Coup de projecteur sur 5 biographies de femmes racontées en BD

En quelques années, la bande-dessinée a su se saisir de la cause féministe, notamment en mettant la lumière sur l’oeuvre de certaines femmes dans l’Histoire, une place encore trop souvent minimisée. Le 9e art, à la fois créatif et vulgarisateur est dès lors un médium de choix pour toucher le grand public, à l’instar de ces cinq titres parus cette année, qui permettent de sortir de l’oubli certaines figures féminines de talent, voire de génie, ou d’en savoir plus sur ce qui a fait d’elles ce qu’elles sont ou ont été.
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Alice Guy, de Catel et Bocquet, éditions Casterman, 2021
Avec Alice Guy, le duo Catel et Bocquet poursuit son exploration et mise en lumière de personnalités féminines. Ainsi après Olympe de Gouges, Joséphine Baker, Kiki de Montparnasse, au tour d’Alice Guy de voir son destin narré. Une traversée du XXe siècle et de l’histoire naissante du cinéma dont Alice Guy est une pionnière effacée de l’histoire, dont ces centaines de pages visent à rétablir la place dans cette révolution.
Réalisation, production, mais aussi intégration des minorités noires et place des femmes, quand on découvre ce parcours, on se dit que ne pas faire apparaître Alice Guy dans les livres d’histoire du cinéma tient de l’exploit. Elle qui a vu ses dizaines de films attribués à Henri Gallet dans le premier ouvrage consacré par Sadoul aux pionniers du cinéma se voit ici inscrite à sa place légitime dans l’histoire du 7e art qu’elle a largement contribué a lancer et pérenniser.

Nellie Bly dans l’antre de la folie, de Virginie Ollagnier-Jouvray et Carole Maurel, éditions Glénat.
Sortie début 2021, cette BD revient sur une expérience menée par Nellie Bly, pionnière du journalisme d’investigation dans le New York de la fin du XIXe siècle. Servi par un dessin élégant et fort documenté, ce récit est l’adaptation du reportage clandestin « 10 Jours dans un Asile », recueil des articles publiés dans le New York World à l’automne 1887.
Pas à proprement une biographie puisqu’elle ne se penche que sur un moment de la vie de Nellie Bly, ce récit dessine les contours de la personnalité de cette femme exceptionnelle, capable de se faire passer pour folle pour se faire interner dans l’asile psychiatrique de Blackwell à New York. Son objectif: enquêter sur les conditions de vie de ses résidentes, afin de révéler au public l’injustice et les persécutions dont sont victimes ses congénères.

Queenie, d’Elizabeth Colomba et Aurélie Levy, éditions Anne Carrière, 24,90 euros
Al Capone, Bugsy Singer, ou Lucky Luciano, on connait. Mais rares sont ceux à connaître l’existence de Stéphanie Singer, pourtant figure charismatique de la mafia new-yorkaise des années 30. Madame St Clair, que l’on surnommait aussi Queenie, orpheline origine de la Martinique fille d’une famille pauvre, exilée à New York, a l’intelligence des chiffres. Une compétence remarquée par un comptable juif new-yorkais, qu’elle a su exploiter au point de devenir l’une des marraines de la Grosse Pomme dans années 30. Ici, point de monographie-fleuve revenant sur l’intégralité d’une histoire que l’on imagine facilement passionnante. Les deux autrices relatent un épisode clé de la vie de cette figure quasi héroïque de la mafia new-yorkaise, moment où cette femme de poigne décide justement de se ranger des voitures.

Les cinq vies de Lee Miller, d’Eleonora Antonioni, éditions Steinkis
Successivement mannequin, muse, photographe surréaliste puis de guerre, le destin hors du commun de l’Américaine Lee Miller est aussi l’occasion de croiser des figures marquantes du XXe siècle : du prestigieux éditeur Condé Nast, au photographe surréaliste et trouble Man Ray qui la forme au médium photographique, en passant par Picasso, Max Ernst ou encore le poète Paul Éluard, qu’elle fascina tour à tour.
Le récit de l’italienne Eleonora Antonioni suit les pérégrinations de cette femme profondément libre, du New York flamboyant, en passant par l’Égypte ou le Montparnasse des années folles, aux camps nazis, dont elle participe à travers ses clichés bouleversants à révéler au public les horreurs. Une femme déterminée à prendre sa vie en main, passée avec la même vitalité du mode de la mode, puis de l’art puis à la morbidité du reportage de terrain, faisant d’elle une actrice de la cause féministe.

Les strates, de Pénélope Bagieu, éditions Gallimard, décembre 2021
Relater le destin de femmes formidables, Pénélope Bagieu s’y est collée en 2016 publiant successivement deux volumes brossant le portrait de Culottées, qui ont fait d’elle l’une des auteures francophones les plus traduites et en vue de l’univers de la BD contemporaine. Une reconnaissance consacrée par le Eisner Prize en 2019. En décembre, la jeune autrice sort Les States, son premier récit autobiographique. Sous forme d’un carnet de dessin type Moleskine, elle revient sur les épisodes de sa jeunesse, de son adolescence ou de jeune adulte, qui ont fait l’adulte qu’elle est maintenant. En quelques cases ou sur plusieurs pages, légers ou bouleversants, la bientôt quarantenaire livre ici un palimpseste des expériences que l’on traverse et qui forge le caractère comme on dit. Et quel caractère, profondément optimiste quant à son pouvoir d’accomplir de grandes choses. En lisant Les Strates, vous comprendrez pourquoi.
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