L’Amigo, la prison devenue hôtel

La longue histoire de l'Amigo, la prison devenue hôtel
Nicolas Balmet
Nicolas Balmet Journaliste

S’il est devenu l’hôtel 5-étoiles préféré des stars de passage à Bruxelles, l’hôtel Amigo a longtemps servi de prison aux opposants politiques, hérétiques et autres gangsters en tous genres. Autant dire qu’en 500 ans, il en a vu de toutes les couleurs.

Tout est dans le livre L’Amigo et Bruxelles, de 1522 à 2022, publié il y a quelques semaines par la Renaissance du Livre et dans lequel Benoît Vandevelde retrace méticuleusement cinq siècles d’histoire. L’ouvrage débute peu avant 1521, lorsque la décision est prise par les autorités de la ville de construire une maison de détention à côté de l’hôtel de ville. Et il se termine de nos jours, dans la chambre 509 où l’auteur rend hommage à tous les hommes et les femmes qui ont transformé l’Amigo en un hôtel mythique grâce à leur sens indéfectible de l’hospitalité. Entre les deux époques, il se passe beaucoup de choses, bien sûr. Et l’on se passionne pour chaque chapitre de cette longue épopée.

Vidocq, Verlaine et Karl Marx

Les personnages, qu’ils soient principaux ou secondaires, se comptent par centaines. Les plus illustres ? Le dénommé Vidocq, cet aventurier insaisissable qui s’échappa de la prison de l’Amigo à la fin du XVIIIe siècle. Karl Marx et son épouse Jenny von Westphalen, aussi, cette dernière ayant été jetée en cellule parmi les prostituées et les droguées durant une nuit entière, avant que le couple ne soit expulsé de Belgique. Ce cher Paul Verlaine, également : après avoir tiré sur son amant Rimbaud en 1873, le poète restera enfermé dans une cellule bruxelloise durant deux années entières, prenant même le temps d’écrire une lettre à son ami Victor Hugo pour solliciter son aide… en vain.

Lire aussi: notre article sur les 12 choses à savoir sur les galeries Saint-Hubert (où Verlaine acheta son revolver pour tirer sur Rimbaud…)

Une histoire à double visage

En filigranes, c’est aussi la tumultueuse histoire de notre petite Belgique qui est détaillée dans l’ouvrage de Benoît Vandevelde. Une histoire à double visage. D’un côté, on croise les criminels, les hérétiques, les opposants politiques et les vagabonds qui ont écrit les heures sombres de notre capitale. De l’autre, on fait la connaissance des nombreuses personnalités qui, une fois la taule transformée en hôtel, ont volontairement trouvé refuge entre les murs de cet établissement devenu miraculeusement glamour. On est dans les années 50 lorsque la transition a lieu. La famille Blaton décide alors d’imaginer un endroit où les aristocrates et les familles royales seraient reçues… comme des rois, et pour cause : l’Expo Universelle de 1958 se prépare.

La suite ? Une longue succession d’allées et venues de célébrités planétaires qui, au fil des années, vont peaufiner la réputation de l’Amigo dans le monde entier. Les atouts majeurs de l’adresse sautent aux yeux : sa capacité à recruter un personnel trié sur le volet, à la hauteur d’un établissement 5-étoiles qui finira par atterrir – ce n’est pas un hasard – dans la prestigieuse collection des Leading Hotels of the World. Mais aussi un goût intact des propriétaires, hérité de la famille Blaton, pour l’Art avec un grand A : toutes les pièces et les couloirs de l’hôtel arborent des œuvres de collection incroyables, entre des tableaux originaux de Magritte ou des tapisseries flamandes du XVIIIe siècle. Aujourd’hui, et depuis plus de vingt ans, c’est le groupe Rocco Forte qui tient les rênes de cet héritage fascinant. On peut littéralement affirmer qu’au fil des siècles, l’Amigo n’a jamais cessé de peaufiner sa manière de recevoir ses hôtes. Comme le suggère l’introduction du livre, aujourd’hui, il est devenu une formidable prison… dorée.

L’Amigo et Bruxelles – de 1522 à 2022, par Benoît Vandevelde, Renaissance du livre, 22 euros.

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