peux offrir à mes amis et à ma famille. Par exemple, j’ai récemment découvert Temu (NDLR : un e-shop chinois bon marché qui gagne en popularité), où j’ai déniché toutes sortes de cadeaux pour les fêtes de fin d’année. » Parmi ses trouvailles : un porte-clés en forme de brocoli pour un ami qui ne mange rien d’autre et un décapsuleur doré en forme de botte de cow-boy pour un copain qui a un tatouage similaire… « Je ne me qualifierais pas d’accro au shopping, confie-t-elle. Je sais ce que je peux dépenser et je connais mon budget. J’aime simplement faire plaisir aux gens avec de petits présents personnalisés, et bien sûr parfois à moi-même. Pour moi, c’est surtout une façon amusante de passer le temps. »

Si le shopping est, en d’autres termes, une forme de thérapie pour certaines personnes, il est également important de savoir quand s’arrêter. 5 % des Belges sont en effet accros à cette activité, indique la professeure Brengman. « Ces personnes deviennent dépendantes de ces hormones de bonheur présentes dans notre cerveau. Chaque fois qu’elles se sentent mal, elles se tournent vers ces shots de dopamine. Parfois, le sentiment négatif est même provoqué par un souci lors d’un achat, ce qui peut déclencher un cercle vicieux. De plus, nous sommes constamment confrontés à des offres et à des publicités, et il n’est donc pas toujours facile de résister. Nous devons apprendre à mieux réguler nos émotions, et nous convaincre qu’il existe d’autres moyens de nous sentir mieux lorsque nous sommes mal dans notre peau. »

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Patience patience

Alors, comment s’empêcher de craquer pour une énième planche à découper alors qu’on en possède déjà trois ? 
« Contrer cette gratification instantanée n’a rien de simple, reconnaît notre psychologue. Cela dépend aussi en grande partie de notre cerveau et des comportements acquis dans notre néocortex. Apprendre dès l’enfance à faire preuve de patience et à retarder cette gratification instantanée est bénéfique pour votre bonheur, mais aussi pour le développement de votre personnalité. Vous aurez moins de difficultés à économiser et à agir de manière plus rationnelle. En d’autres termes, la première étape consiste à prendre conscience de votre comportement d’achat et à vous poser la question suivante : ai-je vraiment besoin de ce produit ? »

Pour Malaika Brengman, une solution serait d’attendre avant de valider une commande. « Lorsque vous mettez un article bénéficiant d’une réduction considérable dans votre panier, patientez au moins une demi-heure avant de le payer. Le danger des soldes est que nous sommes très conscients du peu de temps qu’elles durent. Pourtant, le fait de prendre son temps nous fait parfois changer d’avis, voire oublier notre envie. Si vous voulez vous maîtriser lorsque vous allez faire les boutiques, fixez-vous un objectif clair, soyez bien reposé et n’ayez pas trop faim. Ainsi, votre mécanisme de défense contre les nombreux stimuli sera le plus efficace possible et votre comportement plus équilibré. »

Influence et désinfluence

Les chiffres de BeCommerce et de SafeShops.be montrent également que les Belges aiment faire du shopping. On y apprend que pour le premier semestre 2023, nous avons dépensé près de 10 % de plus qu’au premier semestre 2022, avec un montant de 7,9 milliards d‘euros de dépenses. Le nombre d’achats, lui, reste toutefois plus ou moins identique. Le rapport entre les achats en ligne et hors ligne semble également stable, à 11 et 89 % respectivement. En termes de produits, nous dépensons le plus pour les sports et les loisirs (20,4 %), suivis par la maison et le jardin 
(15,4 %) et les médias et les divertissements (9,9 %). La baisse la plus notable a été enregistrée dans le domaine de la mode et la beauté : les achats de chaussures et de produits d’hygiène personnelle ont chuté de près de 18 %, et ceux de vêtements de près de 11 %. Enfin, il semblerait que nous soyons plus enclins à acheter la semaine, surtout l’après-midi et le soir. Et c’est en Flandre que le commerce électronique connaît le plus grand succès, avec 71 % de tous les achats numériques au premier semestre 2023, contre 20 % pour la Wallonie et 9 % pour Bruxelles.

‘Nous disposons d’une sorte de mécanisme de défense intégré qui nous protège contre les achats impulsifs, mais tout comme nos muscles, il peut se fatiguer.’

Malaika Brengman

Avec des marques populaires comme Temu, Shein et AliExpress qui s’envolent grâce à leurs prix bradés, nous vivons un pic de consommation, affirme Herman Konings : « Les jeunes générations ont une peur incroyable de la stagnation, de l’ennui. Elles sont donc constamment bombardées de nouveautés. Si vous faites cette expérience dès votre plus jeune âge, il est logique qu’il soit plus difficile d’y résister. Le champ des possibles est presque illimité. En ces temps de surconsommation, le plus grand défi consiste à limiter la gratification instantanée. Il est difficile de résister, par exemple, à des billets d’avion à seulement 30 euros quand, en tant que jeune, on n’a pas beaucoup d’argent. Nous devons veiller à ce que les jeunes ne deviennent pas accros, et ne développent pas un état de manque. »

Paradoxalement, on remarque cependant une prise de conscience croissante de notre comportement d’achat, selon nos deux interlocuteurs. L’année dernière, nous avons ainsi vu apparaître des « désinfluenceurs » qui utilisent leurs plates-formes pour dénoncer notre surconsommation et nous avertir des nombreuses tendances à ne pas suivre. « Beaucoup de gens, surtout au sein des plus jeunes générations, se rendent compte que notre société du tout-jetable n’est plus viable, acquiesce Malaika Brengman. La question est de savoir si cette prise de conscience est suffisamment rapide… »

Et de conclure sur une note positive et encourageante : « Lorsque nous achetons un produit local ou durable cela a aussi un impact sur la façon dont nous nous sentons lorsque nous l’achetons. Nous nous récompensons avec de la dopamine pour avoir fait une bonne action. Comme il s’agit d’une décision plus cognitive et réfléchie, en accord avec nos valeurs, un sentiment de bonheur plus durable se manifestera même. Il s’agit également de produits dont vous allez prendre soin pour qu’ils durent longtemps, et qui contribueront donc davantage à votre bonheur général. »

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