Le restaurant de la semaine: Claridge, les frites font hélas pâle figure
Restaurant - Claridge
Où - 128a, chaussée de Bruxelles, à 1410 Waterloo
Genre - Classique belge
Atmosphère - Tendue
Addition - Plats entre 23 et 29 euros
Téléphone - 02 315 12 00
Sur le web - leclaridge.be/fr/
A ceux qui pensent que la qualité essentielle d’un restaurant est la souplesse, la famille Niels – du moins Albert-Jean et Frédéric, duo intergénérationnel derrière le Vieux Saint-Marin, le Grand Forestier et le Savoy – oppose des enseignes immuables dont la carte et le décor (conçu par feu Christophe Gevers) sont gravés dans le marbre. Dopés à la belgitude et ivres de nostalgie, ces établissements imperméables au doute rencontrent les faveurs d’une bourgeoisie sentimentale néanmoins prompte à les renier. Il faut dire qu’à force de dupliquer le concept – de plus en plus loin de Bruxelles, ce qui est révélateur d’un monde qui change –, on se sent comme un tyran domestique dans cet agencement dont on connaît par cœur les contours millimétrés ponctués de bois clair, laiton, cuivre, cuir, pierre bleue et tableaux façon CoBrA.
La puissance Niels, ce sont des employés bien payés… donc efficaces et rodés à affronter toutes les tempêtes. Lorsque l’on débarque un dimanche soir, le Claridge a des allures de radeau de la Méduse et le personnel réussit à sauver l’affaire. La cause du naufrage? Un parti pris de double service qui se prend les pieds dans le tapis. Des clients patientent debout. Personne ne perd son calme mais tout le monde ronge son frein. Epargnés par la déroute, on s’installe à une table de quatre équipée comme il se doit de sauce Worcestershire, moutarde gantoise, sel marin et poivre au moulin.
En entrée, les traditionnelles croquettes aux crevettes grises (19 euros) et les fondus au parmesan (18 euros) sont conformes à ce que l’on peut en attendre. En plat, on décide de savourer le mythe, à savoir le filet américain (25 euros) tel que l’a imaginé Joseph Niels en 1924 quand il œuvrait à la Taverne Royale des galeries Saint-Hubert. Généreux et caractérisé par un hachage fin – une hérésie pour certains qui y voient un risque de réchauffer et de faire perdre son sang à la viande –, celui-ci offre pourtant une mâche intéressante et un assaisonnement sur le fil.
A ses côtés, les frites font hélas pâle figure. Carton jaune. Elles sont croquantes, certes… mais elles ont raté le train de la réaction de Maillard. Avec ses nombreuses références bordelaises à la papa, la carte des vins tourne totalement le dos à l’époque. Heureusement, Orval et Saison Dupont offrent un repli honorable.
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