Un couple de milliardaires crée le premier centre consacré à l’art contemporain lituanien

© Studio Libeskind

Un nouveau lieu culturel consacré entièrement à l’art contemporain lituanien à partir des années 1960 et conçu par l’architecte américain Daniel Libeskind ouvrira ses portes début 2019 à Vilnius, grâce à un couple de millionnaires philanthropes.

Depuis l’indépendance de la Lituanie en 1991, « ni les musées ni les collectionneurs n’ont acheté des oeuvres de cette période et celles-ci partent vers les galeries, les entreprises ou même l’étranger », résume Viktoras Butkus, à l’origine de ce projet avec son épouse Danguole, regrettant que « tout un pan de la culture du pays disparaisse ainsi ».

Devenu millionnaire après la vente en 2010 de ses actions dans Fermentas, une société productrice d’enzymes pour les industries biotechnologiques, il a décidé d’employer une partie de sa fortune, soit 8,5 millions d’euros, à l’achat du terrain et à la construction de ce musée.

Sa collection, acquise principalement ces six dernières années, compte environ 4.000 oeuvres, dont des tableaux de Mikolajus Povilas Vilutis, d’Augustinas Savickas et de Sarunas Saukades, des sculptures de Ruta Jusionyte ou encore des vidéos et des clichés représentatifs de l’évolution de la photographie lituanienne.

Pour être au fait de sa nouvelle activité, Mme Butkus a suivi des cours d’histoire de l’art, et la collection complète a été acquise avec l’aide d’une spécialiste, en écumant infatigablement les ateliers d’artistes.

Une ‘vraie révélation’

Les Butkus « sont les premiers à avoir acheté de l’art non officiel de l’époque soviétique tardive. Il s’agit de tableaux intéressants créés par des artistes en proie à la solitude, au désespoir, à la colère. Après 1990, on s’est aperçu que les créations étaient nombreuses, mais les établissements n’ont pas eu de financement pour acquérir ces tableaux », relève l’historienne de l’art Erika Grigoraviciene, estimant que le couple millionnaire a rassemblé « l’une des collections les plus riches de cette période ».

« Ce musée va offrir une carte de l’art lituanien très complète. La Galerie nationale, publique, acquiert souvent une seule oeuvre (d’un artiste contemporain, ndlr). Grâce à leur initiative, on va pouvoir mieux saisir les évolutions dans le travail des artistes », se réjouit la peintre Patricija Jurksaityte. Le centre d’art moderne a déjà acquis une dizaine de ses oeuvres, des images d’intérieurs dépourvus de personnages.

Pour Eckart Gillen, historien de l’art allemand qui signe l’une des préfaces du livre Lithuanian painting publié en 2014 par le centre, la collection des Butkus est une « vraie révélation ». « Respectant une distance critique et faisant preuve d’une grande empathie pour leurs contemporains, les artistes lituaniens ont documenté la mélancolie de ces années où la vie était figée », a-t-il relevé, en soulignant la diversité des écritures artistiques, qui selon lui n’ont rien à envier à des peintres occidentaux.

Projet pour le Modern Art Center de Vilnius
Projet pour le Modern Art Center de Vilnius© Studio Libeskind

Musée virtuel en attendant

L’architecte Daniel Libeskind, auteur du musée juif de Berlin ou de la reconstruction du World Trade Center à New York, a qualifié à plusieurs reprises Viktoras Butkus de « visionnaire » lors de la présentation à la presse du futur bâtiment, un cube de béton blanc, ouvert de part en part en diagonale et doté d’une grande terrasse extérieure à l’arrière.

« Ce projet est l’un des plus petits que j’aie en cours. Ce qui m’a attiré, c’est que ce musée est conçu pour les gens et non pas uniquement pour les amateurs d’art: les passants vont profiter de l’espace public et ensuite feront la démarche d’entrer dans le musée et s’intéresseront au contenu », a estimé l’architecte lors de sa présentation. Cet esprit d’ouverture se voudra présent jusque dans les entrepôts, qui « seront situés au rez-de-chaussée, derrière le vestibule: nous y organiserons des visites thématiques. Comme les tableaux et d’autres oeuvres seront sur des étagères à glissières, ils seront faciles à sortir », explique Viktoras Butkus.

En attendant l’ouverture, le couple a créé un musée virtuel (www.mmcentras.lt) . Les oeuvres de leur collection ont été numérisées et sont en libre accès sur leur site internet qui reçoit plus de 200 visites par jour.

Les Butkus développent en parallèle une activité d’édition, publiant notamment des livres d’art pour le jeune public. Ils ont aussi créé une exposition de photographie lituanienne itinérante présentée dans les écoles.

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