Thierry Marx, chef au sommet connecté à la base
Installé dans la tour Eiffel, le chef Thierry Marx, enfant du quartier populaire parisien de Ménilmontant, est entré « par effraction » dans ce métier. Il veut « brasser les gens » dans son nouvel établissement chic, où il emploie du personnel en difficulté sociale.
Avec sa vue panoramique sur Paris à 57 mètres de hauteur au 1er étage, « Madame Brasserie » a ouvert début juin, avec plusieurs années de retard dues au Covid, au moment où les touristes sont de retour. Lorsque le très médiatique chef débarque en salle, des clients se lèvent pour se prendre en photo avec lui.
« L’histoire de la brasserie, c’est brasser les gens. Ainsi, vous pouvez entrer dans cette salle en cassant un peu les codes. Britanniques, Américains, Français, ils veulent une photo, c’est très agréable », explique à l’AFP Thierry Marx, 2 étoiles Michelin dans un palace parisien.
L’expérience se mérite dans cet établissement, qui assure jusqu’à 800 couverts par jour: avec des menus dégustation entre 95 et 245 euros, il faut acheter en plus un ticket pour accéder à la tour et patienter jusqu’à 40 minutes pour y monter.
Un élément « irritant », reconnaît Thierry Marx mais les équipes sont formées pour le faire oublier.
« Pas oublié d’où je venais »
En 2018, Thierry Marx et Frédéric Anton, 3 étoiles Michelin, aux manettes depuis 2019 du restaurant gastronomique Jules-Verne sis au 2e étage, remportent avec le groupe Sodexo la concession de la restauration de la tour, gérée auparavant par Alain Ducasse, le chef le plus étoilé au monde.
Ce dernier avait alors vilipendé le manque d’envergure de ses successeurs, un épisode qui fait sourire Thierry Marx, qui a tout démoli pour « alléger la salle et la cuisine ».
« C’était une compétition. Les insultes, ce n’est pas très grave. S’agiter, ce n’est pas agir. Je sais comment on monte sur un ring et comment on en descend. On peut essayer de donner des coups mais on risque d’en recevoir aussi », commente le chef, ceinture noire de judo.
« Quand j’ai osé approcher le dossier de la tour, beaucoup de gens ont dit: +Est-ce qu’il est légitime?+, se souvient-il.
« Toute ma vie, j’ai été illégitime en tout: je suis rentré par effraction dans ce métier où, pour réussir, il vaut mieux être +fils de+ ou +élève de+ ». Chez Madame Brasserie, 10% du personnel est en inclusion, sorti de ses écoles « Cuisine Mode d’emploi » où il forme des personnes de milieux défavorisés ou qui ont eu affaire à la justice.
Il compte augmenter leur part à 20%. Chose inédite surtout pour une institution comme la tour Eiffel où il faut « cocher toutes les cases » pour être admis.
« Je n’ai pas oublié d’où je venais », assure le chef qui promeut un projet à « un impact social et environnemental ».
Se méfier des « khmers verts »
Tartelette aux petits pois, du veau, du bar, de la volaille fermière, Pavlova ou fondant au chocolat: la carte est courte et lisible. On choisit son entrée, plat, dessert, mais un risotto d’épeautre aux légumes est « imposé ».
« C’est évident qu’aujourd’hui, on est sur plus de légumes, dans une théorie plus flexitarienne. On n’est plus sur le bœuf-carotte, on est plus sur carotte-bœuf », explique le chef, lui-même végétarien.
Tout est préparé sur place, même les glaces, se félicite le chef qui dénonce la « cuisine d’assemblage » pratiquée, selon lui, dans la plupart des brasseries parisiennes qui « ont perdu leur âme ».
Il calcule le bilan carbone de ses assiettes mais sans tomber dans les excès: « Je me méfie des khmers verts ». « Arrêtez de dire: « Cela dépasse le département, cela ne marchera pas ». Comme ça, il n’y aurait jamais rien eu en France! ».
En achetant des cornichons à Dijon, « j’abîme mon impact carbone mais, à Paris, j’aurais du mal à en faire pousser. Je les paie très cher mais je protège une filière ».
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