Brussels Fashion & Designers Sales: des pièces de créateurs belges à petits prix

Le vestiaire vintage et plein d'énergie d'Heterodoxa © Laetitia Jeurissen

Du 17 au 19 novembre se tiennent à Bruxelles les Fashion & Designers Sales de l’automne. L’occasion de s’offrir des vêtements de créateurs belges à prix mini. Pour la première fois, ils sont plus de 50 à prendre part à ces ventes de stocks, ainsi de Valérie Berckmans, Annemie Verbeke ou encore la boutique vintage Heterodoxa, dont nous avons rencontré la fondatrice.

Le temps d’un week-end, les Fashion & Designers Sales s’installent dans le bâtiment immaculé de MAD Brussels, la plate-forme bruxelloise d’expertise dans le secteur de la mode et du design. La maison des créateurs se transforme ainsi en haut lieu de shopping: les labels émergents et les maisons établies proposent à la vente ce qui dort dans leur stock, y compris des archives et prototypes qui ont servi à construire leurs collections. Pour la première fois, plus de 50 créateurs et créatrices prennent part à cette édition. La liste débute dans le désordre alphabétique par Valérie Berckmans, se poursuit avec Jessie Lecomte, Just in Case, Les Vraies Filles, Conni Kaminski, Annemie Verbeke, Audrey Ickx pour finir sans être exhaustive par Kana Arioka et Stefan Kartchev.

Laetitia Jeurissen Heterodoxa Vintage

Autre première, ces «sales» particulières s’ouvrent au vintage et trésors d’antan, grâce notamment à la boutique quasi secrète Heterodoxa. Il faudra pousser jusqu’à Ixelles, au 54 de la rue de Stassart, et entrer par le garage dans un immeuble comme seule Bruxelles en recèle. Là, au premier étage, Laetitia Jeurissen palpite au milieu de ses pépites. Au mur, elle a réuni sa petite galerie d’art, une collection de photos de famille, d’invitations très eighties aux défilés de Martin Margiela ou de Vivienne Westwood et d’affiches de ses événements récents, qui disent son respect pour les vêtements et les gens.

Les racines de la mode

Son histoire débute à Hasselt, on ne se trompera guère si on l’enracine dans la boutique de ses grands-parents, Jeurissen Couture, 12, Kapelstraat. Toute la petite ville s’y donnait rendez-vous, depuis des décennies, depuis l’origine, quand ses arrière-grands-parents, dans leur atelier de couture créaient les modèles venus de Paris. Puis quand le prêt-à-porter s’était imposé, à la génération suivante, ses grands-parents avaient aligné les grands noms qui défilaient dans la Ville lumière. «Ils prenaient des risques à vendre des pièces de créateurs d’avant-garde, Hasselt, ce n’était pas Paris», fait Laetitia. Ils organisaient alors des défilés pour leurs clientes − grâce à eux, elles découvraient Courrèges, Chloé époque Lagerfeld, Jean Paul Gaultier ou Issey Miyake. «Mon grand-père Maurice annonçait les mannequins ; le connaissant, je suis sûre qu’il faisait ça avec humour, il a toujours été charismatique. Et comme il était collectionneur d’art, il réussissait à lier la mode et le monde de l’art contemporain.»

« Un vieux stock de 400 pièces qui n’avaient de valeur pour personne sauf pour moi. »

La mémoire collective au sein du cocon familial a enrichi le récit, lui a fourni des images qu’elle pourrait presque avoir vues et vécues. Elle rit, aux cimaises de sa boutique Heterodoxa, elle a joliment épinglé les photos de ses grands-parents, de ces mannequins belges qui faisaient le show, des images pas même sépia qui racontent l’âge d’or de Jeurissen Couture. C’est dans le grenier de la boutique que Laetitia a fait son éducation, explorant les pièces anciennes qui avaient été remisées là, faute d’avoir été vendues. «C’était un vieux stock de 400 pièces qui n’avaient de valeur pour personne, sauf pour moi. J’y organisais des shootings avec mes copines et mes sœurs, je portais ce que j’y trouvais pour aller à l’école ou à des fêtes scoutes, ces vêtements n’ont évidemment pas survécu aux fêtes…»

Hors normes

Et tandis que ce trésor quasi oublié résiste au temps qui passe, Laetitia part étudier la photo à La Cambre, puis s’en va vers «d’autres horizons», direction le Mexique et les galeries où elle creuse l’essence de l’art contemporain. Et puis début 2020, elle rentre à Hasselt, la fast fashion a débarqué et tout bouleversé. Son grand-père est parti au paradis des grands-pères adorés, il faut songer à fermer boutique. Il va lui falloir faire le deuil de son enfance et d’un pan de l’histoire familiale. «J’avais envie d’honorer mes grands-parents, je voulais m’occuper de toute la partie vintage, j’avais toujours eu une affection, une attirance pour ces pièces, pour leur aspect historique aussi, je savais qu’elles avaient de la valeur.»

Ni une ni deux, Laetitia Jeurissen s’installe dans une annexe du 12, Kapelstraat, ouvre toutes les caisses − «c’était très poussiéreux» − trie, classe et propose à la vente ces merveilles revenues de loin. Elle baptise son petit commerce Heterodoxa, rapport à ce terme issu de la biologie qui évoque les plantes qui divergent de leur génome, «et que, dit-elle, l’on pourrait traduire librement comme une personne ou une chose qui est hors normes ou non conforme». Elle y voit un lien avec l’idée du vintage qui «permet une espèce de liberté» et autorise à «avoir un style qui ne suit pas les règles».

Haut lieu du vintage

Depuis, Laetitia a élargi le champ de ses recherches, organisé des ventes florissantes de garde-robe héritage tout entière consacrée à Dries Van Noten et signé un projet artistique autour de Magda et de son vestiaire précieux commencé en 1960 et clôturé en 2000. Désormais basée à Bruxelles, elle occupe son showroom avec une autre spécialiste du genre, Ondine Patout pour Nymfa Vintage, qui a préféré se concentrer sur les années 90-2000, à chacune sa spécialité, l’ensemble n’en est que plus riche. Et tandis qu’on sirote une tasse de café, entourée de ces vêtements qui n’attendent que d’être habités, Laetitia embrasse sa boutique du regard, avec un amour non dissimulé. Ses yeux se posent sur une robe Vivienne Westwood qu’elle vénère, pour sa personnalité, ses collections, son activisme, son intemporalité, sa modernité. Puis ils caressent ce petit top à paillettes qui appartenait à sa mère, qu’elle ne vendrait pour rien au monde et qui porte la signature d’Azzedine Alaïa, lequel a évidemment trouvé place dans son panthéon − «pour l’homme qu’il fut et pour sa magnifique manière de mettre en valeur le corps féminin.»

Un seul conseil, si d’aventure vous pénétrez dans ce haut lieu du vintage, lâchez prise et vibrez à l’unisson avec Laetitia, il vous sera dorénavant impossible d’ignorer que les vêtements ont une âme.

Brussels Fashion & Designers Sales, du 17 au 19 novembre. mad.brussels, levifweekend.be/salesbrussels

Lire aussi : Designer Sales Bruxelles: la mode des créateurs belges à prix mini (carte)

Les choix d’Heterodoxa

Forcément, par hérédité, métier, talent et goût, Laetitia Jeurissen a l’œil pour distinguer les pièces et les collections qui valent la peine, voire plus. Avec son sens du partage bien à elle, mademoiselle Heterodoxa Vintage conseille donc de faire un tour, à Bruxelles :

– chez Kasbah Kosmic, pour ses pièces upcycled
– chez Skin Series, pour ses bodys faits d’algues
– chez Florent Seligmann, pour soutenir un jeune designer qui débute après ses études à La Cambre mode(s)
– chez Farrah Floyd, pour ses pièces très contemporaines et écologiques
– chez Around Mrs. O, pour ses cachemires si confortables
– chez Wendy Malinovsky, pour sa collection enfant cool et originale.

On se le tient pour dit.

heterodoxavintage.com

—Des ventes de stocks à Anvers aussi

Forte de son aura fashion, la ville portuaire sait parfaitement mettre en avant ses atouts ; s’y promener en mode shopping relève donc du plaisir avec majuscule. A fortiori durant les Designer Sales qu’elle organise également. Du 14 au 19 novembre, une belle trentaine de labels et de boutiques du coin y proposent à prix d’ami leurs stocks, leurs surplus, leurs collections des saisons précédentes et même leurs tissus inutilisés. D’Abelone Wilhelmsen à Wright.label, en passant par Façon Jacmin, sans oublier les maîtres en la matière, Dries Van Noten, Walter Van Beirendonck, Dirk Van Saene, Stephan Schneider, Léo, Christian Wijnants et Raf Simons. Vaut le détour, évidemment.

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