Balade dans le Bois de Fa à Grez-Doiceau: un superbe exemple de jardin sauvage

© NATACHA MOTTART/DR

Des prairies fleuries, des bois touffus et des vergers qui ont multiplié la biodiversité par cinq. Le Bois de Fa, à Grez-Doiceau, est un jardin privé hors normes. Et l’exemple parfait pour démontrer qu’il est possible de laisser la nature prendre le dessus pour un résultat splendide.

L’idée de créer un jardin expérimental, tourné vers le développement de la biodiversité, n’a pas germé tout de suite. Quand ils ont acheté leur maison à Grez-Doiceau, il y a douze ans, Natacha et Olivier Legrain-Mottart avaient les pensées davantage orientées vers les océans et leur projet de tour du monde en bateau avec leurs enfants.

Rentrés en Belgique plus tôt que prévu, ils ont commencé à s’intéresser à ce terrain encaissé d’un hectare qui s’étend derrière l’habitation. Mais leur perception des enjeux écologiques n’était pas encore celle qu’elle est désormais.

«Le jardin était tellement grand que nous avions placé un robot pour le gazon. Sans imaginer que c’était dangereux pour les hérissons!», avoue Natacha. Même la création d’un étang naturel n’avait rien d’optimal. «La bâche plastique empêche une bonne croissance de la flore. Pareil pour les koïs qui dévorent les larves de grenouilles.»

jardin sauvage prairie fleurie bois de Fa
Le cœur du jardin est une prairie fleurie, où seuls les sentiers sont tondus afin de pouvoir se déplacer. Les zones «sauvages» ont été semées d’une grande diversité de fleurs et plantes indigènes. © NATACHA MOTTART/DR

La naissance d’un jardin sauvage

Mais les temps et les consciences évoluent. Sensibilisé aux pratiques du paysagiste Gilles Clément, célèbre pour son concept de «jardin en mouvement» et sa défense des «tiers paysages» sauvages, le couple s’est tourné vers le jardinier français quand, voici sept ans, il a eu l’occasion d’élargir la propriété à l’ouest en achetant le vaste terrain voisin au leur: une surface en partie agricole utilisée alors… pour du motocross!

Intéressé par le projet mais ne signant plus lui-même de jardins privés, Clément les a orientés vers son ancien collaborateur Benoît Coppens, un paysagiste originaire de la région qui connaissait bien la flore locale.

Au fil du projet, d’autres spécialistes ont rallié l’aventure: le botaniste Pascal Colomb (Ecosem) pour les prairies fleuries, le biologiste Nicolas de Brabandère (Urban Forest) pour la forêt Miyawaki ou encore le pomologue Pascal Brackelaire pour les fruitiers.

Impossible ici de citer tout le monde mais soulignons encore les recensements d’oiseaux et d’insectes réalisés respectivement par Steven Lemaire et Loic Dahan. «Le travail de Loic a montré qu’en trois ans, nous sommes passés de 97 espèces observées à 589», commente Natacha.

Un papillon Tabac d’Espagne centauree des pres
Un papillon Tabac d’Espagne parmi les centaurées des prés. © NATACHA MOTTART/DR

La complémentarité des zones

La clé de ce petit miracle? Des approches différenciées selon les spécificités du terrain, et une complémentarité des différentes zones. Au centre: les prairies fleuries. Semée de graines sauvages, cette vaste superficie voit ses herbes monter à hauteur d’homme deux fois par an.

«Nous avons d’abord observé comment nous nous déplacions dans la propriété pour déterminer les chemins tondus, le reste pousse librement, explique Natacha Mottart. Une prairie fleurie se fauche deux fois par an, fin juillet et fin octobre. On utilise une faux, et le foin sert au paillage autour des fruitiers. Ceci permet d’éviter d’arroser lorsqu’il y a de grosses sécheresses… c’est-à-dire régulièrement. Ce paillage, qui conserve l’humidité au sol et évite la montée des ronces, nous a aussi permis de ne pas perdre d’arbres quand nous avons planté la jeune forêt Miyawaki.»

Une abeille mellifère fleur d origan
Une abeille mellifère butinant des fleurs d’origan. © NATACHA MOTTART/DR

Découvrant comment, au Brésil, le photographe Sebastião Salgado et son épouse avaient reforesté 600 ha de désert devenu jungle en moins de vingt ans, Olivier et Natacha avaient à leur tour rêvé d’un bois sauvage à l’orée de la propriété.

Avec Urban Forest, Nicolas de Brabandère est l’un des pionniers européens de la technique dite Miyawaki, du nom de ce botaniste japonais qui a inventé un protocole de reforestation promettant d’obtenir en dix ou vingt ans la richesse biologique d’une forêt centenaire.

La recette, encore expérimentale sous nos latitudes, consiste à planter une vingtaine d’essences locales, à raison de trois arbres au mètre carré. Les interactions racinaires œuvrent à la résilience de l’ensemble. Ici, 5 500 arbres ont été plantés! En quatre ans, une bonne partie des arbrisseaux sont passés de 40 cm à plusieurs mètres. Et si les chevreuils viennent déjà se nourrir, la variété globale assure une protection naturelle.

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Des bulbes horticoles ajoutent à la beauté du jardin. Ici, des fleurs d’Eremurus. © NATACHA MOTTART/DR

Former un maillage

Soutenir la nature et lui faire retrouver ses droits, ainsi pourrait-on résumer l’ambition du Bois de Fa. Mais ce qui a été réalisé sur ce vaste terrain – 6,5 ha, en comptant l’ancienne peupleraie acquise entre-temps par Olivier et Natacha – est possible dans un jardin plus petit.

Ainsi, 100 m2 suffisent pour une forêt Miyawaki! Pascal Colomb d’Ecosem est convaincu de l’intérêt de telles démarches. «Les prairies fleuries attirent les pollinisateurs et les papillons mais aussi des oiseaux granivores, comme le chardonneret. On donne un coup de pouce à la nature mais c’est nécessaire si l’on veut voir réapparaître ce qui a disparu, surtout à cause de l’agriculture intensive.

Il s’agit de répondre aux contraintes des lieux, c’est pour cela que les plantes locales sont plus adaptées, y compris pour la faune qui s’en nourrit. Sensibiliser le public est crucial, car même une prairie fleurie de 25 m2 est utile. L’ensemble des jardins privés peut former un maillage important.»

 foret Miyawaki Bois de Fa
Mêlant une vingtaine d’essences d’arbres indigènes, la forêt Miyawaki de trois ans d’âge laisse déjà entrevoir une vraie densité végétale. © NICOLAS DE BRABANDÈRE

Une vision philosophique aussi

Olivier élargit la perspective au plan philosophique. «Comme l’a écrit Bruno Latour, nos modes de pensée et d’action ont été, dès le XVIe siècle, déterminés par l’idée que l’humain avait l’univers à sa disposition et qu’il lui suffisait d’en comprendre les règles pour améliorer son milieu de vie.

Depuis les années 70, nous commençons à comprendre le côté délirant de cette modernité. Nous ne sommes pas tout-puissants! Nous sommes interdépendants avec toutes les autres espèces au sein d’une très fine couche autour de la terre.»

Fruit de cette philosophie latourienne, le Bois de Fa l’alimente à son tour en invitant en résidence des artistes contemporains de la galerie LMNO, dont Natacha tient les rênes.

Des conférences, ainsi qu’une visite annuelle y sont organisées. Le couple est en outre à l’origine d’Au Grez des 4 saisons, un réseau fédérant citoyens, agriculteurs et autres initiatives autour de la biodiversité dans leur commune, où le projet a débouché sur la création d’un emploi à temps plein via Kick Belgium et de l’asbl Ecologissons-nous!.

Objectif: favoriser et mesurer l’évolution de la biodiversité à l’échelle communale. Tant de choses peuvent naître à partir d’un jardin.

Une prairie fleurie Bois de Fa
Une prairie fleurie a été semée au sommet de la propriété, avec des carottes sauvages, marguerites des prés, centaurées des prés, bétoines… © NATACHA MOTTART/DR

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