En images: dans les vallées perchées du Valais

Au fil des millénaires, le Rhône a littéralement fendu les Alpes et s’est creusé un lit douillet à travers le Valais. Le climat, presque méditerranéen, y permet la culture de l’abricot et, suspendus en terrasses, les vignobles produisent d’excellents vins parfois issus de cépages rares. Des rives du fleuve, une petite route du vertige grimpe à l’assaut du Val d’Anniviers, l’une des vallées les plus insolites du Valais.

LA VIE À REMUER

Le décor change brusquement dès le dernier virage en épingle franchi. Raccards puis chalets noircis par des siècles de soleil saluent l’entrée dans les hameaux. Au-dessus de la route, le village de Chandolin, l’un des plus hauts d’Europe habités à l’année, titille les 2 000 m d’altitude. En s’arrêtant au tournant qui marque la fin du hameau de Niouc, on découvre dans le fond les montagnes d’Anniviers. A l’avant-plan, une grande croix en bois symbolise ce qui rendit jadis la vie possible en ces lieux : foi, courage et ingéniosité. Les Anniviards ont gardé un caractère trempé et tenace tout droit issu du mode de vie de leurs parents. Car jusque dans les années 60, les familles, souvent nombreuses, vivaient selon un rythme régulier de migration entre la montagne et la plaine du Rhône. Ils « remuaient » à pied, avec quelques mulets, pour cultiver leur vigne, entretenir les champs de seigle et faucher le foin au village ou dans les mayens, sans oublier la transhumance des troupeaux en alpage et l’entretien d’un ingénieux système de canaux d’irrigation – les bisses. Certains exploitaient aussi les nombreuses petites mines de la vallée. Tout le monde participait à ce « remuage » : le curé, les autorités et même les écoles. Le sentier muletier créait des opportunités de rencontres entre jeunes d’autres villages.

A la fin des années 50, la construction du barrage de Moiry nécessita le goudronnage d’une route pour apporter les matériaux. Travailler au barrage fit rentrer du numéraire dans les ménages qui vivaient pour l’essentiel du troc. Un changement de vie vers la sédentarisation. Qui se confirmera avec les débuts du tourisme et les premières remontées, inaugurées en 1969. Né à Pinsec quelques années après la guerre, Charles Rion se souvient de cette mutation : « Nous étions neuf enfants et, après le rude hiver 1956-57, il a fallu quitter le village. Les maigres terres ne pouvaient plus assurer le quotidien et le père est parti travailler à l’usine. » Dans les années 90, Charles décide sur un coup de tête de renouer avec l’activité pastorale de ses aïeux et prend des parts dans l’étable communale de Grimentz. Il n’a que trois bêtes. C’était l’usage ici, juste quelques têtes pour le lait. Des vaches d’Hérens. Peu productrice en lait et donc plus coûteuse, cette race d’origine autrichienne mais emblématique en Valais se fait rare. « L’Hérens est combative et il faut les attacher », assure l’homme, fier de l’une d’elles, sacrée reine après les combats du printemps précédent. Le titre sera remis en jeu lors de la prochaine inalpe d’avril.

Perché en contrebas du lac de Moiry, Grimentz est l’un des deux derniers villages de la vallée, qui s’achève en fourche. Il semble avoir été créé pour régaler le regard, offrant des images colorées de chalets patinés, de fontaines et placettes croulant sous les géraniums. Au four banal, on peut toucher des mains une part de la riche tradition d’Anniviers. Une fois par semaine, rendez-vous est donné dans le petit bâtiment multiséculaire pour pétrir et cuire le pain à l’ancienne. Une miche de seigle autrefois cuite seulement deux fois l’an mais qui se conserve merveilleusement à l’altitude et dans l’air sec de Grimentz. Un climat également essentiel à l’élaboration du Vin de Glacier qui mûrit dans les caves de la Bourgeoisie. Devenu mythique, ce breuvage s’élabore par transvasage, en ajoutant du vin jeune au vin vieux (de parfois un siècle !) dès qu’une part a été prélevée du tonneau.

Dans l’autre fond de vallée, Zinal se blottit au pied du Weisshorn. Entouré par la Couronne Impériale de cinq sommets de plus de 4 000 m, le petit village touche aux alpages. D’ici démarrent des randonnées parmi les plus belles des Alpes, parfois insolites, comme celle qui mène en 1 h 15 de marche à l’ancienne mine de cuivre récemment réhabilitée de la Lée, la seule de Suisse ouverte au public.

SOIXANTE-CINQ SOURCES

De l’autre côté du Rhône, la vallée de Loèche, très enchâssée, fut longtemps inaccessible une partie de l’hiver. Après Loèche-ville, la route passe par un étroit couloir puis se faufile entre d’immenses falaises. Soudain, le goulet s’élargit, laissant entrevoir sur chaque versant des parois grimpant à plus de 2 000 m d’où dévalent un nombre impressionnant de cascades. Il faut pousser jusqu’au bout de la vallée pour atteindre Loèche-les-Bains (Leukerbad), partie intégrante du parc naturel de Finges. Soixante-cinq sources y font jaillir quotidiennement 3,9 millions de litres d’eau thermale, dont certaines à une température de 51 °C. Soit le plus grand débit du continent, qui se déverse ensuite dans trente piscines. Les Romains en appréciaient déjà les qualités, puis de nombreuses célébrités s’y sont baignées : Goethe, Mark Twain, Maupassant, Dumas, Lénine… Aujourd’hui, le cadre magique de cette vallée et les plaisirs du thermalisme attirent un public de Suisses et d’étrangers. Les familles apprécient surtout les Bains de la Bourgeoisie (Burgerbad) où alternent zones de relaxation (jets, cols de cygnes, salles de massages…) et jeux (pataugeoire, toboggans, piscine sportive…). En intérieur et en plein air. L’été, on se fait plaisir en s’offrant un petit-déjeuner au champagne dans l’eau. L’hiver, place aux soirées aux flambeaux.

En bordure de la place du village, le Walliser Alpentherme & Spa Leukerbad propose des expériences différentes : un village de saunas valaisan où bois et schiste habillent les espaces, ou un bain romano-irlandais qui se décline en onze étapes durant lesquelles on alterne les bains à différentes températures, permettant au corps de se réchauffer lentement avant de doucement être refroidi. Un agréable rituel, inspiré des bains antiques, qui se clôt à la brosse savonnée. Plus sportive mais toujours aquatique, une vertigineuse randonnée (ouverte de mai à octobre) part du village à travers les gorges de la Dala que l’on surplombe en empruntant une passerelle de 600 m, construite à 4 m au-dessus du torrent. Les bandes de rouille visibles sur la roche attestent de la forte teneur en fer de l’eau thermale qui suinte à travers la roche. Via un pont suspendu, le chemin rejoint ensuite une cascade de 35 m de hauteur. Que longent deux escaliers menant au cours supérieur de la Dala. D’un (impressionnant) saut en téléphérique démarrant du village ou en empruntant le périlleux sentier tracé à même la paroi, on atteint le col de la Gemmi qui verrouille la vallée. De là-haut, panorama inoubliable garanti. Et une sensation forte de plus pour ceux qui s’aventurent sur la passerelle transparente jetée au-dessus du vide… En contrebas, à 2 200 m d’altitude, le plus grand lac naturel du Valais renvoie les reflets des sommets voisins et indique le chemin qui mène à la Lötschental voisine.

PAR ERIC VANCLEYNENBREUGEL

> En pratique

SE RENSEIGNER

Infos sur les vallées et les logements : www.sierre-anniviers.ch et www.leukerbad.ch Office de tourisme de Suisse : www.myswitzerland.com

Y ALLER

Vols directs Bruxelles/Genève, à partir de 190 euros A/R avec Swiss. www.swiss.com

Autre possibilité : en voiture, via Bâle, Berne et le tunnel ferroviaire du Lötschberg (voiture sur le train).

À VOIR / À FAIRE

Sur inscription à l’office de tourisme de Grimentz :

– Visite guidée de la Bourgeoisie et dégustation de Vin de Glacier le lundi à 17 heures (gratuit).

– Visite de l’étable communale le mercredi à 18 h 30.

– Fabrication du pain de seigle AOC le jeudi à 17 heures.

Sur inscription à l’office de tourisme de Zinal :

– Visite de la mine de cuivre, jusqu’au 21 août, les mercredi et dimanche.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content