Igor Dieryck marche dans les pas de Margiela chez Hermès – et incarne le futur de la mode belge
Depuis qu’il a décroché son diplôme de l’Académie de mode d’Anvers l’année dernière, les choses vont bon train pour Igor Dieryck. Comme Martin Margiela avant lui, il travaille aujourd’hui pour Hermès, mais vient aussi d’être nominé au Fashion Festival de Hyères et lance une collaboration avec la marque belge de sacs à main KAAI. « Tout s’est déroulé beaucoup mieux que ce à quoi je m’attendais » confie-t-il.
Au début de notre conversation, Igor Dieryck s’excuse d’emblée. « Je parle principalement le français, donc il m’arrive de faire des erreurs lorsque je parle le néerlandais. Donc n’hésitez pas à me corriger » assure-t-il. Sauf que lors de notre entretien, nous ne le surprendrons à commettre la moindre faute de langue.
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Pendant et après sa formation à l’Académie d’Anvers, Dieryck a suivi un parcours presque sans faute. En tant qu’étudiant, il a été sélectionné pour une collaboration avec le label de lunettes belge Komono. L’année dernière, en juin, il a immédiatement remporté deux prix avec sa collection de fin d’études. Peu de temps après, la marque belge de sacs à main KAAI l’a également approché pour une collaboration, qui sera bientôt disponible en boutiques. Ses créations ont depuis honoré divers journaux et magazines, de la couverture de Knack Weekend au réalisateur vedette Lukas Dhont, photographié dans The Guardian. En janvier, il a été annoncé comme l’un des dix nominés du célèbre festival de mode de Hyères. Et pour couronner le tout, il a signé un contrat avec Hermès début avril.
Quel palmarès impressionnant pour quelqu’un âgé de tout juste 24 ans.
C’était en effet une année tourbillon. Après avoir obtenu mon diplôme, je me suis d’abord retrouvé dans une sorte de trou noir. J’ai dû comprendre ce que je voulais faire. Et parce que j’étais le plus jeune et le moins expérimenté de ma classe à l’Académie, après mes études, j’ai eu l’envie de d’abord trouver mes marques en Belgique avant de m’installer à Paris. C’est pourquoi j’ai d’abord effectué un stage de deux mois chez Meryll Rogge, à Gand. C’était super amusant, car puisqu’il s’agit d’une petite équipe, on m’a donné plus de responsabilités qu’un stagiaire au sein d’une plus grande maison. En octobre, j’ai déménagé à Paris pour un deuxième stage chez Acne Studios, mais je n’avais aucun plan la suite. Le fait d’avoir eu l’opportunité de travailler dans une maison de couture aussi historique qu’Hermès est inespéré. J’ai travaillé dur pour y arriver, mais tout s’est déroulé beaucoup mieux que ce à quoi je m’attendais.
Paris est la mecque de la mode… Avez-vous toujours rêvé d’y habiter?
Pas vraiment (il sourit). J’aime trop la Belgique pour ça. Je suis né et j’ai grandi à Arlon, non loin du Luxembourg, mais en tant qu’enfant d’un père flamand puis plus tard, en tant qu’élève de l’Académie d’Anvers, j’ai aussi toujours beaucoup aimé la Flandre. Donc je me sens vraiment complètement Belge. Mais je me suis rendu compte que ce serait important pour ma carrière d’aller à Paris. Entre-temps, j’ai découvert que la ville est si grande qu’on peut facilement faire son propre truc sans se soucier du regard des autres.
Et Hermès dans tout ça?
Pour moi, Hermès est une marque respectée avec un style visuel reconnaissable et une empreinte sur le secteur. Rejoindre la maison n’était pas nécessairement quelque chose que j’espérais, parce que je ne savais pas à quel point cette idée serait réaliste de l’espérer. Je travaille ici depuis quelques semaines en tant que designer junior dans le département homme, ce qui signifie que j’aide les designers seniors dans leurs tâches quotidiennes, principalement techniques. Nous venons de commencer à travailler sur la collection automne 2024, et en même temps, je peux travailler sur mes propres pièces.
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Votre collection avec le maroquinier KAAI sera dévoilée fin mai. Comment cette collaboration a-t-elle vu le jour?
Ils ont déjà collaboré avec d’autres anciens élèves, comme Marie Martens ou Nel Maertens, et j’ai donc été très heureux qu’ils m’aient contacté l’année dernière après avoir vu ma collection de fin d’études. Sinon, je l’aurais fait moi-même de toute façon (rires). Comme je crée principalement pour les hommes, il était important pour moi que le sac convienne à tous les genres.
Vous avez travaillé les imprimés à l’aquarelle.
Pendant ma formation, j’étais connu pour ma fascination pour les « dégradés ». C’était une sorte de marque de fabrique, au point que si quelqu’un d’autre explorait cet univers visuel, on pensait que le dessin était de moi. C’est pour ça que j’ai voulu créer quelque chose dans lequel on reconnaît ma voix. C’est une estampe de ma collection de master, que j’ai peinte à l’aquarelle sur le vieux papier de mon arrière-grand-père.
L’imprimé comporte d’ailleurs du texte écrit de sa main.
Je trouve intéressant de connecter mon travail à qui je suis. Pas pour des raisons d’ego, mais bien parce qu’en fin de compte, c’est vous qui vous connaissez le mieux. Au cours de mes recherches, j’ai trouvé des documents de mes grands- et arrière-grands-parents dans nos archives familiales. Enfant, mes frères et moi avons toujours trouvé ce lien avec le passé très intéressant. Cet imprimé, et donc ce sac, est un moyen de relier le passé et le présent.
En octobre, vous ferez partie des 10 finalistes susceptibles de remporter 20.000 euros et une collaboration avec Chanel au Festival d’Hyères . Comment vous sentez-vous?
Je ne suis pas du tout en compétition pour gagner. Aussi cliché que cela puisse paraître, je suis content de pouvoir le cocher sur ma liste de choses à accomplir (rires). C’est un rêve que je ne m’attendais pas à pouvoir réaliser. Quand j’avais treize ans, je regardais déjà les documentaires sur le festival. Par le passé, des Belges ou des anciens de l’Académie l’ont régulièrement emporté, comme Tom Van Der Borght, Anthony Vaccarello ou encore Rushemy Botter. Si je décroche un prix, je serai bien sûr très heureux, mais ce n’est pas mon objectif premier. J’ai surtout hâte de passer deux semaines dans le sud de la France, entouré d’amis et de gens que j’admire.
Qu’allez-vous y présenter?
Puisque j’ai maintenant un emploi à temps plein, je vais montrer les pièces les plus fortes de ma collection de fin d’études en combinaison avec de nouvelles pièces sur lesquelles je travaille actuellement. J’aime faire évoluer ma collection existante de cette manière. Après ma formation, je savais qu’il me faudrait beaucoup de temps avant d’avoir à nouveau un projet entièrement à moi, car chez Hermès je travaille en équipe vers le résultat final. C’était en quelque sorte ma dernière chance avant un petit moment.
Et si vous deviez tout de même l’emporter?
Je me sens encore trop jeune pour créer ma propre marque et je veux d’abord plus me familiariser avec les rouages de l’industrie. Bien sûr, tout designer rêve d’avoir un jour quelque chose à son nom, mais pour le moment j’ai d’abord envie d’acquérir de l’expérience au sein d’une équipe plus large comme celle d’Hermès.
Vous appartenez à la dernière promotion à avoir étudié sous Walter Van Beirendonck. Que vous a-t-il transmis?
Walter m’a toujours poussé à croire en moi, même s’il n’a pas toujours tout de suite compris ce que je voulais créer. C’était parfois frustrant, mais cela m’a appris à continuer à me battre pour mes idées. C’est aussi une leçon très précieuse dans les grandes maisons. En fin de compte, si vous voulez que vos idées soient sur les podiums, vous devez oser utiliser votre voix.
Collaboration avec KAAI disponible dès 95 euros, shop.kaai.eu
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