Qu’est-ce qui fait un bon poulet rôti? Enquête, conseils et recette parfaite

poulet roti recette
© Anaïs Lesy
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Nous sommes partis à la recherche de la meilleure recette d’un classique du répertoire gastronomique : le poulet rôti. Enquête, conseils… et recette!

On n’en connaît pas beaucoup des restaurants où chefs étoilés et bistrotiers convertis au vin nature se côtoient. Aux premiers, les adresses amidonnées du col – nappes blanches et petits plats dans les grands. Aux seconds, les enseignes non conventionnées – couteau planté dans la terrine et boîte de sardines livrées en pâture aux appétits.

A Bruxelles, Amen se déguste comme une exception, on y croise aussi bien David Martin (La Paix, adresse doublement étoilée) que l’équipe de francs-tireurs d’Ivresse, du nom de ce resto et bar à vins ucclois ne craignant pas les jus indociles. Par quel miracle? Celui du poulet rôti. Cette préparation qui tient une place particulière dans le cœur – et l’estomac – des Belges recèle une dose de magie.

Antoinette Vanham, autrice d’un récent opuscule en forme d’ouvroir de littérature vinicole potentiel (Le vin est une fête aux éditions Lamiroy) a bien cerné la question dans ce court texte-manifeste. «Le poulet comme ancrage gustatif. C’est un équilibre qui offre un sentiment de sécurité, qui réunit, épanouit, développe les personnalités, provoque les disputes utiles, maintient en bonne santé, tient éloigné – un temps – de l’écran tactile et du fil d’actualité anxiogène», écrit celle qui a troqué sa robe d’avocat pour la plume.

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Ce rite que l’inconscient collectif national associe au dimanche, le chef d’Amen, Hadrien Franchoo, en a fait sa signature. Petite particularité, c’est uniquement au moment de l’heure du déjeuner du samedi que la préparation figure à la carte du restaurant. «C’est en voyant de nombreuses familles se promener dans le quartier que l’on s’est dit que ce serait une bonne idée de recréer l’ambiance fédératrice des repas dominicaux», explique l’intéressé. La spécialité en question est présentée comme à la maison, c’est-à-dire désossée et dans un plat où chacun se sert à la bonne franquette, repasse comprise.

En été, le poulet est proposé avec des frites coupées au couteau, une salade de tomates et de la mayonnaise. En hiver, il est question de pommes de terre grenailles et d’oignons grelots ainsi que de compote cannelle-vanille préparée à partir de quatre variétés de pomme différentes. Il reste que tout au long de l’année, trois bottes secrètes, servies dans des petits pots, agrémentent le tableau: un jus au beurre de cuisson, une mayo maison et de la sauce volaille élaborée à partir d’un fonds qui mijote une demi-journée.

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La plus belle réussite de Franchoo tient probablement au caractère croustillant de la peau de ses volailles noires qui arrivent en droite ligne du Périgord. Pour l’obtenir, celui qui a travaillé avec Pascal Devalkeneer (Le Chalet de la Forêt) n’hésite pas terminer à la poêle, côté peau, les différents morceaux prélevés sur le poulet préalablement cuit au four – il est important de noter qu’après le passage au four, le poulet est laissé une demi-heure à reposer afin que ses chairs se détendent. Le tout pour une opération durant laquelle le cuisinier mouille généreusement blancs, cuisses et ailes avec du beurre de cuisson.

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Le Sunday roast, ou le poulet rôti à l’anglaise

C’est ensuite à La Roseraie, du côté de Modave, que l’on s’est rendu pour glaner d’autres bons plans sur le poulet rôti. Cette adresse ponctuée de «shelters», des abris ultraconfortables permettant de loger sur place, existe depuis quarante-et-un ans. Elle est désormais entre les mains de Marie Trignon qui a repris l’établissement de ses parents. Traductrice reconvertie ayant vécu treize ans à Londres, la cheffe accorde une importance toute particulière à la volaille. Celle-ci sacre le repas d’équipe du dimanche soir. «Nos semaines sont tellement intenses qu’un tel moment de décompression est nécessaire», explique-t-elle.

Du fait de son long séjour en Grande-Bretagne, où elle a d’ailleurs rencontré son mari, l’intéressée revisite pour nous la préparation selon la tradition du «Sunday roast». Ce rôti du dimanche, qui peut être un rosbeef ou un poulet, Marie Trignon le sert avec un chutney de poire et un délicieux gratin dauphinois… mais surtout en compagnie de «yorkies», soit du Yorkshire pudding, du nom de ce plat confectionné à partir d’une pâte à base de lait, d’œufs, de farine et de sel. L’intérêt? Ces espèces de petites gougères avec un trou au milieu n’ont pas leur pareil pour permettre d’éponger la sauce d’un plat. Puisqu’il est question de liant, on notera que la cheffe a choisi d’accompagner sa volaille d’une délicieuse préparation crémée à l’estragon.

Découvrez aussi la recette d’un autre classique de la gastronomie : le filet américain.

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Découper le poulet à cru

Dans sa belle cuisine rythmée d’une impressionnante batterie de casseroles en cuivre, celle qui a été également décoratrice livre ses secrets. «Au restaurant, nous avons la chance de travailler des poulets effilés, c’est-à-dire avec la tête et les viscères à l’interdit. On peut ainsi mesurer la fraîcheur de l’animal. Malheureusement, ce type de produits n’est pas accessible au grand public. En Belgique, c’est interdit, au contraire de la France», prévient Marie Trignon.

Bien décidée à jouer le jeu, la quadragénaire a opté pour un poulet Label Rouge, tel qu’on les trouve aisément en supermarchés. Sa méthode? Cette maman de deux filles opte pour une découpe à cru avant de colorer coffre, pilons et ailes dans une sauteuse. «L’intérêt de procéder de cette façon réside dans le fait que l’on peut retirer le coffre, et donc les blancs, un peu plus tôt, ce qui évite leur dessèchement», commente-t-elle. Le résultat? Particulièrement convaincant, il nous a inspiré pour la recette à découvrir en fin d’article.

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La dernière étape de cette quête du poulet rôti parfait passe par L’Air du temps, adresse de référence de la gastronomie wallonne. Pour cause, San Degeimbre, l’emblématique chef, fait figurer une fois par an à la carte un plat portant le nom de «Comme un dimanche en Belgique». Inséré dans un menu dégustation, cette composition synthétise en quelques bouchées la sacro-sainte trilogie «poulet-frites-compote». Afin de l’élaborer, Degeimbre s’est questionné sur ce qui faisait l’identité profonde de ce menu chéri par les Belges. Pour lui, pas de doute, c’est le mélange du gras et du jus de cuisson – ce que l’on appelle dans le jargon gastronomique «un jus tranché» – qui constitue la pierre angulaire de l’affaire.

Du coup, c’est une approche audacieuse qui est privilégiée: le talentueux cuisinier fait l’impasse sur les blancs de volaille. Il s’explique: «Un poulet est un objet gastronomique schizophrénique, c’est comme s’il y avait deux animaux en un. J’ai choisi de ne travailler que la cuisse car dans un restaurant normalement rien ne se jette, tout se recycle. Mon conseil pour qui n’aurait pas cette possibilité serait de cuire les blancs dans une cocotte avec un peu de beurre à la fin.»

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Version gastronomique versus bistronomique

Quid du parti pris de «Comme un dimanche en Belgique»? Le plat consiste en une cuisse de poulet (issu de la coopérative Coq des Prés) désossée, généreusement salée, agrémentée d’aromates (origan, thym, laurier…) et dont la chair quadrillée au couteau est finalement nouée en ballottine. Coloré à la sauteuse avec les os, ce qui ne manque pas d’évoquer une sorte de fonds minute, le morceau en question est cuit au four avant d’être, après un temps de repos, découpé en tronçons.

Chaque assiette comporte un tronçon mais rien n’interdit, dans une approche plus bistronomique – à ce propos, on notera que L’Air du temps s’apprête à ouvrir, en janvier 2024, une adresse bistro juste à côté du restaurant gastro – d’agencer plusieurs tronçons agrémentés, comme le fait San Degeimbre, de touches de mayonnaise, de points de compote, de feuilles de ficoïde glaciale et de fines rondelles de pomme de terre soufflées.

© Anaïs Lesy

La recette du poulet rôti parfait

Pour cuisiner ce grand classique de la gastronomie des familles, mais aussi ses accompagnements: frites, gratin dauphinois et mayonnaise (qui tue), c’est ici: La recette du poulet rôti avec ses accompagnements.

https://www.instagram.com/p/CxTI8tdNfY3/

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