Le cluttercore, entre tendance déco et symptôme d’un mal-être généralisé

exemple de cluttercore
Le #cluttercore, un art de vivre? Getty Images
Kathleen Wuyard-Jadot
Kathleen Wuyard-Jadot Journaliste

Après le minimalisme monacal et le luxe tranquille, une autre tendance influence la déco: le cluttercore, soit l’exact opposé des prescriptions passées. Plus il y en a (d’objets, de joyeux désordre) mieux c’est. Mais est-ce si anodin et guilleret qu’il n’y paraît?

« Le cluttercore est souvent associé à l’encouragement de la spontanéité. Il valorise l’idée d’ajouter des objets et des éléments à un espace sans trop analyser ou planifier, en contraste avec la méthode de Marie Kondo qui prône l’organisation réfléchie et délibérée » explique la décoratrice d’intérieur Anouchka Marty, alias anouchka_deco. Sur son compte Instagram, où plus de 15.500 personnes admirent les projets de celle qui collabore aussi à Je vends ma maison sur RTL-TVI, les aménagements et autres projets de home staging sont pourtant plus sobres, voire même épurés. Mais voilà: quoi que puissent lui demander ses clients, la tendance est résolument au cluttercore, qui s’offre un retour en force après une percée timide à l’hiver 2023.

Le principe fondateur: l’accumulation. D’objets décoratifs, de tapis, de coussins, de plantes, de souvenirs empilés au petit bonheur la chance sur les étagères… À La Maison Saint-Gobain, où on se spécialise dans les travaux de rénovation d’intérieur, on qualifie joliment le cluttercore de « désordre essentiel », comme une « concrétisation de tout ce qu’on nous dit de plus faire depuis des années ».

Et si c’est justement maintenant que ce virage à 180 degrés s’opère, c’est tout sauf une coïncidence.

SP

Le #cluttercore, encore et encore

Le pouvoir d’achat fond comme neige au soleil, l’indexation peine à suivre la course galopante du coût de la vie, les salaire riment avec misère… Et pourtant, les intérieurs n’ont jamais été plus remplis de babioles. Logique, puisque « vivre dans un joyeux bazar rassure en période de crise » pointe-t-on encore du côté de la Maison Saint-Gobain. C’est qu’en période d’incertitude économique, « nous avons tous la peur de manquer. Manquer d’argent, manquer de nourriture, manquer de tout. Alors en gardant les choses auprès de nous, à notre vue, on rassure notre côté matérialiste. On voit ce que l’on possède, on peut le toucher, c’est une présence rassurante en ces temps incertains. »

Résultat: depuis son premier flirt avec le zeitgeist au tournant de 2023, désormais, le cluttercore est partout. Au propre, comme au figuré, puisqu’avec sa joyeuse accumulation d’objets, la tendance prend de la place. Et fait office de doudou décoratif.

« Le monde du cluttercore s’intéresse aux objets personnels et aux souvenirs qu’ils évoquent. Pensez à vos souvenirs de voyage préférés, aux photos d’amis et de famille, et même à cette œuvre d’art faite à la main dont vous ne vous souvenez plus de l’origine. Ces objets ajoutent du caractère et de la personnalité à votre maison et créent un lien avec les personnes avec qui vous vivez » ajoute-t-on chez IKEA Belgium.

Le cluttercore selon IKEA – DR

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Un esprit sain… dans un intérieur sobre?

Et Hélène Rebelo, consultante en décoration d’intérieur et sourceuse, de renchérir. « Le cluttercore concerne les objets, qui peuvent aussi être considérés comme des personnages, ce sont les acteurs d’un décor. Selon la façon dont ils sont assemblés, ils expriment différents sentiments. Il y a quelque chose de rassurant dans le fait de posséder, d’accumuler et de s’entourer d’objets choisis que l’on aime sincèrement. C’est un univers que les habitants se créent, avec un dialogue fort entre l’habitant et son habitat. On peut y voir le besoin, pour les habitants de ce genre de décor, de se sentir très entourés et en sécurité, d’être rassurés. »

On l’aura compris, la tendance va au-delà de l’univers du design et dénote plutôt d’un moment sociétal, voire même, d’un mal-être général. Tout va mal, donc on se rassure comme on peut en s’entourant de possessions variées, mais est-ce que cela a vraiment l’effet escompté?

Unsplash

Tout dépend de comment on envisage le « clutter » du core, ou plus précisément, comment on fait face au désordre qui peut être engendré par cette tendance, certes libératrice mais aussi envahissante, à accumuler. C’est qu’un esprit a plus de chances d’être sain dans un corps sain, on le sait, mais aussi dans un intérieur bien rangé.

Désordre, oui, mais pas trop

Qu’il s’agisse du sommeil, de la confiance en soi, du niveau de stress, ou même de la manière de s’alimenter, de nombreux paramètres essentiels d’une santé mentale florissante sont améliorés par le fait d’évoluer dans un intérieur ordonné. Ce qui ne veut pas dire que ce dernier doit forcément être minimaliste: chaque personne aura sa propre définition du rangement, et celle-ci ne ressemblera pas forcément à l’intérieur de la maison voisine.

Reste que selon le dernier IKEA Home Report, les 3 frustrations principales de nos compatriotes en ce qui concerne leur espace de vie sont les tâches ménagères, suivies d’une « maison en désordre ou sale », et du « fait d’avoir trop d’objets sans place attitrée ».

Cluttercore, oui, mais il s’agit donc de raison garder… Sans trop se priver. « Ce qui est amusant, c’est que vous pouvez acheter autant de vases, de bougeoirs, de coussins, de tasses à café et d’autres objets de décoration que vous le souhaitez, sourit-on du côté du bureau de tendances anversois MMBSY. Cela en dit également long sur votre personnalité et vos goûts, car vous pouvez tout assortir sans vous soucier de savoir si c’est vraiment le cas. Tout le monde y gagne ». Enfin, à condition de maintenir un semblant d’ordre, donc.

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