Acapulco, station balnéaire glamour devenue capitale du crime

Acapulco, rendu notamment populaire en Europe via la série americaine La croisière s'amuse, dont elle était une escale fréquente © istock

Dans ce quartier pauvre d’Acapulco, célèbre station balnéaire mexicaine, les employés de l’unique morgue rassemblent les parties d’un corps abandonné là en plein jour: après le tronc et les jambes, ils retrouvent un sac contenant la tête.

Confrontée à une violence grandissante, le seul institut médico-légal de cette ville de 810.000 habitants ne parvient plus à faire face: les cadavres s’accumulent et personne ne vient les réclamer.

A l’intérieur des chambres froides de ce bâtiment, les corps reposent deux par deux dans des tiroirs prévus pour une seule personne.

Les autorités de cette ville, autrefois synonyme de glamour et devenue la capitale mexicaine du crime, ont ouvert les portes à l’AFP de ce lieu où sont conservées les dépouilles.

En ce jour de mi-juillet, le site totalise 174 cadavres alors qu’il est prévu pour 95. Trois d’entre eux y attendent depuis 2012.

Malgré cette surpopulation, la plupart des corps reposent dans des sacs mortuaires gris. A proximité d’un cafard qui s’échappe au fond d’un frigo, un sac rouge porte l’inscription « foetus ».

Une demi-heure après l’arrivée d’une nouvelle victime décapitée, l’odeur de mort enveloppe l’air chaud autour des tables d’autopsie survolées par des mouches.

La morgue est « saturée à cause de la violence et parce que beaucoup de corps ne sont pas réclamés », explique Carlos de la Peña, le responsable sanitaire du Guerrero (sud), en charge des trois établissements de cet état.

Acapulco, capitale mexicaine du crime
Acapulco, capitale mexicaine du crime© Reuters

Violence endémique

Dix médecins légistes travaillent dans celui de cette ville où 902 personnes ont été assassinées en 2015 et 461 au cours du premier semestre de cette année, selon les chiffres officiels.

Avec un taux de 111 assassinats pour 100.000 habitants, la station balnéaire figure parmi les villes les plus violentes de la planète, hors zone de conflit.

Signe de cette violence endémique: les frigos de la morgue contiennent actuellement les restes de 53 personnes assassinées et les os de 16 personnes retrouvées dans des fosses clandestines ou dans des parties isolées de la ville.

Les autres sont décédées de mort naturelle, ont été victimes d’accidents ou proviennent d’un crématorium qui a fermé ses portes l’an dernier. « Il y a des familles qui savent que les corps se trouvent ici mais qui ne les réclament pas. On ne sait pas pourquoi », témoigne Carlos Estrada, en charge du site.

A 61 ans, il se souvient qu’il y une vingtaine d’années, cet institut médico-légal recevait deux ou trois corps par jour, souvent victimes d’accidents. Désormais, ils sont entre trois et cinq. Des assassinats pour la plupart. « C’est impressionnant, car souvent nous travaillons sur un corps dont nous ne connaissons pas l’identité. Mais c’est un travail qui doit être fait », souligne-t-il.

D’ici deux mois, les autorités espèrent commencer à enterrer les corps non réclamés, une fois que le travail en retard aura été rattrapé.

Séquelles psychologiques

« J’ai eu des gardes avec six, sept ou huit cadavres », assure Jose Esteban Anzastiga, qui conduit les camionnettes de la morgue. Selon un porte-parole des autorités de l’état, Roberto Alvarez, 95% des assassinats à Acapulco sont liés au crime organisé.

Dans ce port stratégique du Pacifique, les cartels des Beltran Leyva et l’Indépendant d’Acapulco se disputent le contrôle du trafic de drogue. Sans parler des règlements de comptes internes.

Le niveau de violence pèse sur la vie des habitants, souvent victimes de séquelles psychologiques.

Au point que Médecins sans frontières (MSF), ONG connue pour venir en aide aux victimes en zones de guerre, a installé un centre de santé mentale en janvier 2015 dans le quartier de San Agustin, réputé dangereux.

Depuis, plus de 1.100 personnes ont été reçues par des psychologues après avoir subi des menaces, des extorsions, des enlèvements ou avoir été torturées par des criminels.

La grande majorité souffre de dépression ou de stress post-traumatique, mais peu osent parler. « Nous pensons qu’il y en a bien davantage », craint Edgardo Zuñiga, le coordinateur du programme.

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