L’âme des chefs (2/3): qu’est qui rend la cuisine de Christophe Hardiquest du Bon-Bon, si particulière

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Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Bien sûr, il y a la sélection des produits et la précision des gestes. Ces deux éléments n’expliquent cependant pas tout. Qu’y a-t-il d’impalpable, de spirituel dans la cuisine des grands chefs ? Trois d’entre eux répondent à cette question. Quand l’esprit fait tourner la table…

Si, comme a pu l’écrire Pierre Michon, la littérature s’apparente à une forme déchue de la prière, il n’est pas insensé de considérer que la gastronomie est un succédané de la Cène, « le » repas ultime dans la tradition occidentale.

Si tel est le cas, il est de notre devoir d’envisager ce qu’il y a de sacré et de transcendant dans la cuisine des grands chefs. Loin de pratiquer surenchère gratuite et effets de manche, ils se serviraient alors de l’assiette comme d’un intermédiaire pour « s’adresser à quelqu’un, à un autre qu’autrui, à une grande instance fantasmatique, mais comblante, qu’on appelait Dieu, le grand Tiers » (1).

(1) « Le Roi vient quand il veut », Pierre Michon, Albin Michel, page 29.

L'âme des chefs (2/3): qu'est qui rend la cuisine de Christophe Hardiquest du Bon-Bon, si particulière
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A l’heure où la télévision relaie une vision compétitive, éminemment sportive et anecdotique de la gastronomie (Top Chef, Master Chef, Comme un chef…), il est crucial de revenir sur cette dimension fondamentale de l’acte de nourrir qui lie intensément un être humain à la nature qui l’entoure. Christophe Hardiquest (Bon-Bon, Bruxelles), Alain Gascoin (L’Idiot du village, Bruxelles) et Benoît Van den Branden (Cuisinémoi, Namur) ont pris le temps de s’arrêter sur ce moi profond qu’ils nous offrent sur un plateau à chaque service.

L’âme de… Christophe Hardiquest

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Parfois, un lieu raconte l’âme d’un chef mieux que ne le ferait un livre. C’est le cas du restaurant de Christophe Hardiquest totalement à son image.

Ouverte à la manière d’un théâtre sur une salle intimiste de 40 couverts, la cuisine dit le besoin de s’exposer – « d’être aimé » – de ce talentueux cuisinier venu de Liège. « Si je devais travailler derrière deux portes battantes, je deviendrais un con aigri, cela ne fait aucun doute ».

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Au fil du temps, le chef a appris à se connaître et sait que le contact physique avec les convives est essentiel à sa cuisine. « Je veux ressentir les vibrations, voir que les gens éprouvent du plaisir… le revers de la médaille c’est que je suis très perméable aux mauvaises ondes, je n’ai pas de filtre, parfois je peux sentir la négativité d’une personne dès qu’elle franchit la porte, j’éprouve alors beaucoup de difficultés à me protéger, quand de telles situations se produisent, je laisse faire mon équipe car je crois fermement que cela peut se répercuter sur ma cuisine ».

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C’est que Christophe Hardiquest n’a pas voulu de frontière fixe entre son restaurant et sa maison, « j’habite au-dessus, quand on vient ici, on est vraiment chez moi ». Cette sensibilité exacerbée « une bénédiction et une malédiction », il la tient de sa grand-mère. Avec le temps, il arrive plus ou moins à la canaliser « en mettant en place des systèmes de protection ». L’un d’entre eux consiste à ne plus accepter de banquets et autres repas de groupe, « autant de moments très rentables financièrement mais qui me donnent l’impression d’être à l’usine et de perdre mon âme… l’intensité doit rester au coeur de mon travail ».

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Une particularité supplémentaire de son adresse de l’avenue de Tervuren est de se trouver en bordure de forêt. Une grande baie vitrée ouvre le restaurant sur son environnement immédiat. « J’ai besoin de la nature pour respirer et m’inspirer, ma créativité est en prise directe sur les saisons et sur l’énergie des arbres », commente celui qui révère le travail de l’ethnobotaniste François Couplan.

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Franc du collier, Christophe Hardiquest évoque également sa volonté de tout dire, de verbaliser. « J’ai besoin d’être transparent et entier en matière de relations humaines », un credo qui lui offre un luxe inouï : celui de s’endormir tous les soirs comme un bébé.

L’homme dit aussi l’importance des moments de solitude, « avec trois enfants et un métier ultra-prenant, il me faut des plages de calme qui me permettent de me ressourcer, j’ai appris à m’apprivoiser, je n’ai pas peur de me retrouver face à moi-même ».

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