Slow tourisme: luxe, lenteur et simplicité

© SDP/Slow

Résidences architecturales avec vue sur des plages vides ou refuges de méditation modernes au milieu de vastes domaines naturels: le tourisme du futur fait l’éloge de la lenteur. Et certains l’ont bien compris, à l’instar de Claus Sendlinger, créateur du concept de vacances de rêve Slow.

Une des chambres dispose d’une douche extérieure avec vue sur une jungle verdoyante, l’autre d’une terrasse en bois avec un hamac où même un verre d’eau peut avoir le goût d’un cocktail estival. Dans la cuisine extérieure, deux hommes préparent des spécialités mexicaines locales. Une piscine miroitante promet un moment de fraîcheur alors que le soleil se cache derrière un palmier. Il suffit de faire défiler à l’écran les photos de cette résidence intime dans la station balnéaire mexicaine de Tulum pour avoir l’impression d’être déjà en vacances.

Cette cabane architecturale est l’un des projets de Slow, le labo créatif allemand de Claus Sendlinger. Il y a trente ans, l’entrepreneur a fondé la société Design Hotels, qui a construit plus de 170 hôtels dans le monde, mais il a eu l’idée de ce bout de paradis à Tulum pendant un congé sabbatique. Par la suite, un projet similaire a vu le jour à Ibiza, mais il n’est pour l’instant utilisé qu’à des fins privées. Aujourd’hui, plusieurs nouvelles résidences destinées à des hôtes internationaux qui recherchent avant tout la paix et la connexion avec le moment présent sont également en développement. L’entrepreneur dit réfléchir à ce projet depuis plus de dix ans. « J’ai été inspiré par une réplique de Leonardo DiCaprio dans le film La Plage, explique-t-il. Il décrit sa résidence comme « une station balnéaire pour ceux qui n’aiment pas les stations balnéaires’. C’est exactement l’objectif de Slow. »

L'allure de la Casa Noble, au Portugal, parle d'elle-même.
L’allure de la Casa Noble, au Portugal, parle d’elle-même.© SDP/Slow

Le point de départ de ce mordu d’évasion est toujours l’agriculture locale. Autour des fermes, il crée des hébergements de vacances qui encouragent les voyageurs à retrouver leur paix intérieure en se connectant à la culture locale. Il considère ses projets comme un laboratoire dans lequel il peut traduire sa philosophie de vie en une « slow hospitality ». « De plus en plus de citadins recherchent l’évasion à la campagne, en quête de calme et de tranquillité et d’un endroit pour se ressourcer, explique l’Allemand, que les médias qualifient parfois de gourou moderne. Nos clients recherchent une certaine lenteur, de la nourriture en cohérence avec les activités du programme, mais ils veulent aussi apprendre. Avec Slow, nous essayons de prendre comme base de nos séjours les traditions artisanales et le savoir-faire des régions où nous nous installons. » A Tulum, les hôtes peuvent découvrir de nouvelles choses chaque jour, comme un spectacle de musiciens mexicains ou des dégustations gastronomiques…

La cabane architecturale tout en bois.
La cabane architecturale tout en bois.© SDP/Slow

Cabinet de curiosités

L’architecture des lieux joue un rôle majeur, car la tranquillité visuelle fait aussi partie intégrante du concept. Pour le côté esthétique, Claus Sendlinger semble s’être largement inspiré des esprits créatifs… belges. L’artiste visuel Tom Van Puyvelde, par exemple, a été chargé d’imaginer le siège de Slow à Berlin, et travaille désormais aussi à la conception d’un tout nouvel hôtel à Lisbonne. La Casa Noble, une résidence aristocratique du XIXe siècle, disposera, en plus de treize chambres d’hôtes, d’un restaurant dans un jardin tropical et d’une bibliothèque avec cheminée où les clients pourront se retrouver. Ce projet devrait ouvrir ses portes au printemps 2023. « Ce monument protégé a une âme très forte, souligne notre compatriote. Nous essayons de maximiser l’énergie qu’il dégage et de laisser l’histoire parler d’elle-même. La Casa Noble était autrefois une maison familiale en périphérie de la capitale portugaise, et elle doit maintenant devenir un foyer accueillant digne de la maison d’un bon ami passionné de voyages, un cabinet de curiosités où l’on découvre constamment de nouveaux recoins. »

Parfois, la quiétude est aussi visuelle...
Parfois, la quiétude est aussi visuelle…© SDP/Slow

Pour les suites qui seront situées dans la partie ancienne de la maison, l’artiste-architecte mise sur l’ampleur de l’espace avec de hauts plafonds, des éléments de salle de bains en marbre et de vastes vues sur la mer. « Dans l’annexe, nous créerons plusieurs chambres d’hôtes où nous travaillerons de manière plus stylisée, avec des peintures à la chaux et des enduits monochromes, ainsi que des volets peints qui se fondent dans le mur, décrit-il. Nous avons aussi imaginé un contraste avec des éléments en bois de noyer teinté foncé, pour lesquels nous nous sommes inspirés des modernistes brésiliens tels que Joaquim Tenreiro, Jorge Zalszupin et Zanine Caldas. Le point fort des projets de Slow est qu’ils partent toujours de l’histoire et du feng shui d’un lieu. L’architecture, bien sûr, est un élément statique, je ne suis qu’un petit maillon de l’histoire. Ce n’est qu’en la remplissant d’activités culturelles, de musique, de parfums et de produits locaux que Slow ancrera véritablement la Casa Noble dans la communauté locale. Je pense que l’esprit du slow travel réside dans cet échange de connaissances combiné à cet esprit fédérateur. S’il existait davantage de retraites avec un tel sens de l’esthétique et de la philosophie, le monde serait sans doute un peu meilleur. »

... et le slow se retrouve dans l'assiette.
… et le slow se retrouve dans l’assiette.© SDP/Slow

Territoire du vide

Le designer Cédric Etienne, du studio belge Corkinho, travaille également sur un tout nouveau refuge holistique pour Slow. « J’ai moi-même été longtemps fasciné par les retraites silencieuses auprès de moines, où les invités participent aux rituels, à la méditation et même aux tâches quotidiennes, raconte le designer. Lors de mon premier échange avec Claus, il y a deux ans, il a été immédiatement intéressé par mes idées sur l’architecture du silence, qui découlent de mes centaines de visites de monastères et de sites sacrés. »

Leurs réflexions communes ont abouti aux plans d’un grand projet dans une réserve naturelle près de la plage de Meco, où, outre un hôtel et plusieurs villas, un monastère moderne doit également ouvrir ses portes en 2024. « C’est un endroit qui rapproche de la paix intérieure, dans une région qui est en fait le Zwin du Portugal, résume Cédric Etienne. Pour ce sanctuaire monastique, j’ai voulu travailler selon le concept japonais du ma, l’espace entre deux notes de musique où réside le potentiel énergétique pour former le son d’une certaine manière. A quoi ressemble ce vide entre deux moments d’une journée et comment se ressourcer? L’architecture comprendra donc une sorte de labyrinthe entre les différents espaces ouverts et les couloirs compacts, afin que les visiteurs puissent se retrouver sur le chemin des différentes formations de groupe ou méditations qui seront proposées dans le centre. C’est un concept intemporel. La demande de lieux où se ressourcer ne cesse d’augmenter. Je pense que le silence peut aussi être un divertissement, s’il est offert dans un cadre idyllique loin de l’agitation. Nous ne proposons pas de vacances animées, mais plutôt un lieu d’introspection, une sorte de pèlerinage moderne. »

Slow tourisme: luxe, lenteur et simplicité
© SDP/Slow

Plus que des mots

Claus Sendlinger lui-même ne classerait pas ses résidences dans la catégorie de la slow hospitality . « Après avoir travaillé dans le secteur du voyage pendant tant d’années, je préfère rester à l’écart de ces mots à la mode, sourit l’entrepreneur. Ces termes nouveaux et branchés perdent leur sens en quelques mois. Beaucoup d’hôteliers aiment jongler avec des termes tels que « authenticité » ou « déstressant », et les vident de leur sens. Seul le véritable concept compte en réalité. En revenant aux fondamentaux d’une destination avec Slow, je crois que nous offrons quelque chose de complètement différent. » Et l’entrepreneur de conclure, convaincu de son projet: « L’homme est un animal social, bien sûr, et il a besoin de contact après ces années difficiles. Mais il a aussi évolué, et recherche parfois des expériences holistiques. A l’avenir, il sera de plus en plus question de bien-être intérieur. Pour guérir de tout ce stress, nous devons apprendre à nous éloigner de la pression. Si plaider pour la déconnexion signifie que je suis une sorte de gourou, alors j’accepte ce titre. »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content