Flan fever: pourquoi ce dessert cartonne et où le déguster
Dessert modeste ayant subitement pris du galon, le flan se savoure désormais comme un phénomène de société. Ce retour en grâce pourrait bien ressusciter une perle enfouie du patrimoine sucré belge. Explications et bonnes adresses.
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S’il fallait désigner un lieu de la « flanmania » qui agite en ce moment les écrans des smartphones, ce serait à n’en pas douter une ville : Paris. C’est bien là que l’engouement autour de cette pâtisserie atteint sa concentration maximale. La preuve ultime de cet enthousiasme se déniche du côté de Fou de Pâtisserie, un label français d’excellence, qui édite un magazine, attribue des trophées et compte trois boutiques disséminées dans la capitale française. S’avançant comme des concept stores – l’idée est de réunir en un même lieu les plus grands chefs pâtissiers de la ville – les magasins en question organisent à intervalles réguliers un hyper prisé Festival du flan. But de la manœuvre ? « Rassembler la crème de la crème du flan parisien. » Rien que ça. Chaque édition de cet événement génère une incroyable cohue lors de laquelle les files se forment trois heures – vous lisez bien – avant l’ouverture des enseignes concernées. Malheur à qui atteint le comptoir vers 13 heures, il ne lui sera pas permis de toucher au saint graal : planter les dents dans l’un des douze flans qui mettent Paname à genoux.
Bien sûr, tout n’est pas perdu pour autant. A condition d’avoir le bon réseau, il est possible de s’offrir un rattrapage en bonne et due forme. Ainsi, Christine Doublet, la directrice du Fooding, guide français réputé, emmène partout avec elle une liste qu’elle envoie volontiers à ses amis de passage. Rédigée sous les bons conseils de Thibault Marmillot, secrétaire de rédaction et « amoureux du flan », le mini-guide pointe les pépites du genre : Tapisserie, Mille & Un (« très sur les œufs », précise le vade-mecum), Mori Yoshida (« pâte bien épaisse »), Cyril Lignac (« ça fait le tàf ») ou Bontemps (« la meilleure pâtisserie de Paris »).
‘Le flan résulte de l’association de produits de base que l’on a chez soi.’
Au-delà des adresses, le flan peut également compter sur une actualité éditoriale chargée. Pour ne citer que deux exemples récents, on pointera Ju Chamalo, un passionné qui s’est fait connaître à travers le compte Instagram @juchamalo et qui vient de remettre le couvert en faisant paraître Mes flans pâtissiers – volume 2 aux Editions de La Martinière, ou encore, chez Ducasse Edition, François Blanc, un ancien journaliste musical, dont le Flan décline 51 recettes de grand.e.s chef.fe.s.
Basse extraction
Les lettres de noblesse du flan sont récentes, même si son histoire incite à remonter les siècles. « Au Moyen Age, le flan existe mais est souvent salé, on retrouve au XIIe siècle des mentions de flan à l’anguille », explique François Blanc dans son ouvrage. Quid de la version sucrée ? Toujours selon Blanc, elle fait son apparition en 1654 dans Les Délices de la campagne, un livre signé par Nicolas de Bonnefons, agronome de Louis XIV. Faut-il y voir une énième manifestation du « génie » hexagonal? L’auteur de Flan tire le frein à main : « Il serait présomptueux d’imaginer que l’origine du flan est forcément française. La « custard tart » anglaise, garnie d’un appareil crémeux, aurait déjà été servie au couronnement de Henri IV d’Angleterre dans les dernières heures du XIVe siècle. La France a pris pour habitude de s’attribuer des inventions sucrées de ses voisins européens. »
Il reste que si les origines de cette préparation sont floues, son histoire plus récente est mieux connue. On sait qu’il s’agit d’une spécialité ménagère de « basse extraction ». Comme l’explique la cheffe Sofie Dumont, qui a fait ses classes pâtissières pendant quatre ans chez Wittamer à Bruxelles, « le flan résulte de l’association de produits de base que l’on a forcément chez soi : des œufs, du lait, du sucre et éventuellement un épaississant. » Est également attesté le fait que le flan a longtemps stagné dans les oubliettes de l’histoire pâtissière. Pendant quelques décennies, il a mangé son pain noir…
« Dans beaucoup de commerces de quartier, il était devenu un symbole de l’industrialisation de la boulangerie. Le joli petit flan était devenu bien laid, d’un jaune appuyé qui évoque les colorants et arômes de la « poudre à flan » utilisée pour l’épaissir, d’une texture ferme et pâteuse, d’un brillant parfois louche. Et cette pâte cartonneuse, reconnaissable au premier coup d’œil jeté à la part de flan, incapable de tenir son rôle texturant. A l’aube des années 2000, le flan était au bout du rouleau », consigne encore François Blanc.
Comment le phénix a-t-il pu renaître de ses cendres ? L’intéressé souligne le rôle joué par Cédric Grolet, pâtissier parisien star, lorsqu’il officiait au Meurice, aux alentours de 2017. Deux ans plus tard, c’est le décollage, le flan rejoint le panthéon des pâtisseries préférées des amateurs. Si l’on en croit l’expert, le phénomène s’explique par un « retour du réconfort en cuisine ». Il précise : « Début 2010, on a vu le riz au lait faire un malheur auprès des chefs en raison de son lien avec un imaginaire lié à l’enfance, au souvenir de goûters réconfortants. Le flan bénéficie du même effet de régression. »
De son côté, Sofie Dumont, talent dont les 145 000 followers prouvent qu’elle n’a pas raté le virage digital, insiste sur le rôle des réseaux sociaux. « Je pense que si le flan connaît son moment de gloire, c’est en raison de son côté rassurant mais aussi de sa photogénie qui a permis sa circulation. Sa texture moelleuse et alléchante rencontre les envies du moment », analyse-t-elle.
Flan dans les dents
Il est temps de poser une question capitale : qu’est-ce qu’un flan ? En vrai, beaucoup de choses. Sollicitant sa mémoire de pâtissier, Pierre Marcolini identifie trois profils différents. Le premier ? Ce que l’on appelle la « crème aux œufs » ou « crème renversée » lorsqu’elle est servie avec de la crème caramel sur le dessus. « C’est sans doute le plus complexe en termes de texture, un flan haut avec une concentration d’œufs et de lait vanillé. Son secret réside dans la cuisson. Il s’approche d’une crème brûlée épaisse, il est semblable à l’appareil des quiches lorraines, le sucre remplaçant ici le sel. Sur le dessus, il est marqué par des lignes sinueuses », explique le chocolatier qui prépare déjà sa future galette de roi avec du flan au chocolat. Plus rare, cette variante inspire les chefs. On l’a par exemple repéré récemment en version ail noir dans le tout nouveau Bistro des chefs Benjamin Denis et San Degeimbre.
‘Sa texture moelleuse et alléchante rencontre les envies du moment.’
Le second ? Il est celui que l’on voit partout et qu’à Paris on considère comme le « vrai » flan, soit de la crème pâtissière – souvent vanillée, ce qui tire la spécialité vers le haut, aussi en ce qui concerne les prix – terminée avec de la crème fraîche liquide reposant sur une pâte sablée, voire feuilletée. Ce qui emmène le genre du côté du « pastéis de nata » portugais. « C’est plus simple, précise Marcolini, mais le côté tendre et moelleux est irrésistible. » En Belgique, particulièrement à Bruxelles, de nombreux néo-boulangers popularisent cette façon en vogue de décliner le flan. On pense à des signatures telles que Quentin Callier, Régis Recourt (Matinal) qui utilise la Vanille Bleue de La Réunion, ou encore Boulengier, à Saint-Gilles.
Où le troisième type de flan se rencontre-t-il ? Il s’agit d’un trésor un peu caché, sous l’intitulé « tarte brésilienne », qui attend d’être dépoussiéré. L’air de rien, il pourrait être une opportunité pour la Belgique de peser dans la game du flan. Pour le comprendre, il faut emprunter cette anecdote en forme de détour, racontée par Pierre Marcolini. Elle se déroule du temps du Café de la Paix, table alors populaire devenue entre-temps La Paix, le restaurant doublement étoilé bruxellois de David Martin. « Je me souviens d’un déjeuner avec Julie Andrieu lors duquel l’animatrice de télévision et critique gastronomique française demande à la serveuse une salade. Elle la reçoit et me dit : « C’est une blague, vous mettez vraiment de la mayonnaise partout. » Il y a quelque chose de vraiment belge dans le fait d’ajouter de la sauce à tout va. C’est un peu cela le flan à la belge, c’est un flan pâtissier refroidi sur lequel on ajoute un dôme de chantilly avec de la brésilienne, c’est-à-dire des noisettes cuites et caramélisées. C’est difficile à comprendre pour les Français mais c’est en nous, de la même façon que nous ajoutons de la crème vanillée dans un éclair. Cela paraît absurde mais cela fait sens gustativement parlant. »
Noisettes vs pistaches
De là à affirmer que ce besoin de lisser ou d’enrober est à mettre en parallèle avec un certain sens du compromis relève d’un coup de force que nous n’opérerons pas.
Toujours est-il que cette « tarte brésilienne », comme on l’appelle communément, sommeille dans de nombreuses boulangeries-pâtisseries qui ne sont pas forcément dans le viseur de l’air du temps. Risque-t-elle de disparaître ? Pas si l’on en croit Sofie Dumont qui plaide sa cause. « Elle fait valoir une structure en quatre temps assez imparable : le croustillant des noisettes, la fraîcheur de la crème chantilly pas trop sucrée, la régression moelleuse et vanillée du flan proprement dit, ainsi que la texture croquante de la pâte sablée. C’est irrésistible », commente celle qui fut Lady Chef en 2019. Joignant le geste à la parole, elle a d’ailleurs revisité ce monument national à la faveur d’une recette accessible sur son site : une tarte au flan brésilienne… dans laquelle les noisettes sont remplacées par des pistaches.
Petit guide subjectif et non exhaustif du flan en Belgique
A Bruxelles
Boulangerie Callier, 1251a, chaussée de Waterloo, à 1180 Bruxelles. Un très bon flan pâtissier marqué par un mélange de vanille signé par Quentin Callier, talent formé entre autres à l’école Lenôtre à Paris.
Jonathan Salomon, sur Instagram (@jonathansalomonpatisserie). Ce ghost pâtissier qui vient de reprendre du service signe une belle version du flan pâtissier sur une pâte sucrée.
Matinal, 6, rue Franz Merjay, à 1050 Bruxelles, matinal.be Régis Recourt travaille son flan à la très coûteuse Vanille Bleue de La Réunion.
Boulengier, 11, avenue Jean Volders, à 1060 Bruxelles, monboulengier.be Un flan pâtissier avec une belle texture, sur le fil entre fermeté et moelleux.
Boulangerie Desmet, 87, avenue des Frères Legrain, à 1150 Bruxelles. Un flan à la belge en version old school disponible en portion individuelle (tarte complète sur commande).
En Wallonie
Ducobu, 16, rue de la Station, à 1410 Waterloo, ducobu.be Très intéressante variation du flan pâtissier réalisée sans œufs.
Le Pain Goûtu, 18, chaussée de Gilly, à 6043 Charleroi. La tarte brésilienne à l’ancienne dans les règles de l’art réalisée par Caroline Bietlot (à commander).
Maison des Desserts, 17, rue Haute Marcelle, à 5000 Namur, maison-des-desserts.be Ici, ce sont les tartes sucre-flan ou cassonnade-flan qui font le succès de la maison.
Benoît Michels, 9, place Saint-Arnould, à 6830 Bouillon. benoitmichels.com Le flan à la belge conçu de manière traditionnelle.
Jean-Philippe Darcis, boutiques à Liège, Herve, Verviers… darcis.com Jean-Philippe Darcis revisite la tarte brésilienne avec une crème fraîche vanillée et des palets pralinés qui se mêlent aux noisettes caramélisées.
Au Vieux Tancrémont, 9, route de Tancrémont, à 4910 Theux. auvieuxtancremont.com De la tarte brésilienne garantie dans son jus. La pâte se tient merveilleusement bien.
En Flandre
Marijn Coertjens, 151, Burgstraat, à 9000 Gand, marijncoertjens.be Maître chocolatier et pâtissier, Coertjens réalise selon nous la version la plus aboutie du flan belge traditionnel.
Envie de faire soi-même son flan à la belge ? Rendez-vous sur le site de Sofie Dumont, qui propose aussi une version au lait de coco. sofiedumont.fr
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