Trois adresses véganes pionnières nous livrent leurs recettes

© FRÉDÉRIC RAEVENS
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

En Belgique comme ailleurs, le véganisme séduit un nombre croissant d’adeptes. Pourtant, la restauration reste à la traîne. Trois adresses pionnières livrent leurs recettes.

Il suffit de pousser la porte d’une librairie pour comprendre. Au rayon culinaire, entre Ma cuisine vegan de tous les jours et Vegan débutant (tous deux aux éditions La Plage ), on ne compte plus les titres qui invitent à passer à table en évitant les produits d’origine animale. Les causes de cette tendance de fond ? Elles sont multiples, mais certainement à chercher du côté d’un public de plus en plus attentif à ce qu’il ingurgite. Pour certains, il s’agit de souscrire aux préceptes de l’antispécisme, cette philosophie qui refuse de placer la race humaine au-dessus des autres.  » L’espèce n’est pas un critère pertinent pour décider des droits des êtres « , martèle fermement Garance, étudiante de 19 ans acquise à cette façon de penser. Elle n’hésite pas à citer Aymeric Caron pour asseoir son propos :  » Etre végan, c’est affirmer des valeurs d’empathie, de décroissance, de respect des plus faibles.  » Pour d’autres, le véganisme procède de convictions écologiques. Ceux-là entendent  » éviter d’ajouter de l’entropie à l’entropie « , comme le précise Damien, architecte devenu végétalien à l’aube de ses 40 ans. Pour lui, il n’est pas inutile de rappeler les chiffres maintes fois évoqués : on sait que l’élevage, qui serait à la base de 80 % de la déforestation tropicale, produit plus de gaz à effet de serre que l’ensemble des transports mondiaux.  » La production d’un seul kilo de viande de boeuf nécessite près de 15 000 litres d’eau et 7 kilos de céréales « , ajoute le quadra. Sans parler de la catégorie de ceux qui ont opéré la conversion pour raison de santé.  » Depuis que je ne mange plus de viande et que j’ai supprimé le lait, les oeufs ou le miel, je ne me suis jamais senti aussi bien « , explique Julien, infirmier de 35 ans.

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Le véganisme d’aujourd’hui n’a rien à voir avec le végétarisme dans les années 70. Exit l’image de la face de carême souffreteuse, le végan 2018 a lu Eat & Run de Scott Jurek. Il sait donc que ce régime alimentaire peut être tout à fait compatible avec l’ultratrail, cette discipline qui consiste à enfiler 160 km – et parfois plus – en courant. Malgré tout cela et l’inscription de cette philosophie de vie au coeur du star-system – des personnalités telles que Beyoncé, Stella McCartney ou Natalie Portman ont rejoint les rangs – force est de constater qu’en Belgique, les adresses 100 % véganes restent rares. En cause, une certaine frilosité des restaurateurs accrochés à une  » perception identitaire de la viande « .  » Ils imaginent mal que l’on puisse faire un bon repas sans viande ou poisson « , commente Igor, végétalien devenu végan dans la foulée de ses 25 ans. Pas faux, le véganisme fait, malgré tout, encore peur. La plupart des chefs hésitent donc à se remettre en question et vivent mal une approche qui sort la cuisine de ses ornières routinières.

Facebook m’a dégoûté

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Les réticences du secteur n’empêchent pas quelques aventuriers du goût de lancer des pavés végétaux dans la mare gastronomique. A Bruxelles, depuis 2016, un lieu comme La Grainerie montre l’exemple. Si cette épicerie bio qui mise sur le vrac et des pâtisseries homemade proposait quelques tables à son ouverture, elle opère désormais en mode traiteur – uniquement sur commande – pour raison d’espace réduit. Aux commandes, deux jeunes Français, Marie Vial et Sullivan Noterman. Concoctées par la première, les recettes s’affichent précises et abouties. L’intéressée explique son approche :  » Autodidacte depuis cinq ans, ma passion pour ces plats hors des sentiers battus s’est révélée lorsque je me suis tournée vers une alimentation végétalienne et vivante en 2013. Cuisiner de la sorte sans sacrifier la notion de plaisir est un véritable challenge pour moi. J’aime travailler les produits bruts et non transformés. Même si c’est initialement une démarche écologique et  » santé « , ce respect pour les aliments dans leur forme la plus naturelle me permet un champ d’expérimentation très large. J’explore les techniques de la déshydratation, de la fermentation et de la germination, qui permettent de transformer les produits sans les altérer, développer leurs saveurs et leur attribuer plus de nutriments. Cela mène concrètement à des résultats très variés, aussi bien sucrés que salés, comme des bouchées crues à partir de fruits secs et épices, des  » cheesecakes  » de noix de cajou activées, des fromages d’oléagineux fermentés…  »

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Bruxelles n’est pas la seule ville à avoir rejoint le  » vegan way of life « . Charleroi et Namur font aussi valoir des adresses. De façon significative, on doit les deux enseignes en question à des entrepreneuses et des entrepreneurs révélés à eux-mêmes à travers des expériences similaires. Celles-ci portent la marque des réseaux sociaux qui ont été à l’origine de moult prises de conscience. A travers la diffusion de vidéos montrant la souffrance animale, Facebook joue un rôle qu’il ne faudrait pas minimiser.  » De telles images sont insoutenables « , se souvient Alicia Destiné (31 ans) qui s’est convertie au véganisme  » immédiatement après les avoir visionnées sur Internet « . Forte de cette révélation, cette comédienne s’est mise en quête de recettes et autres informations autour du véganisme. Après avoir préparé des buffets végétaux pour un cercle de connaissances d’abord restreint puis de plus en plus large, Alicia a ouvert, en octobre dernier, un restaurant au sein du Goolfy de Jambes, un parcours de mini-golf indoor aménagé dans une ambiance lumineuse fluorescente. Drôle d’endroit pour un restaurant végan ? Pas pour Alicia, qui constate un succès qui ne se dément pas, d’autant plus que son parti pris de créativité – la carte change chaque jour – a les faveurs d’un bouche-à-oreille conséquent.  » Pour beaucoup de gens qui découvrent la cuisine végane, c’est une révélation. Ils pensent qu’elle sera moins intéressante que la façon de faire traditionnelle et c’est l’exact contraire qui se produit, les saveurs sont boostées à coups d’épices et d’herbes « , explique la patronne de Végétalicia dont le burger à base de haricots rouges fait un malheur.

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Même type de conversion pour Giacomo Di Matteo (30 ans) et sa compagne Alyssa Casula (31 ans). Eux aussi ont été choqués par des images vues sur le Net.  » J’ai voulu être logique avec moi-même et arrêter de manger ce que je ne serais pas capable de tuer de mes propres mains si je devais le faire. J’ai totalement modifié ma façon de vivre, coup sur coup, j’ai arrêté les sodas, la cigarette et la viande… C’était en 2014 « . Dans la foulée, Giacomo se forme par lui-même à la cuisine végétalienne. Il débute sur les marchés et, en juillet 2017, il ouvre Veni Vidi Vegan avec sa compagne. Cette adresse qui cite Lamartine –  » On n’a pas deux coeurs, l’un pour l’homme, l’autre pour l’animal… On a du coeur ou on n’en a pas  » – se veut  » 100 % végane, bio, locale et de saison « . Si l’on en croit Giacomo, l’enseigne est fréquentée à 15 % par des purs et durs, le reste de la clientèle affiche un profil  » omnivore  » ravi de pouvoir déguster des classiques du snacking – pita, pizza, burgers boulettes sauce tomate, carbonara, arancini… – revisités.

La Grainerie, 112, rue de Tenbosch, à 1050 Bruxelles. Tél : 02 217 98 27.

Végétalicia, 16, rue de la Gare Fleurie, à 5100 Jambes. Tél. : 0471 56 87 31.

Veni, Vidi, Vegan, 78, rue de Dampremy, à 6000 Charleroi. Tél. : 071 33 00 38.

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