Célibataire, trans, gay, queer…: le désir d’enfant quand on n’est pas dans la norme, par Sophie-Marie Larrouy et Océan

© Kwasssa Filmsq
Aurélie Wehrlin Journaliste

Comment répondre au désir – potentiel – d’enfant, quand on est une femme célibataire approchant la quarantaine, un homme trans ou tout simplement quand on ne correspond pas au schéma classique du couple hétéro en âge de procréer? C’est la question qu’explore ce documentaire d’Océan, où il se met en scène avec sa meilleure amie Sophie-Marie Larrouy, comédienne, autrice et podcateuse. Une plongée édifiante et drôle dans une question intime et sociétale, à voir pour mieux comprendre nos semblables.

Sophie-Marie Larrouy girl next door en or

« Originaire des Vosges, Sophie-Marie Larrouy est diplômée d’un BTS management des unités commerciales. Elle enchaîne les petits boulots et travaille comme caissière puis vendeuse en magasin de sport pendant près de quatre années en Alsace, avant d’intégrer l’École supérieure de journalisme de Lille ». L’amorce de la page Wikipedia consacrée à Sophie-Marie L. n’est pas de celles qui font rêver. Pas d’ascendance prestigieuse, pas d’exotisme dans la résidence, la formation ou le job.

Pourtant, au fil des années, celle qu’on nomme désormais par ses initiales SML tant elles sont devenues fameuses – à l’instar d’un BHL, mais dans un genre différent – a su se se tailler la part du lion, à force de travail, talent et humour.

Caissière, vendeuse donc… mais aussi journaliste, qui trouve au début des années 2000, dans YouTube notamment, l’endroit parfait pour exercer son « droit de s’amuser en travaillant »   

Elle le fera avec son personnage inoubliable de Vaness La Bomba, blogueuse mode parisienne influente, archétype sorti d’une époque où nombreuses étaient celles prêtes à tout pour faire leur trou dans la fashion sphere. Une créature ridicule et touchante à force de vouloir en être.

Également podcasteuse, autrice, actrice, documentariste, féministe, Sophie-Marie Larrouy est sur tous les fronts, menant ses interviews comme personne, abordant les questions de l’acceptation de soi, des failles, de l’identité de genre, de la normalité joyeuse, avec intelligence et drôlerie. Toujours en posant un regard empathique sur ceux qui l’entourent et leurs errements….Et ce même si les signes astrologiques ne semblent a priori pas compatibles. Car oui, la trentenaire est ouvertement passionnée par l’astrologie et ses prédestinations.

Touche à tout

Sur Binge audio, sur Arte, sur grand écran, ou sur petit, elle est désormais de celles qui comptent, une personnalité solide et drôle, sans vouloir faire rire à tout prix – différence entre l’humour et le stand-up parfois crispant dans la performance. Pourtant, de son propre aveu, elle n’était censée occuper cette place, qu’elle occupe pourtant à merveille.

Sophie-Marie Larrouy ne revendique rien, ni d’être une transfuge de classe, concept pourtant très à la mode dans les médias, ni d’être une femme – elle qui se réjouit d’être une « elle » bien dans ses pompes – ni d’être une célibataire épanouie, quand les déceptions amoureuses semblent se succéder.

Chez elle, tout est assumé mais rien n’est brandi, ce qui en fait l’interlocutrice rêvée, et fait de son podcast au titre poétique hommage à sa grand-mère A bientôt de te revoir, un moment de drôlerie, de bon esprit et de vérité sur les êtres, inédit.  

Pas patriote, mais sans doute amoureuse des gens et des identités qu’on ne fait pas – ou mal – parler et qui composent le pays, cette fille de l’Est a sillonné la France au moment de la présidentielle pour recueillir et offrir un écrin aux sentiments d’habitants, encore trop méprisés par le pouvoir. Toujours en leitmotiv de faire parler ceux qui sont concernés, et pas à leur place.

Océan, la famille et le désir d’enfant

Ses pérégrinations, elle les reprend aujourd’hui au côté de son meilleur ami, voisin, source d’inspiration qu’est Océan. Documentariste, homme trans qui, en 2016, a filmé sa transition pour en faire un documentaire diffusé sur le service public en France. Ou aucun aspect de la vie quotidienne en plein bouleversement n’est tu. Océane Rose Marie est devenu Océan, et cette expérience filmée, tout en finesse mais sans concession, a permis au grand public de comprendre ce qui se joue pour tous ceux et celles qui sont concernés par cette problématique, notamment l’entourage.

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Aujourd’hui, à l’approche de la quarantaine, Sophie Marie est toujours sans enfant, et célibataire. Passant d’histoires foireuses en déceptions amoureuses.. Mais le désir d’enfant se pointe – en avoir ou pas – et la question des regrets potentiels si on entame cette réflexion trop tard, au regard d’une horloge biologique drastique.

Alors, plutôt que de se lancer dans une voie, cette presque quadra – incarnation parfaite des si touchants Gens qui doutent chantés par Anne Sylvestre – décide de partir avec son fidèle acolyte documentariste, à travers la France et à Bruxelles, à la rencontre de celles et ceux qui ont décidé d’avoir un enfant malgré les obstacles. Ceux qui ont décidé d’occuper les marges plutôt que de se mentir et faire ce que la société aurait attendu d’eux, pour être honnête et exercer son courage.

Sophie-Marie et Océan se mettent alors en scène, dans la joie et la réflexion, pour se faire le vaisseau de cette question qui se pose: qu’est-ce qu’une famille et comment faire famille, quand on ne correspond pas au schéma classique.

Parce que ne pas interroger cette notion aujourd’hui serait nier « l’illusion de la famille unitaire n’est plus signifiante, visiblement. Comme si, précisément, faire famille, c’était assumer la pluralité en son sein, ne pas imposer le simulacre de l’unité. On voit le même mode opératoire dans la société : faire société, c’est assumer le multiculturalisme, la pluralité des identités. », pour citer la philosophe Cynthia Fleury dans son essai sur le sujet.

Dans nos sociétés dont les piliers (la famille nucléaire, les genres assignés à la naissance, etc.) se fissurent, pour mieux correspondre aux besoins des individus, la question du désir d’enfant doit être explorée, parce qu’elle ne peut se réduire à un simple statut avec un statut marital ou à un genre assigné à la naissance.

Devant l’objectif d’Océan, et « parce qu’il est crucial de ne pas parler à la place des gens concernés », femme seule, hétéro ou gay, couples homosexuels, queer, trans, évoquent leur parcours pour devenir une famille, les embûches, les angoisses, et le bonheur de construire un nouveau modèle. Toujours très réfléchi. Une réflexion scrupuleuse et profonde que les couples hétéro cisgenre – la norme dit-on – n’ont finalement pas à mener.

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On ne spoilera pas le documentaire parce que, dès les premières minutes, la force du lien laisse entrevoir la conclusion, mais ce film, aussi drôle – très drôle – qu’émouvant, est en fait une ode à l’amitié, à ces familles que l’on se choisit, « le sang », comme dit Jul. Et un hommage à ceux qui s’assument.

À voir sur Auvio : Documentaire au format série en 6 épisodes, Faire famille, d’Océan  

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