Visite de la Villa Stuyven, monumentale demeure brutaliste dans la forêt de Holsbeek

Villa Stuyven
La Villa Stuyven a été conçue par le bureau d’architectes Vanderbiest & Reynaert. © JEROEN VERRECHT

«Vivre ici, ça vous transforme», estiment Bram Kerkhofs et Lore Baeyens, mais aussi tous ceux qui ont eu l’occasion de visiter la monumentale Villa Stuyven, à proximité de Louvain. Ses propriétaires ont entamé les démarches pour qu’elle soit inscrite au patrimoine.

Ils devaient encore atterrir, s’excusaient Bram et Lore quand nous leur avons rendu visite pour la première fois il y a un an. Juste avant l’été, le couple et ses trois fils avaient quitté leur maison mitoyenne en ville pour emménager dans la Villa Stuyven, une monumentale demeure en béton de style cubiste, que le bureau d’architectes Vanderbiest & Reynaert avaient édifiée dans les années 70 dans la forêt de Holsbeek. «Quand on tombe soudainement si amoureux, il faut encaisser le coup», plaisante Lore. C’est le risque qu’on court en effet lorsqu’on écume des sites de vente immobilière comme ArchitectenWoning sans avoir vraiment l’intention de déménager. Un petit scroll peut bouleverser votre vie sans crier gare. «C’était une maison proche de chez nous et une propriété dont nous n’avions jamais entendu parler, et jamais vue. Depuis, les voisins nous ont expliqué que pendant tout ce temps elle était restée cachée derrière des buissons et des arbres.»

Dans le salon, plusieurs œuvres de Lore Stessel ornent les murs. La chaise de Friso Kramer est la pièce qui a incité Bram à devenir designer ; elle a donc une place centrale. Le plafonnier et la table à manger ont été conçus par Bram. Le canapé Tufty-Time de B&B Italia, lui, apporte de la couleur.
Dans le salon, plusieurs œuvres de Lore Stessel ornent les murs. La chaise de Friso Kramer est la pièce qui a incité Bram à devenir designer ; elle a donc une place centrale. Le plafonnier et la table à manger ont été conçus par Bram. Le canapé Tufty-Time de B&B Italia, lui, apporte de la couleur. © JEROEN VERRECHT

«Peut-être est-ce réalisable?», envoie alors Bram par texto à Lore. Au premier regard, il lui semblait que toutes les pièces du puzzle s’imbriquaient. «Ce brutalisme, c’était mon style. C’est comme ça que je crée. Je n’aime pas les complications, j’aime quand c’est pur et fort. Et c’était le cas ici», souligne notre hôte pour expliquer son coup de cœur.

Ses créations ont déjà fait parler de lui. En 2018, il a décroché un prix international pour Coil, une série de vitrines à suspendre et d’éléments de rangement où une corde élastique relie des feuilles d’acier formant les faces supérieure et inférieure. En résulte un rideau semi-transparent que l’on peut ouvrir tout du long. En 2021, il a également remporté un prix Henry Van de Velde pour Meander, une création qui pousse plus loin ce concept très apprécié. «Lorsque j’ai grimpé pour la première fois du coin de la maison vers le jardin, j’ai vu la manière dont les volumes sortaient et s’enfonçaient dans la façade latérale. J’ai vu ce style cubiste, mais aussi la façon dont les fenêtres et les puits de lumière ont été pensés. Au niveau de la composition, j’ai tout de suite trouvé ça très puissant. Je m’en souviens encore, je me suis demandé comment quelqu’un peut-il être aussi habité par l’architecture» Ce qui lui a été confirmé lors de la première nuit qu’il a passée ici: «J’ai cru que quelqu’un avait laissé la lumière allumée dans le couloir. Mais c’était la lueur de la pleine lune qui perçait par les coupoles. Ici on n’a pas besoin d’horloge, on lit l’heure dans la lumière du soleil ou de la lune sur les murs.»

L’ancien atelier de Jef Stuyven. Bram s’y entoure de ses propres créations: l’armoire Grid, les bougeoirs Les Gaufres... Dans un coin, un prototype de sa première chaise Draperie.
L’ancien atelier de Jef Stuyven. Bram s’y entoure de ses propres créations: l’armoire Grid, les bougeoirs Les Gaufres… Dans un coin, un prototype de sa première chaise Draperie. © JEROEN VERRECHT

Un excentrique aimé

Le peintre et philosophe Jef Stuyven, père du chanteur Daan, a été le premier habitant du «bunker», comme on surnomme cette villa 4 façades dans le quartier. «Une prouesse du minimalisme rationnel. C’est pour ce style qu’étaient connus les architectes dans la région de Louvain, poursuit Bram. Reynaert et Stuyven appartenaient au même mouvement artistique dans les années 60. Ils ont construit cette maison ensemble, en tant qu’amis.»

Le système Nopper, une étagère modulaire créée par Bram.
Le système Nopper, une étagère modulaire créée par Bram. © JEROEN VERRECHT

Comme c’est souvent le cas dans les maisons d’architecte, l’atelier originel de Jef Stuyven – qui est aujourd’hui le studio de Bram – a été conçu comme le cœur battant de la maison. C’est de loin le plus grand et le plus bel espace, offrant sur trois côtés une vue sur la forêt. La lumière du soleil, filtrée par le feuillage, tombe sur des créations éditées, des nouveaux prototypes et les nombreux objets d’étude de l’habitant.

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Chaque regard au dehors fait surgir un tableau vivant. Mais Jef Stuyven gardait ses propres créations pour lui. «Il vivait de façon très isolée. Mais chaque année, il réalisait pour les habitants du quartier une carte personnelle avec un dessin et ses bons vœux pour l’an neuf. De véritables petites œuvres d’art, avec une grande valeur émotionnelle. C’était un excentrique aimé.»

Peur de la destruction

La vente de la maison a suscité beaucoup d’émotions. Dans les environs, on s’inquiétait de ce que la villa puisse être détruite pour faire place à une nouvelle construction avec piscine. «Mais pour nous il était clair qu’on allait la conserver, explique Bram. La maison n’était pas classée, mais nous l’avons rénovée comme si elle l’était.»

Etonnamment, le ‘bunker’ est très ouvert à l’arrière.
Etonnamment, le ‘bunker’ est très ouvert à l’arrière. © JEROEN VERRECHT

Outre de nécessaires rafraîchissements et travaux de peinture, les fenêtres ont été remplacées et la cuisine a été refaite selon les plans originaux. «L’intérieur tourne autour de matériaux et de couleurs spécifiques. Des fenêtres en bois noir, des sols en carrelage bordeaux, du béton gris et des briques peintes en blanc. Ces éléments reviennent partout dans la maison. Comme il y avait du chêne dans le salon, nous avons utilisé ce bois dans la cuisine. Au niveau formel, nous essayons de respecter tout cela au maximum.»

La cuisine a été construite selon les plans originaux.
La cuisine a été construite selon les plans originaux. © JEROEN VERRECHT

Pendant que nous suivons Bram à travers le couloir qui nous mène le long des chambres des enfants à la conception uniforme, une salle de bains fonctionnelle – un recul au niveau du confort comparé à la douche italienne moderne qu’ils ont laissée dans leur ancienne habitation, selon le propriétaire – et le bureau de Lore dans une ancienne chambre d’enfant, nous remarquons un groupe de jeunes gens dans le jardin. Ce ne sont pas des promeneurs mais des stagiaires de Bram, qui donne également cours à la LUCA School of Arts à Gand et Bruxelles. «C’est un lieu inspirant. Avant, je devais faire pas mal d’efforts pour développer un concept de création, mais ici ça vient tout seul. La maison, la lumière, la forêt. Ici, de manière positive, tout est tellement pur et juste que chaque idée paraît logique. Tout rentre naturellement dans l’ordre. C’est ce que nous avons remarqué avec tous les visiteurs. Ce serait vraiment dommage, maintenant que c’est possible, de ne pas partager ça.»

Dans le salon, l’effet semi-transparent de l’armoire Coil signée par Bram dans toute sa splendeur.
Dans le salon, l’effet semi-transparent de l’armoire Coil signée par Bram dans toute sa splendeur. © JEROEN VERRECHT

Complément d’aura

Un an plus tard, Bram et Lore font le bilan de plusieurs expérimentations visant à donner un caractère public à la Villa Stuyven. La maison a servi de cadre à des tournages de films, des conférences et des soirées de networking. Vu le grand magnétisme du bâtiment et de ses environs, ils ont décidé de se concentrer surtout sur des résidences de création. Pour des plasticiens, des photographes, des écrivains ou une galerie éphémère. Ils cherchent les résidents via l’association Cas-co et d’autres opérateurs culturels locaux. «Cette aura peut encore être amplifiée, estiment-ils. Grâce aux résidences, la maison prendra davantage de sens parce qu’elle jouera un rôle dans le travail d’autres personnes.»

Une chaise Friso Kramer orne également le bureau de Lore, mais cette fois devant un bureau Ikea.
Une chaise Friso Kramer orne également le bureau de Lore, mais cette fois devant un bureau Ikea. © JEROEN VERRECHT

Entre-temps, les premières démarches ont été menées pour inscrire officiellement la Villa Stuyven au patrimoine. «Ce qui rendra certainement le processus encore plus complexe pour les futures rénovations. Mais c’est dans ce cadre que nous voulons opérer. Ceci est trop beau, c’est cela que nous voulons préserver.»

En bref Bram Kerkhofs et Lore Baeyens (tous deux 46 ans)

Bram Kerkhofs a passé un master en orfèvrerie et en sculpture. Il donne cours au sein de la formation en architecture d’intérieur à la LUCA School of Arts à Bruxelles et Gand. En tant que designer, il se distingue par son attention aux connexions et aux systèmes modulaires. Avec ses créations, il a déjà décroché plusieurs récompenses: pour Coil, il a reçu le Grand Prix de la Biennale Interieur de Courtrai en 2018 et pour Meander, un prix Van de Velde dans la catégorie Habitat. Il a également signé les deux lustres monumentaux de l’hôtel de ville de Louvain.

Lore Baeyens travaille comme architecte de réseau. Autrement dit, elle réunit des gens pour créer de la plus-value dans le domaine public. Elle est notamment impliquée dans le projet Louvain Capitale Culturelle.

Ils vivent ensemble dans la Villa Stuyven avec leurs fils Leon (19 ans), Miel (18 ans) et Rémy (14 ans).

bram-kerkhofs.be

@villa_stuyven_

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