Derrière les portes du luxueux riad de la designer belgo-marocaine Laurence Leenaert à Marrakech

La designer belgo-marocaine Laurence Leenaert, connue pour son label de céramiques et textiles LRNCE, vient d’ouvrir un luxueux riad dans la médina de Marrakech. Un lieu à l’image de cette perfectionniste créative que nous avons visité juste après le séisme. «La population locale vit du tourisme. Il ne faut pas avoir peur», dit-elle.

Laurence Leenaert est épuisée. Et on comprend pourquoi. Ces deux dernières années, la créatrice belgo-marocaine s’est consacrée presque chaque jour, avec son mari Ayoub Boualam, à la rénovation de leur premier riad dans la médina de Marrakech, à un jet de pierre du fameux Palais de la Bahia. Et ce alors qu’ils ne cherchaient absolument pas à avoir leur propre logement dans le centre-ville.

Riad Marrakech
Dans le riad, on retrouve des œuvres de plusieurs artistes belges. A l’image de cette main géante du sculpteur Bart Vansteenkiste dans le salon. © MARINA DENISOVA

«Ça s’est passé par hasard, raconte Laurence en prenant place sur le toit-terrasse ensoleillé. Il y a quatre ans, une femme est venue visiter notre studio LRNCE. Elle avait un riad à vendre. Même si ce n’est pas notre domaine, elle est parvenue à nous convaincre de venir jeter un œil. Ça a été un coup de foudre. Le bâtiment était vide depuis quinze ans et c’était comme une toile blanche: il n’y avait que du béton. Ce qui faisait que nous pouvions encore tout imaginer. En plus, il s’est avéré qu’il avait été conçu par un Belge, l’architecte Quentin Wilbaux, qui a été recruté par l’Unesco pour prendre en charge plus d’une centaine de riads à Marrakech. Tout cela avait du sens. Nous avons décidé de baptiser l’endroit «Rosemary», en référence à l’ancienne propriétaire, Rose-Marie, qui est devenue une amie.»

© MARINA DENISOVA

Un intérieur harmonieux

En septembre, Rosemary a ouvert ses portes, proposant seulement quatre chambres et une suite, un choix conscient pour garantir aux occupants suffisamment d’espace. Un hammam, une piscine, plusieurs salles de repos et un patio verdoyant doivent permettre de créer une oasis dans l’animation de la médina. Pour s’assurer que tout se déroule selon la vision sophistiquée d’Ayoub et Laurence, c’est Michelle, la souriante sœur cadette de cette dernière, qui assure la gestion quotidienne.

Même si Laurence Leenaert est connue pour ses céramiques, tapis et vêtements foisonnants, elle voulait dès le départ garder un équilibre au Rosemary. «C’était une tout autre manière de créer, raconte notre hôte. Alors que dans mon travail il s’agit souvent d’objets indépendants, ici, c’était l’ensemble qui devait être beau, mais aussi fonctionnel et paisible. C’est pour cela que j’ai cherché des meubles vintage, des œuvres d’art et des céramiques d’autres designers qui complètent mes propres créations.»

Selon la créatrice, le salon d’été est le meilleur endroit pour s’asseoir dans le riad.
Selon la créatrice, le salon d’été est le meilleur endroit pour s’asseoir dans le riad. © MARINA DENISOVA

Laurence et Ayoub ont composé leur propre équipe d’artisans de la région pour concrétiser leurs idées, de la porte d’entrée en bois de cèdre, qui a nécessité quatre mois d’ouvrage, aux fenêtres en vitrail réalisées sur mesure. «Au Maroc, vu qu’il y a tellement de choses possibles, tout peut grandir organiquement, au fur et à mesure, se réjouit Laurence. Par exemple, au départ, le plâtrier ne devait s’occuper que du plafond au-dessus de la piscine, mais il a su tellement bien traduire mes dessins que nous avons regardé ensemble ce que nous pouvions faire encore. La rénovation ne se serait pas aussi bien passée si nous avions dû décider de tout à l’avance.»

L’après-séisme

Quand Rose-Marie a souligné lors de la vente que ce bâtiment de 2003 avait été construit pour résister aux tremblements de terre, Laurence a trouvé ce détail bizarre. Mais lorsque la région a été frappée par un grave séisme le 8 septembre dernier, elle et ses proches s’en sont heureusement sortis avec plus de peur que de mal. «J’étais chez moi à Guéliz (NDLR: un quartier de Marrakech au nord-est de la médina) avec une amie venue de Belgique. Nous étions couchées lorsque le bâtiment s’est mis à trembler et tout est tombé des murs. En temps normal, je suis une personne très calme, mais comme je suis enceinte, j’ai eu une crise de panique. Nous accueillions à ce moment-là nos premiers hôtes au Rosemary. Je sais que la médina est beaucoup plus fragile et j’étais très inquiète. Finalement, dans le riad, il y a seulement cinquante vases qui se sont cassés, mais peu importe. Tout le monde y a été en sécurité. Même les assiettes en céramique et les cadres sont restés au mur.»

Les vitraux et portes du riad ont été entièrement conçus par Laurence Leenaert, en collaboration avec une artisane locale.
Les vitraux et portes du riad ont été entièrement conçus par Laurence Leenaert, en collaboration avec une artisane locale. © MARINA DENISOVA

La créatrice espère maintenant que les visiteurs ne vont pas déserter trop longtemps la ville, car entre-temps, la poussière est retombée et la vie a repris son cours. Comme autrefois, les commerçants érigent le marchandage au rang d’art et les restaurants vous guident jusqu’à eux avec leurs riches odeurs d’épices comme GPS. «La population locale vit du tourisme, observe Laurence. Il ne faut pas avoir peur. Pour la médina, à mon avis, il y a aussi du positif puisque désormais il y aura des règles plus strictes pour la construction.»

La chambre Jacaranda, située au rez-de-chaussée, doit son nom à l’arbre géant qui se trouve dans le patio.
La chambre Jacaranda, située au rez-de-chaussée, doit son nom à l’arbre géant qui se trouve dans le patio. © MARINA DENISOVA

La force du détail

Juste au moment où nous avons terminé notre thé, Michelle vient nous dire que notre chambre est prête. Nous nous installons dans la Jacaranda, une grande chambre au rez-de-chaussée baptisée d’après le monumental arbre quadragénaire de la cour intérieure. En automne, il forme un nuage violet au-dessus du toit-terrasse grâce à ses innombrables fleurs en clochettes. Derrière une porte faite de vitraux colorés, nous entrons dans l’univers de Laurence, de l’édredon et des coussins sur le lit aux vases et lampes en céramique peinte dans la chambre. Les étiquettes sur les flacons de shampoing et de gel douche dans la salle de bains ont été illustrées par ses soins. Et même le minibar porte sa griffe.

La coupole de toit permet à la lumière de pénétrer au centre de ce luxueux riad.
La coupole de toit permet à la lumière de pénétrer au centre de ce luxueux riad. © MARINA DENISOVA

«Nous sommes allés loin dans les détails», lâche la créatrice en riant. Dans le moucharabieh, le grillage décoratif traditionnel des balcons, est caché un dessin abstrait de sa main. Elle a fabriqué elle-même 1 600 carreaux en terrazzo pour la cour intérieure au rythme de 30 moulages par jour. Et comme Ayoub voulait des «toilettes intéressantes» pour les hôtes, ils ont dessiné plus de 300 petits zelliges. «A un moment donné, j’étais en train de dessiner le support du papier toilette et j’ai pensé: mais qu’est-ce que je suis en train de faire? Pas étonnant que la rénovation ait duré deux ans», s’exclame-t-elle.

Un artisan local a travaillé pendant quatre mois sur la porte d’entrée en cèdre que Laurence a conçue.
Un artisan local a travaillé pendant quatre mois sur la porte d’entrée en cèdre que Laurence a conçue. © MARINA DENISOVA

Au-dessus de l’ancien bureau qui occupe la place centrale de notre chambre, nous remarquons un tableau de l’artiste belgo-péruvienne Shirley Villavicencio Pizango. Ce n’est pas la seule «Belgian touch» du riad. Pour la piscine, l’artiste gantois Lieven Deconinck a peint une toile avec deux pieuvres et dans le salon repose une imposante main géante du sculpteur Bart Vansteenkiste. Et un parfum d’ambiance à base de romarin a été spécialement conçu par le label belge Bio Essentiel. Tout comme pour la marque de Laurence, dans la rénovation du riad, le sens belge de la nouveauté est allé de pair avec la tradition marocaine. Ce qui a abouti notamment aux jolis plateaux graphiques des tables en zelliges classiques et, dans le patio, aux formes organiques du jardin islamique habituellement anguleux. «Nous avons remarqué que de nombreux artisans n’osaient au départ pas sortir de leur zone de confort, mais progressivement, ils trouvaient stimulant de faire autre chose. Sans eux nous n’aurions jamais pu réaliser tout cela.»

A présent que le riad est prêt à recevoir des hôtes, Laurence s’apprête à prendre des vacances. Même si ça ne veut pas dire que cette créatrice autodidacte ne planche pas sur ses prochains projets. Une autre rénovation, mais dont elle ne veut pas dire plus pour l’instant…

A partir de 220 euros la nuit, rosemarymarrakech.com

Laurence Leenaert en bref

– Elle naît à Courtrai en 1989 et étudie la mode au KASK à Gand.

– Elle fonde en 2013 sa propre marque LRNCE, proposant des sacs à main et à dos.

– Elle déménage en 2015 à Marrakech où elle élargit sa ligne avec des tapis, de la céramique et des vêtements. Plus tard, son mari Ayoub Boualam s’implique aussi dans l’aventure.

– Elle ouvre en septembre 2023 les portes de Rosemary Marrakech.

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