Romain Costa: rencontre avec un instagrammeur architecte
Formé à Saint-Luc et désormais basé à Paris, il exerce en tant qu’architecte d’intérieur mais sensibilise également « au Beau, à l’architecture, au design et à la mode » à travers Instagram. Avec lui, nous avons discuté de son parcours, ses inspirations, son compte et du lien entre ce réseau social et l’architecture. Entretien.
Quel est votre parcours?
Je suis architecte DESL (NDLR: sortis des écoles Saint-Luc) et architecte d’intérieur. Je suis basé à Paris où je travaille uniquement sur des projets d’architecture intérieure. A la base, je viens de Lille et j’ai fait mes études à Saint-Luc en Belgique. D’abord à Bruxelles, puis j’ai fini mon master à Tournai. Parallèlement, je suis créateur de contenu depuis six ans. J’ai donc cette double casquette.
Justement ce compte Instagram, quelle est son histoire?
Je pense que j’ai lancé mon compte début 2013. C’était encore les prémices du phénomène des réseaux sociaux. Je l’utilisais pour le « fun ». En fait, à travers lui, j’ai toujours voulu démocratiser l’architecture et sensibiliser les gens au Beau. Et j’ai très vite imaginé mon Instagram comme un magazine, avec une ligne éditoriale très claire. Donc j’ai commencé par partager mon quotidien d’étudiant en architecture. Je postais trois photos de bâtiments et puis une photo de moi plus mode avec un look. J’avais aussi une couleur signature qui était le bleu, qui se retrouve, aujourd’hui encore, partout sur ma page.
Ça a vite pris une certaine ampleur…
J’ai commencé assez rapidement à être suivi et puis un jour, Instagram m’a mis en découverte de la semaine. Et du jour au lendemain, je suis passé de 10.000 followers à 35.000 personnes qui me suivaient. C’était dingue mais j’ai continué à poster à mon rythme avec toujours cette ligne directrice d’alterner photos d’architecture et de mode, le tout avec du bleu bien sûr. Aujourd’hui je suis suivi par environ 125.000 personnes, ce qui m’a donné l’opportunité de travailler avec de très chouettes marques, etc.
1.0romaincosta_Instagramhttps://www.instagram.com/rich658
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Lorsque l’on s’arrête sur votre compte, on ne peut que constater vos nombreuses sensibilités. D’où viennent-elles?
Je suis extrêmement curieux de base. J’adore toucher à tout et apprendre. Ensuite, je pense franchement que j’ai été à bonne école et que mon passage à Saint-Luc m’a énormément apporté en termes de connaissances mais aussi en termes d’envie de découverte. Cela m’a peut-être donné les clés pour continuer à constamment me renseigner et découvrir. Enfin, j’ai toujours baigné dans tout ça. Mon père était aux beaux-arts et ma mère était professeur de lettres. J’ai toujours été encouragé à être curieux de tout et mes parents m’ont poussé assez loin dans le domaine des arts, j’ai fait du dessin, du piano, de l’écriture etc. Donc j’imagine que tout ça fait que même encore aujourd’hui je continue à apprendre et à découvrir plein de choses.
Pensez-vous qu’Instagram influence l’architecture?
Clairement. Déjà, il y a de plus en plus un désir d’être instagrammable, surtout dans les restaurants. Pour inciter les gens à venir, créer une image et une présence sur les réseaux, etc. Et ça peut faire bouger les lignes et changer les codes de la discipline. D’un autre côté, les réseaux sociaux sont de magnifiques plates-formes pour apprendre, se renseigner, être curieux et se développer. Au niveau de l’architecture, je pense qu’Instagram a ouvert le sujet à d’autres publics. On a toujours eu tendance à croire l’art de bâtir réservé à une certaine élite, alors qu’au final, on baigne tous dedans, ça nous entoure constamment ! Les gens peuvent désormais avoir des notions ou des connaissances que moi, j’ai apprises à l’école par exemple. Sans oublier qu’Instagram rejoue un peu avec les tendances, par exemple, actuellement tout le monde veut un canapé Togo, une suspension Vertigo ou des chaises Breuer.
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Inversement, comment utilisez-vous ces réseaux pour parler « archi »?
Je reste persuadé que les réseaux sociaux sont des magnifiques outils d’éducation, d’échange de savoir et de partage. A travers mon compte, j’ai envie de sensibiliser les gens au Beau. Je désire partager le quotidien d’un architecte, les behind-the-scenes, et puis ma passion pour la mode, toujours accompagnée d’archi. J’ai une réelle envie de transmettre ces passions. Mais il faut rester curieux, sortir des sentiers battus et ça va clairement à contresens de l’instantanéité que le réseau promeut. Je suis toutefois convaincu que si l’on décide de faire cet effort, on peut apprendre énormément de choses.
Et vos fameuses stories Lundi Archi (feu « archi-confi »)?
(rires) Oui, c’est vrai qu’on vient de les rebaptiser! A un moment, avoir ce mot « confiné » partout, c’était un peu trop anxiogène…. En gros, j’ai toujours eu envie de partager en profondeur des projets d’architecture ainsi que leurs créateurs mais je n’ai jamais su le faire comme je le souhaitais par manque de temps. Et puis, la Covid est arrivée et là j’ai eu beaucoup de temps. Parce que tous mes projets, tant sur Instagram que ceux d’architecture d’intérieur, se sont stoppés. Alors j’ai profité de ce temps pour enfin réaliser ce gros projet et j’ai démarré mes stories confinées. L’idée, c’était de créer des rendez-vous tous les soirs et d’y partager un projet d’architecture ou un point précis d’une de mes passions.
Finalement vous couvrez toute la semaine…
Oui, on a le Lundi Archi, où je partage la photo d’un architecte ou d’un bâtiment différent tous les lundis. Le Mardi Design, où des pièces design sont mises à l’honneur. Le Mercredi Bibli, où je compose ma bibliothèque idéale avec des ouvrages touchant tant à l’architecture qu’au design et à la photo. Après on a le Jeudi Inspi, ça c’est un peu mon joker, j’y glisse plein de choses qui m’inspirent. Ça peut être de la musique, des comptes que je trouve inspirants. Et puis le vendredi, c’est le Vendredi Projet, où je partage l’avancée des travaux de rénovation de l’appartement que nous avons acheté avec mon compagnon et que nous refaisons entièrement. C’est beaucoup de boulot mais ça touche vraiment à mon but premier sur Insta, qui était de sensibiliser les gens au Beau, et puis ça m’a aussi surtout permis de rester sain je pense (rires). Et d’éviter l’écueil de l’ennui car ça m’a forcé à me replonger dans mes vieux bouquins.
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Qu’est-ce qui vous inspire réellement au fond?
Ce que j’aime dans les villes, c’est le contraste, entre le banal et le magnifique. Je garde en tête cette citation de Héraclite qui dit: « Ce qui est taillé en sens contraire s’assemble; de ce qui diffère naît la plus belle harmonie, et c’est la discorde qui produit toutes les choses. » Si je devais pointer deux bâtiments ici à Paris, je dirais le Palais de Tokyo, tant pour son intérieur que son extérieur, et un autre lieu un peu moins connu, en plein milieu du Marais, La Fayette Anticipation.
Si vous deviez citer trois architectes qui vous parlent?
Ouille, mais c’est hyper dur de choisir! Il y en a tant. (rires) Si j’étais vraiment obligé de n’en choisir que trois je dirais d’abord Robert Mallet-Stevens, parce que j’ai grandi à côté d’un de ses projets, la Villa Cavrois près de Lille. Ensuite Tadao Ando, un architecte japonais pour la poésie de ses lieux et des atmosphères qu’il arrive à créer à travers son univers. Et enfin, Manuel Aires Mateus, qui a dessiné le projet de rénovation de l’école d’architecte à Tournai, mais je pense que l’avoir côtoyé et avoir échangé avec lui lorsqu’il était mon professeur, cela joue aussi.
Et dans votre bibliothèque idéale, que trouve-t-on?
A nouveau, très compliqué de choisir mais je pense que dans les incontournables de ma bibliothèque idéale il y aurait d’abord l’Atlas of Furnitures Design, aux éditions Vitra. Ça c’est vraiment un must-have. Ensuite j’inclurais la collection de livres qui retrace le travail de Peter Zumthor, un architecte suisse qui a énormément travaillé autour du concept de phénoménologie, que je trouve fascinant. Et puis j’y glisserais L’Art du Design aux éditions Citadelles & Mazenod, qui retrace l’histoire du design de 1945 à nos jours.
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