Hardie Dundee

© VEERLE HELSEN

C’est ici, dans cette ville étrangement attachante de la côte sud-est écossaise, qu’a été inauguré le premier musée dédié au design du pays. Beau prétexte pour aller flâner dans les rues de cette cité à laquelle galeries d’art et bars branchés offrent une seconde jeunesse.

Demandez à ses habitants ce qu’ils en pensent et vous aurez droit à une déferlante de louanges du genre  » d’une beauté magique  » ou  » le secret le mieux gardé d’Ecosse « . Interrogez ensuite n’importe quel allochtone, et vous entendrez des adjectifs comme  » hideuse  » ou  » déprimante « . La réputation contrastée de la ville de Dundee pourrait, a priori, inspirer la méfiance. Mais pour savoir qui a raison, le mieux, c’est encore de s’y aventurer et de se forger sa propre opinion. Car s’il y a quand même une vérité sur laquelle tout le monde s’accorde, c’est que les lieux sont empreints de mystère et, surtout, qu’ils se métamorphosent à grande vitesse…

Il y a encore quelques mois, peu de gens auraient pu situer Dundee sur une carte. Mais en septembre dernier, l’ouverture du magnifique V&A Museum,  » grand frère  » du célèbre Victoria & Albert Museum de Londres et premier musée du design d’Ecosse, a soudain changé la donne. Un événement majeur pour la cité. Peut-être même le grand temps fort de son histoire, puisque dans la foulée, elle fut classée  » ville de design  » par l’Unesco. Certains, ici, rêvent déjà d’un coup de projecteur similaire à celui provoqué par l’arrivée du Guggenheim à Bilbao. Quoi qu’il en soit, l’endroit fait souffler un vent nouveau qui, par l’afflux de visiteurs, profite à tout le monde.

Les choses bougent vite, et on sent Dundee bouillonner de l’intérieur, dans une Ecosse qui a beaucoup plus à montrer que ses joueurs de cornemuse, ses châteaux en ruines ou ses auberges servant du haggis.

En flânant dans les rues, impossible de ne pas apercevoir ce colosse moderne dominant le panorama urbain de ses 2 500 panneaux en pierre alignés en stries horizontales. Son architecte n’est autre que le très en vogue Kengo Kuma, également responsable du stade qui accueillera les jeux Olympiques de 2020 à Tokyo.  » Je voulais créer une sorte de salon pour la ville « , a expliqué le Japonais lors de l’inauguration officielle. Sur la rive du fleuve Tay, il a imaginé un musée aux allures de navire, s’arrimant du coup à l’âme de Dundee qui, jadis, servit de port d’attache à de nombreux explorateurs. Juste à côté de l’institution, sommeille d’ailleurs le RRS Discovery, un trois-mâts daté de 1901 qui eut le privilège d’aller tutoyer les côtes de l’Antarctique.

L'hôpital Maggie's Centre, dessiné par le célèbre architecte Frank Gehry.
L’hôpital Maggie’s Centre, dessiné par le célèbre architecte Frank Gehry.© VEERLE HELSEN

En vogue et en vagues

 » Le lieu parle le langage de la mer et des vagues « , poursuit Kengo Kuma. Une image qui n’a rien d’un fantasme : la façade grise de la spectaculaire bâtisse vogue littéralement sur l’horizon de la ville, avec des percées qui, de l’intérieur, offrent une vue enchanteresse sur les eaux du fleuve. Depuis les fenêtres du restaurant Tatha, les grandes ailes de pierre donnent l’impression de naviguer à bord d’un majestueux vaisseau. Côté expositions, le programme est chargé… et toujours gratuit. Ce 20 avril, sera notamment inaugurée une plongée passionnante et interactive dans les coulisses des jeux vidéo, qui zoome sur leur beauté artistique tout en rappelant, au passage, que le créateur de la saga ludique la plus vendue du monde – Grand Theft Auto – s’appelle Dave Jones et qu’il est originaire de… Dundee. Autre immanquable : une exposition présentant 300 chefs-d’oeuvre de l’histoire du design écossais, dont l’une des robes portées par Natalie Portman dans Star Wars : l’Attaque des Clones, dessinée par la styliste Trisha Biggar, native de Glasgow. Sa pièce maîtresse est toutefois l’Oak Room, l’intérieur d’un salon de thé imaginé en 1907 par Charles Rennie Mackintosh, qui reste l’un des architectes les plus réputés de cette nation.

Tatha, le délicieux resto du V&A Museum.
Tatha, le délicieux resto du V&A Museum.© VEERLE HELSEN

 » Tout le monde parle d’Edimbourg, de Glasgow ou d’Aberdeen. Mais Dundee, personne ne connaît, alors que c’est la quatrième ville la plus importante du pays « , s’étonne Richard Cook, propriétaire du Spex Pistols, une boutique de lunettes vintage à visiter absolument. L’homme est l’incarnation même du Dundonien aussi franc que bon vivant, avec son costume en tweed et sa grande moustache. Comme beaucoup, il est un jour parti par frustration face à la crise, puis rentre au pays.  » Les entrepreneurs comme les designers finissent presque tous par revenir, observe-t-il. Il y a quelque chose ici qui inspire la nostalgie.  » Aujourd’hui, la fierté ambiante se ressent plus que jamais, et elle est contagieuse.  » Le V&A y est clairement pour beaucoup… C’est un effet positif.  »

L'Indigo, un hôtel épuré et branché.
L’Indigo, un hôtel épuré et branché.© VEERLE HELSEN

Le réveil du mouton noir

Autrefois, dans toute la région de l’Angus, on surnommait l’endroit  » la ville des trois J « , pour jute, jam & journalism. Car d’un côté, son énergie économique était assurée par ses fabriques de jute et de confiture. De l’autre, sa plus grande fierté s’appelait D.C. Thomson, un éditeur de presse – journaux, magazines et revues de bande dessinée pour enfants – qui a contribué à l’essor de la région dès sa création, en 1905. Plus tard, lorsque l’industrie s’est effondrée, Dundee a malheureusement eu beaucoup de mal à se réinventer, abandonnant ses habitants à leur sort. Les blessures postindustrielles n’ont jamais vraiment été soignées, et l’ombre des échecs passés est longtemps restée pesante…

Pour boire un verre dans un décor qui en jette, direction le Bird & Bear.
Pour boire un verre dans un décor qui en jette, direction le Bird & Bear.© VEERLE HELSEN

 » Mais après avoir sommeillé pendant des années, Dundee s’est réveillée, comme dans les contes de fées « , affirme Judyta Baca de Gallery 48, une galerie d’art qui sert aussi des tapas. Lorsqu’on traverse en bus ses rues à l’architecture grise et souvent brutaliste, on passe complètement à côté d’une ville  » qui donne une impression assez banale « . Il faut donc s’aventurer tranquillement dans ses différents quartiers pour sentir les choses bouger et comprendre ce que veulent dire les journaux britanniques quand ils évoquent  » la renaissance du mouton noir de l’Ecosse « . Car le mouton en question en a fini de traîner la patte. Les bonnes adresses pour se restaurer ne manquent plus. Et ici ou là, de chouettes projets voient le jour. Exemples ? Le Verdant, un excellent gin local, mais aussi la bière baptisée 71, qui cartonne dans les bars et les supermarchés. A découvrir également : le superbe pub rustique Draffens, l’épicerie fine The Cheesery et l’hôtel Indigo installé dans une ancienne fabrique de jute. Pas étonnant que Dundee, en 2018, se soit retrouvé dans le top 10 des villes européennes à découvrir, selon le Lonely Planet.

Besoin de lunettes ? Jetez donc un oeil chez Spex Pistols.
Besoin de lunettes ? Jetez donc un oeil chez Spex Pistols.© VEERLE HELSEN

Le meilleur à venir

L' » effet Bilbao  » n’est donc pas du tout impossible. Certes, il manque un soleil généreux, tandis que la réaffectation de certaines parties de la ville – dont le quartier portuaire – est encore en phase embryonnaire. Mais les choses bougent vite, et on sent Dundee bouillonner de l’intérieur, dans une Ecosse qui cherche plus que jamais à se défaire de son image d’antan et qui a beaucoup plus à montrer que ses joueurs de cornemuse, ses châteaux en ruines, ses auberges servant du haggis ou ses itinéraires pour marcher sur les traces de William Wallace. Notre suggestion : commencer par poser ses valises à Dundee le temps d’un week-end, puis louer une voiture pour aller découvrir les environs.

Le kiosque - près de 120 ans d'âge - du parc de Magdalen Green.
Le kiosque – près de 120 ans d’âge – du parc de Magdalen Green.© VEERLE HELSEN

Vers l’ouest, le splendide parc national des Trossachs ne se trouve qu’à 1 h 30 de route. On s’y promène notamment autour du paisible Loch Lomond, fréquenté par les pêcheurs, les kayakistes et… les artistes. Vers le nord, même temps horaire pour gagner le coeur du Cairngorms, le plus vaste massif montagneux du Royaume-Uni, dont les vallées encaissées, les torrents et les lacs se donnent la réplique avec majesté. Vers le sud, en moins de 30 minutes, on peut atteindre le plus mythique des parcours de golf britannique, alias St Andrews. Enfin, depuis Dundee, il est également facile de partir à la conquête de la côte Est, qui offre des escales passionnantes. Parmi celles-ci : l’abbaye bénédictine d’Arbroath, la distillerie de Fettercairn (fondée en 1824), ou encore la forteresse médiévale de Dunnottar, perchée sur un éperon rocheux dominant la mer…

Nos 10 musts

V&A Dundee & Tatha. Le tout premier musée du design d’Ecosse. Son restaurant, le Tatha, est très clairement le meilleur de la ville, avec des produits frais qui font un aller simple entre la ferme et la fourchette. www.vam.ac.uk/dundee

Hôtel Indigo. Murs en briques, parquet en bois et plafonds voûtés : l’hôtel le plus branché de la ville, installé dans une ancienne fabrique de textile, est facilement reconnaissable grâce au clocher d’époque qui le surmonte. Personnel charmant et petit-déjeuner succulent. www.ihg.com

Gallery 48. C’est d’abord une galerie d’art exposant les oeuvres d’artistes locaux ou internationaux. Mais c’est aussi un bar à tapas, à vins et à cocktails, ouvert tous les jours de 10 heures à minuit. gallery48.co.uk

Dundee Contemporary Arts. Dédié à l’art dans tous ses états (peinture, cinéma, photo…), l’endroit est également très apprécié des Dundoniens pour son café-bar stylé. www.dca.org.uk

Spex Pistols. Richard Cook, le propriétaire, est un personnage aussi décalé que sa boutique de lunettes vintage ou fashion destinées à la fois aux femmes, aux hommes et aux enfants. Le chanteur du groupe The Smiths y est même déjà passé. https://spexpistols.com

Magdalen Green. Pour une petite promenade en pleine nature, ce joli parc est situé légèrement à l’écart du centre-ville, sur les rives de la rivière Tay. Son kiosque, daté de 1890, accueille des petits concerts chaque dimanche de l’été. www.magdalengreen.org.uk

The Cheesery. Non seulement le comptoir à fromages est affolant, mais en plus, la maison propose une sélection de pains frais et de bières locales. Excellente source d’inspiration pour un pique-nique au Magdalen Green situé juste à côté. www.thecheesery.co.uk

Bird & Bear. C’est l’un des bars préférés des locaux. Autant dire que les cocktails et la bière, le soir, y coulent à flots dans une super ambiance. Pour le découvrir plus calmement, on y vient à l’heure du brunch.

2, Whitehall Cres. www.birdbearpdx.com

Maggie’s Centre. Ce réseau d’hôpitaux est destiné à l’accueil des personnes soignées pour un cancer, et chaque bâtiment est dessiné pour adoucir (un peu) les maux. Celui de Dundee a été imaginé par l’architecte Frank Gehry.

www.maggiescentres.org

The Newport Restaurant. Il faut traverser le Tay pour aller manger (en réservant) dans ce restaurant réputé dans toute la région, et pour cause : il appartient à Jamie Scott, gagnant de la version britannique de Masterchef en 2016.

www.thenewportrestaurant.co.uk

Le long du Loch Lomond, à l'ouest de Dundee, on croise notamment la Pyramid Viewpoint signée par le bureau BTE Architecture.
Le long du Loch Lomond, à l’ouest de Dundee, on croise notamment la Pyramid Viewpoint signée par le bureau BTE Architecture.© VEERLE HELSEN

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