Les marques se lancent dans le seconde main - DR ARMEDANGELS & Bellerose
Les marques se lancent dans le seconde main - DR ARMEDANGELS & Bellerose

Mieux que Vinted: pourquoi les marques se lancent dans la seconde main

Kathleen Wuyard
Kathleen Wuyard Journaliste

Qu’il semble loin le temps où on achetait le neuf en boutique mono ou multimarques et le seconde main dans des espaces dédiés. Désormais, la frontière se floute, et tout le monde en bénéficie.

C’est la tendance du moment: de plus en plus de marques se lancent sur le marché du seconde main et de la mode circulaire, qu’il s’agisse de proposer des avantages aux clients qui ramènent d’anciennes pièces en boutique, ou bien carrément de mettre en place un système de revente de ces vêtements et accessoires vintage en marge des nouvelles collections. Une vulgaire tentative de green washing de la part d’acteurs d’une industrie toujours plus décriée, la mode étant responsable d’environ 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et pointée du doigt parmi les secteurs les plus polluants?

Peut-être. Peut-être aussi s’agit-il tout simplement d’une volonté de la part de ces mêmes acteurs d’adopter une démarche plus vertueuse, plus respectueuse de l’environnement mais aussi des envies d’une clientèle toujours plus consciente et exigeante. Une chose est certaine: le seconde main peut rapporter gros, tant pour les personnes qui se débarrassent des rebuts de leur dressing, que pour les marques qui leur offrent une seconde vie. Après tout, qui a dit que vertu et profit étaient antinomiques?

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Les marques prennent la (seconde) main

Certainement pas le monde de la mode, qui, après avoir longtemps laissé le marché de la revente aux particuliers et aux boutiques dédiées, a pris conscience récemment des opportunités qu’il représentait. En février dernier, lors du rendez-vous Source Fashion, grand messe mode à Londres, un séminaire tout entier était ainsi dédié au « reCommerce », où comment la revente permet non seulement de briser le cercle tout sauf vertueux de la consommation de masse, mais aussi d’engranger des sources de revenus supplémentaires pour tous les acteurs concernés. Ainsi que l’a rappelé lors du séminaire Matt Hanrahan, le co-fondateur de la marque de revente Reskinned, « les marques ont peur que le seconde main ne cannibalise les ventes de nouveaux produits, mais dans les faits, c’est tout le contraire qui se produit ».

« Les vêtements et accessoires de seconde main ont une valeur de revente de 40% environ, et permettent en outre aux marques de créer du lien avec des consommateurs qui ne peuvent pas se permettre d’acheter des pièces neuves prix plein aujourd’hui, mais qui seront peut-être en mesure de le faire demain ».

Matt Hanrahan

Un parti pris qui a de quoi séduire: d’après les données récoltées par l’agence de recherche GlobalData, si, en 2022, le marché global du seconde main vaut déjà 182.4 milliards de dollars (soit 167.5 milliards d’euros) il devrait avoir grandi de plus de 16% d’ici à 2026. Et en Belgique, plusieurs marques ont déjà pris le train en marche.

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À l’automne 2022, Essentiel Antwerp a ainsi donné le ton en devenant la première marque du royaume à introduire une offre de seconde main en ligne avec RE-SSENTIEL. Une évidence pour Inge Onsea, co-fondatrice & directrice artistique du label aux silhouettes colorées, qui confie non seulement trouver beaucoup d’inspiration dans le vintage, mais aussi avoir un placard rempli de pièces d’occasion. Et vouloir rappeler avec cette nouvelle approche circulaire que les vêtements estampillés Essentiel sont conçus pour durer, Inge Onsea soulignant être « très heureuses que nos pièces aient la chance de revivre et que nous puissions offrir cette expérience à nos clients. Cela rend la création deux fois plus amusante ». Et la clientèle, elle, qu’y gagne-t-elle? Des bons d’achat, pardi!

La procédure est on ne peut plus simple : après avoir sélectionné les pièces qu’elles souhaitent revendre, les personnes reçoivent une offre de crédit après quelques clics et envoient les pièces gratuitement à Essentiel Antwerp. Une fois les pièces réceptionnées et contrôlées, la personne ne doit pas attendre que celles-ci soient vendues pour recevoir son crédit, et se voit immédiatement remettre un bon d’achat à dépenser sur le site de la marques, dans ses boutiques belges ou, pour joliment boucler la circularité, sur la plateforme RE-SSENTIEL. Plateforme qui, contrairement à ce qui se pratique sur Vinted, ne nécessite pas le moindre effort: pas de description à écrire ni de photos à prendre ou pire encore, de parties de marchand de tapis à disputer avec des acheteurs potentiels – c’est la marque qui s’occupe de tout. Et à 98 euros la pochette imprimé python ou 83 euros la jupe métallisée, il y a une jolie marge à se faire en triant son dressing. Un montant sur lequel la marque ne prend pas de commission, sans y perdre pour autant, même si elle préfère ne pas s’étendre sur les chiffres.

Un joli coup de communication

À Bruxelles aussi, l’approche séduit. Bellerose vient en effet tout juste de lancer sa plateforme  One in > One out, où vendre et acheter en toute simplicité des vêtements Bellerose usagés, tout en stimulant l’économie circulaire et en « s’inscrivant de manière plus affirmée encore dans une mode plus responsable ». Et là aussi, c’est un joli moyen de rappeler que ses créations s’inscrivent dans la durée, et d’offrir une vitrine à l’intemporalité (et à la durabilité) de ses pièces.

« Des vêtements de qualité méritent une deuxième (ou une troisième) vie »

« Les styles éphémères qui ne durent qu’une saison, les vêtements « in » un jour et « out » le lendemain comptent leurs derniers jours. Nous en avons tous assez de payer pour des articles bon marché, mais de mauvaise qualité. Mais chez Bellerose, nous sommes aussi conscients que la qualité, le souci du détail et les bonnes pratiques de fabrication ont un coût. Nous avons la chance de travailler avec passion, et mettons tant d’efforts et d’attention dans la conception des articles Bellerose qu’ils peuvent passer d’un vestiaire à un autre et faire plaisir à plusieurs personnes ».

Et la marque bruxelloise d’en profiter pour marteler que « des vêtements de qualité méritent une deuxième (ou une troisième) vie », sans quantifier pour autant ce que ces vies supplémentaires lui rapportent, outre un joli doublé réputationnel: et hop, un bon point pour la circularité, et un autre pour la durabilité avec cette revente de vêtements de si bonne qualité qu’ils passent par plusieurs penderies sans perdre en attractivité.

Bellerose

Un parti-pris également adopté par JBC, qui vient d’inaugurer des espaces Re-Nouveau au sein de douze de ses magasins, où « ce qui est trop petit pour votre enfant devient quelque chose de nouveau pour quelqu’un d’autre ».

« En tant qu’entreprise familiale belge au fait des préoccupations des jeunes familles, nous savons ce qui touche notre clientèle, explique-t-on du côté de chez JBC. Le seconde main est très à la mode chez les jeunes familles, mais nous savons que cela leur demande souvent beaucoup de temps et de travail. C’est pourquoi nous voulons décharger les familles avec ‘Re-Nouveau’, en leur proposant un corner permanent de seconde main dans une dizaine de magasins, où elles peuvent facilement apporter des vêtements usagés lors de journées de reprise de vêtements de seconde main, et acheter elles-mêmes des vêtements d’enfants de seconde main, à des prix conforme au marché. En outre, il est très important pour nous de créer une mode plus durable.L’achat et la vente de produits de seconde main s’inscrivent entièrement dans notre vision de durabilité ».

Une vision engagée, mais pas mercantile: la marque l’affirme, « nous ne bénéficions d’aucun avantage financier de la part de Re-Nouveau. Le prix payé par le client pour les vêtements de seconde main est entièrement utilisé pour couvrir les frais de manutention et du personnel nécessaire. Nous avons opté pour ce nouveau service en raison de notre volonté qui consiste à construire ensemble une planète plus durable et à contribuer à la réduction des déchets vestimentaires ». Entre autres bénéfices.

« Grâce à Re-Nouveau, nous pouvons renforcer notre position de détaillant de mode qui prend soin des familles et de l’environnement. Nous offrons à nos clients une solution pour gérer leurs vêtements d’enfants preloved de manière durable, ce qui nous rapproche encore plus de nos clients ».

JBC

Et il n’y a pas que pour les vêtements que la démarche fait sens – au contraire, même.

La revente, mère de toutes les vertus?

Ainsi, depuis novembre 2021 déjà, la marque de maroquinerie française haut de gamme Le Tanneur chapeaute le programme De main en main , et invite les clients de la Maison à réutiliser, réparer ou recycler leurs produits Le Tanneur. Une grande collecte est organisée chaque année pour l’occasion et de nombreuses pièces sont ainsi recyclées ou restaurées au profit de l’association Le Relais, membre d’Emmaüs France. Jusqu’au 11 juin 2023, les personnes qui déposent leurs anciennes pièces Le Tanneur dans leur boutique la plus proche (celles de Liège et du Luxembourg, pour les Belges) reçoivent ainsi un bon d’achat en échange (20 euros pour de la petite maroquinerie, et 60 euros si vous déposez un sac ou un bagage).

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Et si Le Tanneur affirme que « le bénéfice financier est secondaire » et que « l’objectif est de faire un focus sur  l’engagement RSE de la marque pour un meilleur demain », elle concède toutefois ne voir que des avantages à se lancer dans la circularité: « Le client découvre les nouvelles collections une fois en boutique et pose un acte fort en se séparant de son ancien sac. Il est récompensé par un bon d’achat sur la nouvelle collection. Chacun s’y retrouve ». Et ce, même si « les coûts de production des matériaux recyclés sont plus élevés qu’avec des matériaux non-recyclés mais l’initiative a pour but de créer des emplois, favoriser le recyclage et sensibiliser le consommateur mais aussi favoriser la réinsertion professionnelle au travers d’Emmaus France ».

Quand le seconde main rend leur valeur aux vêtements

Du côté des Allemands de chez ARMEDANGELS, on a l’engagement chevillé au corps. La production de jeans est un des secteurs les plus polluants de la mode?  La collection DetoxDenim revoit son empreinte carbone à la baisse, certains modèles réduisant jusqu’à 50 % les émissions de CO2 pendant la production par rapport aux jeans moyens vendus en Europe.

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L’industrie de la mode est responsable de 10 % des émissions mondiales de carbone et génère d’importants déchets textiles? ARMEDANGELS s’y attaque avec sa plateforme de revente et d’occasion pour prolonger le cycle de vie des produits. Conviction de la marque « la seule manière de créer un avenir plus durable est de rompre avec la mentalité actuelle du jetable et de reconnaître les vêtements comme des ressources précieuses ».

Et de pointer qu’en moyenne, « les vêtements ne sont portés que sept à huit fois avant d’être jetés. Pour mettre fin à ce gaspillage, nous avons décidé de lancer notre propre plateforme de revente. Grâce à la coopération avec reverse.supply, les vêtements ARMEDANGELS usagés peuvent être envoyés gratuitement en Allemagne. Les vêtements endommagés sont recyclés, tandis que les pièces en bon état sont proposées à la vente dans la boutique d’occasion ». Résultat? « Un pas de plus vers un avenir plus durable où les ressources sont préservées et les matériaux réutilisés » se réjouissent les teutons spécialistes des basiques tendance.  

La revente, mère de toutes les vertus? Chez JBC, on assure encore être « convaincus que la mode durable ne fera que gagner en importance » tandis que Bellerose pointe qu’en offrant une seconde vie à ses collections précédentes, elle offre aussi la possibilité à sa clientèle de retrouver une pièce coup de coeur qui lui avait échappé à l’époque, ou bien d’affirmer sa personnalité en mélangeant du neuf avec du vieux. Et de porter ainsi fièrement son engagement – bon pour la planète et le budget, le seconde main a tout pour devenir la tendance de la mode de demain.

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