La Corée du Sud tradi et hype : Au pays des K

© RUTH VAN SOOM

Après des années de passion pour le K-drama, la K-pop et la K-food, notre journaliste Ruth Van Soom s’est rendue en Corée du Sud pour la première fois. De Séoul à Busan en passant par Gyeongju, elle a vécu le road trip urbain de sa vie.

Par Ruth Van Soom.

Avant-propos

«Mon premier K-drama – terme qui désigne les séries sud-coréennes – remonte à 2017. Sans savoir qu’un nouveau monde allait s’ouvrir à moi, j’ai été bouleversée en arrivant au bout de l’ultime épisode du drame romantique pour ados Goblin. Dans les années qui ont suivi, j’ai dévoré plus de K-dramas que je ne peux m’en souvenir, et mon intérêt pour la culture coréenne a grandi doucement. J’ai découvert des marques de vêtements locales, testé la K-beauty et écouté de la K-pop. Je me suis aussi plongée dans l’histoire, la culture culinaire, les coutumes et la langue du pays.

En 2020, pendant le confinement, l’application Tinder, face à l’interdiction de voyages, a permis à ses utilisateurs d’étendre leur localisation géographique afin de favoriser les rencontres virtuelles avec des habitants des quatre coins du monde. C’est ainsi qu’a commencé mon amitié avec Gwanghun, à qui j’ai promis de rendre un jour visite à Séoul.

La rivière Han rythme la vie des habitants de Séoul.
La rivière Han rythme la vie des habitants de Séoul. © rob walbers

En 2021, je me suis inscrite à un cours de coréen à l’université d’Anvers. Sur le papier, «Bonjour à tous, je m’appelle Ruth» ressemble à ceci … Je compte parmi les victimes ravies de la Hallyu, désignant cette vague de popularité de la culture sud-coréenne. Un succès fulgurant qui n’a rien d’un hasard.

Depuis la fin des années 90, le gouvernement sud-coréen investit des millions dans le secteur du divertissement afin d’accroître son «soft power», c’est-à-dire l’attrait d’une région indépendamment de sa puissance économique ou militaire. Ainsi, en 2019, le boom de la musique Hallyu a rapporté quelque 12,3 billions de dollars à l’économie coréenne. Et cet été, même le Jamboree, le rassemblement international des scouts, a lieu en Corée du Sud.

Le temple de Gyeongbokgung.
Le temple de Gyeongbokgung. © RUTH VAN SOOM

Quand les restrictions de voyage ont été levées, mon projet d’aller en Corée du Sud «un jour» s’est transformé en «le plus vite possible». Avec une camarade de classe, devenue une amie depuis, j’ai planifié un aller-retour en me concentrant sur la capitale, Séoul, où nous voulions visiter des endroits aperçus dans nos K-dramas, tout en prévoyant quelques étapes dans les villes de Gyeongju et Busan.»

La voie de l’eau

Avec presque autant d’habitants que la Belgique, Séoul est l’une des villes les plus densément peuplées au monde. Une réalité discrète, bien qu’il soit conseillé d’éviter de prendre la route ou d’emprunter les transports publics aux heures de pointe. En prenant le métro à 18 heures, on se découvre une soudaine compassion pour les sardines.

Deux infos pratiques pour une découverte de Séoul. La première: le fleuve Han et la ville sont intimement connectés. Il y a des millénaires, le cours d’eau a donné naissance aux premières colonies sur les rives et, aujourd’hui encore, toute visite passe par le fleuve. Les berges sont un lieu de promenade, de cyclisme et de camping très apprécié des locaux, loin de l’effervescence du centre-ville. Quand le soleil est là, le week-end, on aperçoit même des gens qui plantent leur tente le long de l’eau.

Seconde info utile: la ville compte vingt-cinq arrondissements, chacun ayant un nom se terminant par «gu», divisés en quartiers finissant par «dong». Nous séjournons d’abord dans le district touristique de Myeong-dong, au nord de l’arrondissement Jung-gu. Ensuite, nous logerons à Gangnam-gu, au sud du fleuve Han. Oui, c’est le quartier évoqué dans le célèbre tube Gangnam Style.

La plupart des sites touristiques se trouvent au nord du fleuve, où nous nous rendons en priorité. Le quartier de Jongno-gu abrite trois des cinq palais de Séoul: Gyeongbokgung, Changgyeonggung et Changdeokgung, construits sous la dynastie Joseon. Cette période importante de l’histoire coréenne, qui a duré de 1392 à 1897, résonne toujours fortement dans la culture contemporaine: on croise souvent ses merveilles architecturales dans les K-dramas.

Même dans les fictions «modernes», la riche histoire du pays fait toujours partie intégrante du scénario. Les découvrir de ses propres yeux, c’est encore mieux. Surtout qu’autour de nous, les gens se promènent en hanbok, le vêtement traditionnel coréen. Une tenue photogénique… et pratique puisqu’elle permet souvent d’entrer gratuitement dans les palais. Autre lieu incontournable: le Bukchon Hanok Village, un village traditionnel riche de 600 ans d’histoire et de nombreuses maisons hanok d’origine.

Marché de Gwangjang.
Marché de Gwangjang. © unsplash

Des trésors dans la brume

Nous marchons jusqu’à la place Gwanghwamun et la rivière Cheonggyecheon, où l’on reconnaît instantanément le décor de la scène d’ouverture de la série The King: Eternal Monarch. Le lieu est impressionnant, avec les statues de Sejong le Grand et de l’officier de marine Yi Sun-shin, juste devant le temple Gyeongbokgung et avec le temple Bugaksan en arrière-plan. Probablement notre vue préférée de tout Séoul. Loin de chez nous, cette ville nous semble étrangement familière. A quelques pas de là, coule le Cheonggyecheon qui, au fil des ans, est passée du statut de décharge à celui d’autoroute, avant de redevenir une rivière… et l’endroit parfait pour une promenade au coucher du soleil.

Au sud de Jongno-gu, l’arrondissement de Jung-gu abrite l’un des plus beaux joyaux de l’architecture moderne de Séoul: le Dongdaemun Design Plaza – ou DDP pour les intimes. Il a été conçu par Zaha Hadid, dont la renommée n’est plus à faire. Notre voyage coïncide avec la Fashion Week coréenne. Une belle occasion de voir les icônes de la mode locale en action, mais qui nous empêche d’apercevoir le magnifique bâtiment futuriste dans toute sa splendeur.

Depuis Jung-gu, nous retournons vers le fleuve Han pour arriver à Yongsan-gu, où se trouve le bâtiment le plus emblématique de la ville: la N Seoul Tower, située au sommet du mont Namsan. Un sentier de randonnée ravira les plus sportifs, mais nous avons préféré affronter notre peur du vide et emprunter le téléphérique jusqu’au sommet, qui offre une vue imprenable sur la ville par temps clair. Hélas, une couche de smog plane sur Séoul. Si la capitale a un défaut, c’est bien la qualité de l’air. De nombreux Coréens portent d’ailleurs des masques buccaux les jours de mauvais temps, et consultent une application météo pour vérifier la quantité de particules dans l’air avant de sortir.

Bukchon Hanok Village.
Bukchon Hanok Village. © RUTH VAN SOOM

Jamais faim

Autre particularité de Séoul: ses innombrables restaurants, situés dans les endroits les plus surprenants. Chez nous, il suffit de regarder autour de soi pour trouver une sympathique adresse. Là-bas, les meilleurs restaurants sont souvent cachés dans les sous-sols ou aux étages. Ainsi, c’est en suivant un avis sur Kakao maps – la version coréenne de Google maps – que nous avons atterri derrière un garage souterrain pour déguster un succulent gimbap (riz aux algues). Certes, c’est difficile à trouver, il n’y a que des ajoshi et des ajumma – termes familiers pour désigner les hommes et les femmes d’âge moyen –, ça sent un peu les gaz d’échappement et on nous dévisage. Mais pour moins de 10 euros, on se régale.

Le Dongdaemun Design Plaza dessiné par Zaha Hadid.
Le Dongdaemun Design Plaza dessiné par Zaha Hadid. © john ko for unsplash

Séoul est également connue pour ses nombreux marchés, dont le plus célèbre est celui de Gwangjang, idéal pour déguster les spécialités locales. Nos suggestions: les tteokbokki (gâteaux de riz avec sauce épicée) et les gimbap (riz cuit dans des feuilles d’algues roulées, avec divers ingrédients).

Les quartiers les plus réputés pour sortir manger, se divertir ou faire du shopping? Myeong-dong, Hongdae, Itaewon, Seongsu-dong et Gangnam. Dans le premier, connu pour son marché nocturne et ses nombreuses boutiques, nous faisons le plein de bijoux et de souvenirs, avant de craquer pour un assortiment de masques pour le visage, les mains et les pieds. Là encore, la nourriture est omniprésente sous formes de petites échoppes vendant toutes sortes de délices, comme le biscuit dalgona rendu célèbre par la série Squid Game, fait de sucre brûlé et d’un motif qu’il faut découper avec une fine aiguille sans le casser.

L’habit traditionnel coréen, baptisé le hanbok, permet de rentrer gratuitement dans les temples.
L’habit traditionnel coréen, baptisé le hanbok, permet de rentrer gratuitement dans les temples. © adli wahid for unsplash

Les quartiers de Hongdae et d’Itaewon sont très courus par la jeunesse coréenne qui apprécie beaucoup la vie nocturne. Quant au très branché Seongsu-dong, qui déborde de vitrines toutes plus étonnantes les unes que les autres, il restera comme l’un de nos endroits préférés de la ville. On dit souvent que les Coréens ont un style vestimentaire plutôt uniforme – et ce n’est pas faux –, mais ce sont aussi des gens très élégants.

L’appel du sud

Après la capitale, d’autres villes du sud nous faisaient de l’œil. Gyeongju, d’abord, que nous a recommandée un Coréen vivant en Belgique. On peut s’y rendre en bus, mais comme la route est longue, nous prenons le KTX, le train à grande vitesse. Depuis Séoul, on y arrive en deux heures à peine. Capitale de la Corée pendant l’ère Silla, Gyeongju est souvent appelée le «musée sans murs» en raison de ses nombreux trésors historiques, notamment la grotte de Seokguram, le temple de Bulguksa et le village de Yangdong.

Nous séjournons pendant deux jours dans une maison hanok, où l’on dort à même le sol. Jadis, les demeures coréennes traditionnelles étaient équipées d’un système de chauffage par le sol, qui utilisait le transfert direct de la chaleur de la fumée de bois pour chauffer le dessous d’un épais plancher. Ainsi, les Coréens ne craignaient pas les hivers rigoureux. Aujourd’hui, les lits avec matelas ont conquis le pays, mais la technique ancestrale n’a pas disparu. La première nuit, nous nous réveillons avec le sourire. La seconde, une douleur lancinante dans le haut du dos gâchera légèrement notre plaisir…

Le magnifique temple Bulguksa nous fait oublier nos tourments. Une bâtisse de l’ordre Jogye du bouddhisme coréen, inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco en 1995. Coup de chance: nous sommes en pleine saison de floraison des cerisiers, et le décor est sublime. Autour de nous, se baladent plein de jeunes couples en tenues assorties. Chez nous, on aurait presque envie de s’en moquer, mais là-bas, le fait d’harmoniser ses habits est une façon de montrer publiquement un amour… et c’est romantique à souhait.

Un guide nommé TikTok

De Gyeongju, il faut compter une demi-heure de train pour atteindre Busan qui, avec ses 3,4 millions d’habitants, est la deuxième ville de Corée. Située à l’extrême sud du pays, elle borde la mer et son atmosphère est très différente de celle de Séoul. On a davantage l’impression d’être en vacances au sens classique du terme, à quelques pas de la plage.

La plage de Busan.
La plage de Busan. © RUTH VAN SOOM

Armées de la meilleure source qui soit pour trouver les lieux tendance, alias TikTok, nous dressons une liste complète de nos désirs. Hormis le café du père de Jimin de BTS (un groupe de K-pop à la popularité renversante), nous parvenons à tout cocher: l’attraction Ryan Holiday, le Gamcheon Culture Village avec ses maisons hautes en couleurs, le magnifique temple Haedong Yonggungsa, les petits trains colorés le long de la côte, le musée d’art contemporain et le Starbucks le plus haut du monde situé dans le complexe Haeundae LCT The Sharp. La visite est intense, mais captivante.

Lire aussi: Korean way of life: plongée dans l’hallyu, cette lame de fond de la culture coréenne

Oppa Gangnam staïle!

De retour à Séoul, au sud de la rivière Han, on trouve essentiellement des quartiers résidentiels, à l’exception du mondialement célèbre Gangnam-gu où nous restons pour les derniers jours de notre voyage. Le chanteur coréen Psy, en 2012, a mis ce quartier dans toutes les têtes en évoquant ce «Gangnam Style» faisant référence à une volonté, de la part des habitants, d’étaler leur richesse et leur branchitude. On confirme: nulle part ailleurs à Séoul, on croise autant de jeeps Mercedes ou de boutiques Chanel. L’endroit est aussi réputé pour ses nombreux cabinets de chirurgie esthétique. Il n’est pas rare de croiser des gens enrobés de bandages, et cela ne choque personne…

Beaucoup d’adresses sont ouvertes 24 heures sur 24.
Beaucoup d’adresses sont ouvertes 24 heures sur 24. © rob walbers

Un peu plus loin, impossible de manquer la tour Lotte et le centre commercial Coex, avec son impressionnante bibliothèque. Le soir, Sinsa-dong et le quartier de la gare sont particulièrement prisés pour manger et sortir. Avec Youyoung, une Coréenne de New York rencontrée par l’intermédiaire d’une amie, nous nous rendons à Medici Sinsa, un bar tenu par deux hommes ayant participé à Single’s Inferno, une émission de rencontres coréenne qui a cartonné sur Netflix… et qui justifie donc (ou pas) une bouteille de vin blanc onéreuse.

Pour notre dernier dîner, nous optons pour l’un des nombreux restaurants de barbecue des environs. Après une bouteille de soju, nos amis Jax et Gwanghun nous emmènent au Noraebang, un karaoké coréen où nous chantons à tue-tête. Une soirée mémorable. Largement de quoi nous convaincre que la Corée est décidément une nation formidable. Si notre passion a été assouvie, notre fascination pour elle n’a fait que grandir… et on reviendra bientôt, c’est sûr, explorer d’autres facettes de ce pays aux mille K.

© National

En pratique

Formalités. Hormis un passeport international, aucun autre document ou vaccin ne sont requis.

Y aller. Il n’y a pas de vol direct depuis la Belgique. Lufthansa dessert Séoul avec des correspondances à Munich et Francfort. Qatar Airlines avec une correspondance à Doha. KLM avec une correspondance à Amsterdam et LOT Polish Airlines avec une correspondance à Varsovie.

Période idéale. Le début du printemps est parfait. Les températures sont agréables et les cerisiers fleurissent. Il vaut toujours mieux opter pour l’entre-saison. En été, il peut faire très chaud et humide ; en hiver, la neige et les températures glaciales sont souvent au rendez-vous.

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