Dans cette habitation signée Willy Van Der Meeren se mêlent divers éléments de mobilier vintage et de récup’. © Mr Frank

A Bruxelles, une maison de Willy Van Der Meeren restaurée pas à pas

L’an dernier, nous célébrions le centenaire de Willy Van Der Meeren. Idalie et Francis ont eu le coup de foudre pour l’un de ses premiers grands projets, une maison bruxelloise à laquelle ils ont redonné toute son authenticité.

« Willy Van Der Meeren (1923-2002) n’était pas seulement un concepteur particulièrement talentueux, je pense que c’était aussi un homme vraiment cool », nous explique Idalie, alors que nous visitons la chambre de son fils.

Dans les années 50, presque toutes les maisons disposaient d’une « belle pièce », généralement le meilleur endroit de l’habitation qui n’était utilisé que pour recevoir les visiteurs. Willy Van Der Meeren, lui, pensait que c’était un non-sens, et il la transformait invariablement en salle de jeux ou de bricolage.

Un autre exemple de sa coolitude ? Il estimait que l’espace pris sur la ville devait être restitué d’une manière ou d’une autre. Dans ce logis, il l’a fait en aménageant une même surface en toit-terrasse. Ces deux éléments, et bien d’autres, caractérisent le travail de cet architecte et designer belge de renom.

La chambre à coucher est l’un des espaces préférés du couple : « Nous pouvons rentrer à la maison et nous poser ici. » Copyright : Mr Frank © Mr Frank

Sauvez Willy !

Ce moderniste engagé, connu pour son utilisation de la couleur et ses bâtiments épurés (et abordables) inspirés de Le Corbusier, aurait fêté son 100e anniversaire en 2023. Et l’homme aurait sans doute apprécié le grand dévouement avec lequel Idalie Vandamme – qui possède la marque de sac Didda – et son mari Francis Strobbe restaurent pas à pas cette demeure qu’il dessina.

« Outre un gigantesque coup de cœur, nous avons tous deux ressenti un fort élan de compassion envers ce lieu, confie Idalie. La maison n’allait pas bien, il fallait la sauver. »

Les tringles à rideaux décrivent une courbe douce vers le centre de la pièce, ce qui permet de créer des espaces distincts. Copyright : Mr Frank © Mr Frank

Cette habitation bruxelloise est l’un des premiers grands projets de Willy Van Der Meeren. Le tout jeune architecte reçut à l’époque carte blanche du maître d’ouvrage et travailla à la conception avec son confrère Léon Palm. Erigée dans l’ombre de l’Expo 58, la maison se distingue par ses plafonds de trois mètres de hauteur et l’utilisation abondante de placages d’okoumé.

Défi de taille

Toutefois, tout n’était pas rose lorsque le duo est tombé sous le charme du lieu. Au fil des ans, le mur-rideau expérimental de la façade avant avait souffert. Le bien était d’ailleurs resté en vente un certain temps, sans doute parce que peu de gens s’aventuraient dans le projet.

La façade avant a nécessité une restauration minutieuse. Copyright : Mr Frank

«On s’est longtemps demandé pourquoi la façade était peinte en blanc, avance Idalie. Maintenant, on soupçonne que c’était pour cacher ses nombreux défauts.»

Si le lifting s’avérait de taille, l’autre défi fut néanmoins celui de se confronter aux instances du patrimoine, en l’occurence, Urban Brussels. Sur la table, notre hôte nous montre une pile de dossiers : des études, des demandes de permis de bâtir et de subsides, beaucoup de photos et des plans originaux.

Façade à rénover d’urgence

L’administration a préconisé une rénovation urgente de la façade comme première intervention, un projet complexe qui a pris finalement trois ans. Le simple fait d’enlever les 15 couches de peinture et de plâtre sous lesquelles la pierre bleue et la pierre de béton spécialement conçue par Willy Van Der Meeren étaient cachées a pris des mois.

En outre, le concepteur avait fait encastrer les fenêtres dans le béton d’une manière très inhabituelle. Une technique complexe qui a obligé les artisans à recommencer jusqu’à trois fois leur manipulation. Le pourrissement du béton a également dû être traité de main experte. Et puis, bien sûr, il y a eu les plans originaux qui ont déterminé les choix. Par exemple, toutes les fenêtres qui pouvaient s’ouvrir devaient être peintes en jaune.

La limite entre intérieur et extérieur s’estompe. Copyright : Mr Frank © Mr Frank

Les couleurs à l’honneur

« Nous nous sommes parfois regardés avec désespoir, avoue Idalie. Mais nous avons aussi toujours vu la beauté, car c’est une maison joyeuse, logique et fonctionnelle. L’architecture vous porte et constitue un contraste charmant avec l’activité intense et parfois difficile de Bruxelles. »

Partout, l’utilisation de couleurs donne du cachet au projet. Copyright : Mr Frank

L’état pitoyable de la façade a également été compensé par celui, très bon, de l’intérieur. Après les premiers habitants, une seule famille avait emménagé dans le logement, ne donnant qu’un coup de pinceau ici et là.
Désormais, les couleurs d’origine, que Willy Van Der Meeren a répétées dans presque toutes les pièces, ont été revalorisées. La cuisine, avec son jeu de nuances, son plan de travail en acier inox et son bois chaleureux, attire tous les regards.

Les magnifiques carreaux de la salle de bains sont en marbrite, un type de verre robuste et abordable. Copyright : Mr Frank

Les carreaux de la salle de bains, en marbrite, un type de verre robuste et abordable typique du célèbre concepteur, ont fait l’objet d’un rafraîchissement. Pour le sol, le couple a opté pour une copie des dalles de la terrasse, de sorte que les espaces se fondent désormais les uns dans les autres.

Des meubles intégrés

Si la maison est géométrique, avec des proportions très strictes, la rigidité est contrebalancée par des courbes, comme celles de la cage d’escalier et de la cheminée. Dans le salon, la paroi vitrée offre une vue sur l’escalier composé de marches en béton ancrées et recouvertes d’une couche de bois. Celui-ci s’enroule gracieusement sur trois étages.

La maison est très géométrique mais des courbes, comme celles de l’élégant escalier, apportent de la douceur. Copyright : Mr Frank

Côté mobilier, les habitants n’ont pas dû acheter d’armoires car Willy Van Der Meeren avait intégré dans les murs des placards, avec des parois coulissantes jaunes, bleues ou rouges.

« Par manque de temps, notre intérieur se compose actuellement de pièces héritées et de trouvailles vintage, complète Idalie. Je pense que les meubles des années 80 ont leur place ici, mais il ne faut pas non plus que cela devienne un musée. Il s’agit surtout de faire des essais et de déplacer les objets. Rien ne reste longtemps au même endroit. »

Traité de patience

Et de rappeler que face à une propriété classée, il n’y a pas d’urgence. Même si le temps presse parfois pour stopper la dégradation, un projet comme celui-ci nécessite de ralentir le rythme pour trouver la manière de maximiser son authenticité.

La prochaine intervention qui s’impose concerne la façade arrière. Les châssis en bois doivent être remplacés par des équivalents en acier, la structure en béton d’origine doit redevenir visible, et
il y a une petite fuite à régler.

Le jardin pourrait aussi un jour être refait conformément aux plans de Van der Meeren. © Mr Frank

Mais il y a aussi de belles perspectives : dans le classeur, se trouve le projet original de jardin de Willy Van Der Meeren. « C’est un jeu d’équilibriste permanent, conclut Idalie. Opte-t-on pour une petite réparation, des rénovations en profondeur ou… un voyage ? » Qui vivra verra.

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