Florian Mahieu, 30 ans, architecte du pavillon belge de la Biennale de Venise: « Nous n’avons d’autre choix que d’être optimiste »

© Photo Aaron Lapeirre
Fanny Bouvry
Fanny Bouvry Journaliste

Avec Charles Palliez et Corentin Dalon, ses partenaires du bureau bruxellois Bento, et la philosophe Vinciane Despret, l’architecte Florian Mahieu signe le pavillon belge pour la Biennale de Venise 2023, qui s’ouvre mi-mai. A tout juste 30 ans, il développe avec ses pairs une vision de l’habiter engagée, qui intègre une relation de responsabilité entre vivant·e·s et non-vivant·e·s – l’écriture inclusive étant incontournable pour lui.

Architecte sinon rien

Le métier d’architecte est très complet. Quand j’ai commencé à la faculté d’architecture La Cambre-Horta, je n’avais pas mesuré l’ampleur des responsabilités qui m’incomberaient. Au fil des études et de mes pratiques au sein de Bento, j’ai pris conscience que nous sommes responsables des impacts générés par nos choix.

J’ai toujours eu la volonté d’exercer ce métier. Mon frère, Corentin, a quatre ans de plus que moi et est designer. Et depuis le début, je suis fan de ce qu’il fait, c’est un orfèvre. Mon père étant artiste-peintre et ma mère enseignante, j’ai grandi dans un environnement qui a cultivé mon intérêt pour les arts et la transmission des connaissances.

Ensemble, c’est tout

Collaborer permet d’avancer. L’idée de créer Bento est née pendant la crise sanitaire. Nous commencions à faire des expériences sur les matériaux géo- et bio-sourcés et voulions mettre en commun nos compétences. Nous avions envie de toucher les matériaux et de simplement «faire» des trucs! De fil en aiguille, nous avons décidé de «travailler» avec les champignons et rejoint le labo expérimental Fungal Lab, à Bruxelles. Nous avons alors commencé à expérimenter des matériaux régénératifs, notamment le mycélium, la partie végétative des champignons, et la terre crue.

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Penser les matériaux

Quand on débarque au Bénin, on est bousculé dans ses certitudes. A la fin de mes études, je suis parti là-bas avec Corentin et d’autres pour construire durant trois ans un centre d’accueil pour enfants dans la région des Collines, au centre du pays. Nous voulions travailler avec ce que nous avions sous nos pieds et respecter le territoire matériel, social et symbolique. En parallèle, j’ai donc réalisé une recherche sur le vaudou, sans doute par quête de légitimité. Cette partie de notre vie nous a fait prendre conscience que penser une écologie de la construction, c’est penser des matériaux, des savoir-faire, mais aussi des savoir-vivre. C’est ce qu’on essaye de transposer à Bruxelles.

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Jungle urbaine

L’effervescence de la ville, c’est indispensable. Je viens de Saint-Ghislain, près de Mons. Mais je suis installé dans la capitale depuis dix ans, comme mes associés. Et je ressens le besoin d’être confronté à la ville pour pouvoir créer et aborder le thème des matériaux bio-sourcés, alors que ceux-ci ont d’abord un lien fort avec la nature! C’est fou quand on y pense…

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De Bruxelles à Venise

Nous n’avons d’autre choix que d’être optimiste. Et ce pour nous motiver à trouver des solutions, sinon notre monde fonce dans le mur. Les ressources ne sont pas inépuisables, mais nous pouvons imaginer un futur enviable en posant l’urgence de repenser nos manières d’habiter. C’est pour cela que nous sommes excités de présenter nos expérimentations dans le pavillon de la Biennale de Venise, avec une structure en bois de hêtre venant de la forêt de Soignes et 640 panneaux de mycélium qui ont poussé dans les caves de Tour et Taxis. Pendant trois ans, nous avons travaillé sur le mycélium comme des geeks, en labo. Mais nous voulions tenter une autre échelle. Nous avons d’abord créé avec mon frère le tabouret Stool-17. Suite à divers concours, nous nous sommes sentis légitimes pour proposer ce projet de pavillon retenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles.

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Oser les champignons

Les Occidentaux voient les choses à leur façon. Contrairement à d’autres sociétés plus mycophiles, ils sont plutôt mycophobes et sont dégoûtés quand ils entendent le mot «champignon», surtout s’il est associé au terme «maison». Personnellement, ça me fait plus peur d’imaginer un mur plein de pétrochimie!

Tomber et se relever

C’est aussi important de parler de ses erreurs. Nous fonctionnons par essais successifs. Nous avons notamment travaillé pour le Centre d’art contemporain de la province du Luxembourg sur une œuvre que nous avons dû complètement démonter, car un autre type de vivant a proliféré sur notre mycélium et a rendu la matière non stable. Ce sont ces expériences qui nous poussent à vouloir apprendre. Mais nous ne sommes pas naïfs. Quand la presse a commencé à parler de nous, on a vu en gros titre «Ils vont remplacer le béton par les champignons». Pas du tout! Le champignon n’est pas LA solution miracle. L’idée est de trouver des alternatives pour construire. Et cela se fait progressivement.

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La Biennale de Venise se tient du 20 mai au 26 novembre, labiennale.org et bento.archi

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