Auteur de guides touristiques, job de rêve… au temps du coronavirus

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Aurélie Wehrlin Journaliste

Parcourir le monde pour donner envie aux autres de le faire. Sillonner la planète pour en débusquer les richesses. Tester les bonnes adresses du globe pour vous inviter à y goûter vous-mêmes… Le métier d’auteur de guides touristiques à de quoi faire rêver. Mais qu’en est-il en ce moment de crise, où les voyages non essentiels sont proscrits ou presque? Ou la découverte de l’autre bout du monde semble si lointaine? On a posé la question à Jean Tiffon, auteur de Voir le monde sans quitter la France qui sort ces jours-ci en librairie.

Qui n’a jamais rêvé de transformer sa passion du voyage en métier, faisant se rejoindre l’utile et l’agréable, la vie quotidienne et l’exceptionnel dans une activité professionnelle? Bon nombre d’entre nous en rêvent, peu le concrétisent. Le métier d’auteur de guides touristiques le permet. Enfin en tout cas tant que les voyages étaient permis et encouragés. Qu’en est-il désormais? Comment travaille-t-on à parler d’ailleurs quand le voyage est déconseillé? On a interrogé Jean Tiffon, éditeur dans le domaine du tourisme depuis quinze ans maintenant et auteur français de guides de voyage sur la France et le monde depuis cinq ans.

Vous êtes auteur de guides de voyage. Pour beaucoup, ça s’apparente à un job de rêve. Est-ce le cas ?

C’est un travail passionnant et surtout très enrichissant ! Mais contrairement à ce que pensent certains, cela n’a rien à voir avec des vacances. Quand je suis en reportage sur le terrain, je travaille comme un fou. Mes journées commencent très tôt le matin et se terminent tard le soir (voire au milieu de la nuit dans les grandes villes). Il faut tout le temps être à l’affût pour ne rien rater. Une fois rentré chez moi, je passe à la rédaction : il faut alors reprendre les milliers d’informations glanées sur place et les répercuter dans les textes. On n’imagine pas le nombre de choses qui peuvent changer d’une année sur l’autre! Il est également nécessaire d’approfondir certains thèmes, de faire des recherches, de contacter tout un tas de gens.

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Qu’est-ce qui a changé dans votre métier depuis quelques mois ? Et concrètement dans votre travail au quotidien ?

Le problème numéro 1 depuis l’arrivée de la Covid 19 dans nos vies, c’est l’obsolescence des informations. Il faut tout vérifier plusieurs fois au cours de l’édition car beaucoup d’établissements se retrouvent en difficulté et ils sont susceptibles de fermer à tout moment. De même, sur le terrain, il peut être compliqué de visiter les adresses comme on le faisait auparavant : les normes sanitaires sont désormais très contraignantes. Depuis la fin du confinement, j’ai eu un peu moins de travail que d’habitude car certains guides n’ont pas pu sortir (en particulier ceux concernant les destinations lointaines). En échange, j’ai eu un plus de travail sur la France, qui a connu cette année un boom de fréquentation locale.

Quel aspect de votre métier vous manque le plus ?

Partir au bout du monde dans des pays que je ne connais pas, là où j’ai encore tout à découvrir. Mais ça reviendra!

Remarquez-vous des bons côtés à ces changements ?

Oui, il y en a. Par exemple comme beaucoup de Français, j’ai pu redécouvrir la richesse de notre pays et surtout son exceptionnelle diversité. C’est d’ailleurs l’objet du livre Voir le Monde sans Quitter la France, qui sort ces jours-ci (Hachette) et auquel j’ai participé.

Ce livre justement, tombe à point nommé, à un moment où l’on ne peut pas vraiment courir le monde. Comment est née l’idée de ce guide ? À quand remonte-t-elle ?

Ce qui est amusant, c’est que l’éditeur a eu l’idée de ce livre bien avant le confinement. C’est d’abord le phénomène du flygskam qui a réveillé l’intêrêt pour cette thématique. Il souhaitait publier quelque chose d’amusant et d’étonnant sur la France, qui permettait de « voyager loin » sans traverser la planète. Il m’a donc contacté ainsi que deux autres auteurs (dont la collaboratrice récurrente du Vif Weekend, Céline Fion, NDLR). Au final, une partie des textes ont été écrits durant le confinement. Et maintenant, à l’heure de sa sortie, l’ouvrage se glisse parfaitement dans l’actualité.

Voir le monde sans quitter la France, de Céline Fion, Natasha Penot et Jean Tiffon, Hachette, 2020.
Voir le monde sans quitter la France, de Céline Fion, Natasha Penot et Jean Tiffon, Hachette, 2020.© DR

Avez-vous changé d’avis sur le voyage?

Difficile à dire pour le moment. Mais ce qui est sûr c’est que la crise sanitaire de la Covid 19 a accentué des questionnements déjà présents chez nombre de voyageurs depuis plusieurs années. Aujourd’hui, on aspire à voyager moins loin et plus longtemps, tout en respectant d’avantage l’environnement et les habitants des lieux visités.

Et vous, avez-vous changé de regard sur votre métier ?

Je me suis surtout rendu compte que le voyage en général est intimement lié au besoin de liberté. Avec le confinement, toutes ces évidences ont été mises en doute.

Pensez-vous que le tourisme de proximité auquel on s’adonne depuis quelques mois, va s’ancrer dans les habitudes des voyageurs ?

C’est évident. Aujourd’hui, on parle beaucoup plus de microaventure, de cyclotourisme, de slow tourisme, etc. Et ce n’est qu’un début car les gens y ont pris goût.

Extrait de Voir le monde sans quitter la France. Illustration de Mélody Denturck
Extrait de Voir le monde sans quitter la France. Illustration de Mélody Denturck© DR

Pour découvrir la Belgique, consultez notre dossier Staycation: Tourisme de proximité en Belgique

Comment envisagez-vous professionnellement les mois à venir ? Et sur un plus long terme?

Les voyages lointains risquent d’être difficiles à organiser pendant quelques temps encore. Donc l’année 2021 risque de s’écrire essentiellement en Europe pour moi. J’étais censé partir travailler à Los Angeles cette année mais je ne sais vraiment pas quand je pourrai y partir.

Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

La France et toujours la France ! J’ai reçu énormément de commandes d’éditeurs et de rédactions pour des sujets 100% français. Ce qui est intéressant, c’est que je suis amené à parler de coins rarement dans la lumière habituellement.

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