Visite guidée du Svalbard, terre du bout du monde

Le soleil, ici, passe trois mois de l’année en hibernation totale. © getty images

Au Svalbard, les 2500 habitants de Longyearbyen ne s’ennuient jamais: motoneige, grotte de glace, musées ou restos branchés réchauffent les corps et les humeurs.

On entend le souffle du vent, le moteur des motoneiges et le glissement des sparks, ces luges-trottinettes utilisées par les jeunes pour dévaler les pentes et les aînés comme un caddie. Capitale de l’archipel du Svalbard, située à quelques 1 300 km du pôle Nord, Longyearbyen a tout d’une cité économique moderne. On y pratique la course à pied, on se fait livrer des pizzas et on flâne au centre commercial. Dans l’artère centrale piétonne, quelques touches exotiques tranchent pourtant avec les vitrines de vêtements outdoor: là une masseuse thaïlandaise, plus loin un fleuriste croate. La localité compte aussi 52 nationalités différentes: Bulgares, Uruguayens, Egyptiens ou Sud-Africains. Cette diversité puise sa source dans un Traité centenaire, dit de Spitsbergen. Celui-ci reconnaît la souveraineté norvégienne sur Svalbard, mais autorise aussi la quarantaine d’états signataires à y mener une activité économique et à leurs ressortissants à s’y installer sans visa.

Vivre isolé du reste du monde amène inévitablement les habitants à se recentrer sur des sujets hyper locaux, tels que la rénovation d’une cabine à Advent City, le passage de rennes dans le centre ou la présence d’ours polaires à Tempelfjorden. Longyearbyen n’est pas pour autant une ville morte. A côté du cinéma, des pubs et du centre sportif «les plus septentrionaux du monde», la cité s’anime chaque année avec la Gay Pride, des festivals musicaux ou un marathon… Les occasions de bouger sont nombreuses, peut-être même disproportionnées au regard du nombre d’habitants. «Il existe un intense besoin de se rassembler, notamment pour tenir le coup au plus fort de l’hiver. C’est à la fois une façon de célébrer l’endroit dans lequel on vit et une question de survie», justifie Elise, médecin liégeoise qui, il y a trois ans, a rejoint son compagnon au Svalbard.

Loin de tout… mais coloré malgré tout.

1 – SVALBARD MUSEUM

Elise se rend souvent au musée, notamment pour s’asseoir et lire sur des coussins en peau de renne, avec vue sur le fjord voisin. «C’est un endroit dont j’aime à la fois la paix et la dynamique, confie la Belge. J’ai aussi souvent tendance à craquer pour un nouveau livre sur l’histoire de l’archipel au shop (rires).» Moderne et doté de panneaux didactiques en norvégien et en anglais, le Svalbard Museum immerge profondément dans la faune, la flore, la géologie, la culture et donc l’esprit des lieux sur quelques centaines de mètres carrés seulement. Ici la reproduction de deux sublimes cabanes de trappeurs, là quelques animaux empaillés pour se faire une idée de la carrure folle d’un ours blanc. Puis surtout ces photos et textes d’information sur les 400 ans d’occupation de Svalbard depuis sa découverte par le navigateur néerlandais Willem Barents. En fin de visite, se dévoile le projet Seed Vault, inauguré en 2008 dans une ancienne mine proche de Longyearbyen. L’idée est d’y entreposer les semences de plantes de différents pays. «L’humanité ne peut pas survivre sans avoir des espèces de riz, de blé et d’avoine, commente Elise. Ici, même en cas de fin du monde avec perte d’électricité, le permafrost maintiendrait les graines en état une quinzaine d’années.»

svalbardmuseum.no/en

Svalbard Museum.
Svalbard Museum. © getty images

2 – LA MINE 7

Les week-ends, à Longyearbyen, des cordées de marcheurs se succèdent aux petites heures pour arpenter la montagne voisine de Platåberget. L’occasion de savourer la vue sur le port et sur Taubanen sentralen. Cette structure métallique aux allures d’araignée géante est toujours reliée à des pylônes en bois par des fils qui transportaient, il y a encore quelques décennies, des chariots bourrés du charbon des mines. Aujourd’hui, seule l’une d’entre elles est encore en activité en banlieue de Longyearbyen: la Mine 7, véritable palais au ronflement constant qui noircit toute la neige qui l’entoure. Inge s’y rend tous les jours. Et tous les jours, le charbon lui noircit le contour des yeux. Ancien charpentier, ce solide gaillard de 48 ans est devenu mineur «parce que j’avais envie de neuf et de gagner plus d’argent.» En septembre 2023, comme ses 38 autres collègues, il sera au chômage. Pas assez verte aux yeux de l’Etat norvégien, la Mine 7 va fermer. Il sera toutefois toujours possible de se replonger dans le passé industriel de l’archipel grâce aux visites guidées de la Mine 3 et ses équipements laissés en état après sa fermeture en 1996. Vu la faible hauteur de la mine, le charbon y était extrait grâce à des méthodes anciennes puis acheminé via un impressionnant tunnel principal. Un must pour les amateurs de photos d’urbex.

visitsvalbard.com/things-to-do/activities/ ice-cave-visits

L’étonnante structure métallique de la Mine 7.
L’étonnante structure métallique de la Mine 7. © getty images

3 – BASECAMP EXPLORER HOTEL

L’offre hôtelière ne manque pas à Longyearbyen, mais rares sont les établissements qui disposent d’un décor aussi envoûtant que le Basecamp Hotel. La pièce du petit-déjeuner, avec son énorme table de plusieurs mètres et ses très lourdes chaises creusées dans des troncs, a des allures de salle de banquet viking. Au mur, une peau d’ours, des tableaux de bateaux ou cette grande fresque vantant les exploits de chasseurs d’un autre temps. Le déjeuner est lui aussi surprenant, majoritairement salé avec une salade d’œufs, une autre de baies, des œufs Bénédicte et du saumon. L’hôtel épouse un peu la forme d’un puzzle avec plusieurs couloirs qui s’entremêlent entre la quinzaine de chambres disponibles. De véritables poutres en bois côtoient de la tôle et des sacs de café en toile, les chambres sont sombres mais chaleureuses, confortables et donnent cette impression de partager le quotidien d’un trappeur. Il y a de quoi lire, jouer, déguster un thé ou un café, puis rêvasser: au premier – et dernier – étage, quelques divans se logent sous un plafond de verre. Un espace calme et attirant, notamment accessible via une petite échelle discrète, pour espérer observer des aurores boréales sans trop se refroidir.

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Le paisible Basecamp Explorer Hotel.
Le paisible Basecamp Explorer Hotel. © getty images

4 – CHIENS DE TRAÎNEAU ET GROTTE DE GLACE

Tous les matins, à l’extrémité ouest de la ville, les quelques dizaines de huskies de la Basecamp Trapper’s Station emmènent en traîneau une poignée de touristes jusqu’à une cave de glace. Une fois attelés, Peter Pan, Pluto, Skype, Dropbox, Google ou encore Gnochi détalent comme des lapins, suivant une véritable «autoroute» tracée dans la neige. Quand la température ressentie flirte avec les – 30 °C, c’est une vraie expérience de sentir cils, paupières et moustache geler. Les chiens aussi ont la gueule glacée, mais n’ont aucune intention de s’arrêter, même pour leurs besoins, qu’ils font en route. En montée, il faut parfois donner un coup de main aux vaillants coursiers en courant derrière l’attelage. Sans jamais lâcher les rênes pour autant: c’est le meilleur moyen de voir les huskies poursuivre leur route… à jamais. Quand on n’est pas occupé à maintenir l’équilibre du traîneau ou à freiner l’ardeur des chiens, on admirer l’intense beauté de des collines et des montagnes. Les huskies, assoiffés de sport, hurlent dès qu’ils sentent que l’attelage ralentit ou s’arrête. Il faut donc les attacher pour profiter d’un pique-nique ou de la visite d’une grotte. Logiquement déconseillée aux claustrophobes, la descente – quelques mètres – dans les couloirs de glace de la terre offre des face-à-face inimaginables avec des stalactites et autres cristaux de neige.

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Les températures ressenties frôlent parfois les - 30 °C.
Les températures ressenties frôlent parfois les – 30 °C. © getty images

5 – ÉGLISE ET COMMUNAUTÉ

Au Svalbard, la tradition est ancrée depuis l’époque où les mineurs traînaient leurs bottes pleines de charbon à travers la cité: tout le monde se déchausse donc à l’entrée d’un bâtiment, que ce soit l’hôtel de ville, l’office du tourisme, la bibliothèque, l’université ou l’église. Perché sur les hauteurs de la capitale, l’édifice religieux est ouvert 24/24 et 7/7, littéralement et spirituellement. Un espace inclusif ouvert à la communauté, peu importe la nationalité ou la confession. Trude est originaire d’Oslo, mais vit à Longyearbyen depuis 16 ans. La sexagénaire s’occupe des activités sociales de l’église. Il y a du chant folklorique, mais aussi des concerts, des soirées de jeux de société et des discussions postnatales. Trude indique les sièges cosy du salon où le café, le thé et les biscuits sont à volonté. «Il existe une vraie communauté ici, même avec 52 nationalités différentes, et l’église est un lieu de rencontre idéal pour les nouveaux ou les touristes qui veulent échanger avec les habitants, connaître leur histoire ou les bons plans de l’archipel.»

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Le lieu de rencontre idéal «pour les nouveaux».
Le lieu de rencontre idéal «pour les nouveaux». © getty images

6 – MOTONEIGE JUSQU’À TEMPELFJORDEN

La motoneige se conduit, comme le quad, avec le pouce. Au Svalbard, il suffit de parcourir un petit kilomètre hors de la ville pour que la nature se dévoile. La contemplation peut alors commencer, face aux montagnes blanches, aux cabanes de trappeurs fleurissant à l’horizon ou aux rennes s’affairant à dénicher de la nourriture pour leurs nouveaux-nés. «La vitesse moyenne se situe autour de 40 km/h», précise notre guide Stefan. Une allure qui garantit la sensation de liberté et la possibilité de parcourir une centaine de kilomètres en une journée, même si les dos d’âne n’épargnent pas le dos. Ce matin, la troupe d’apprentis aventuriers emmenée par Stefan circule d’abord sur une rivière gelée entourée d’un canyon. La destination finale: Tempelfjorden, avec ses deux cabanes de trappeurs et sa palette de couleurs jaune, blanc, orange, rouge, bleu et mauve, au ciel comme au sol. Quelques phoques émergent de l’eau, visibles à la jumelle. Quand la mer fume, la glace se balance de droite à gauche, suscitant une sensation parfois perturbante. Un authentique bout du monde.

Pour se restaurer

Antoine est un serveur lyonnais installé depuis quelques mois à Longyearbyen. Au Svalbar, il enchaîne les cocktails avec dextérité. «Vous vendez de la drogue dans mon café?», lance-t-il subitement à un jeune blond qui vient de quitter une table où il venait à peine de s’installer. «C’est très fréquent de venir dans des lieux publics pour revendre des trucs», reprend plus sérieusement le barman. «Comme les gens sont bien souvent de passage, ils essaient de se transmettre des objets réutilisables: un iPhone, de l’équipement d’hiver ou même une motoneige pour éviter de trop importer…» Le problème de l’isolement se pose aussi pour la nourriture, car rien – ou presque – ne pousse ici. Pour des plats dits de brasserie, la différence de prix est ainsi tellement dérisoire entre le magasin et le restaurant que beaucoup de citoyens sortent régulièrement manger en ville. Le Svalbar propose de très bons burgers, là où le Kroa se distingue pour ses pizzas et Stationen pour ses viandes.

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A (re)lire: notre expédition au coeur de l’Arctique.

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