Recyclage textile: en France, des solutions uniques au monde révolutionnent le secteur

Une employée dépose de vieilles chaussures sur la machine de tri du cuir et du caoutchouc du CETIA, la toute première plateforme d'innovation dédiée à la recyclabilité des textiles et articles en cuir à Hendaye, dans le sud-ouest de la France, le 4 septembre 2023. © GAIZKA IROZ / AFP

Sur une machine aux allures futuristes, une basket usagée passe un tunnel avant d’être délicatement saisie par un immense bras articulé qui lui arrache avec force et précision sa semelle : cette opération, qui paraît bénigne, est en réalité fondamentale pour le monde du recyclage textile.

Première plateforme d’innovation au monde parvenue à effectuer cette manipulation de manière automatisée, le Cetia, à Hendaye (sud-ouest), ouvre ainsi la voie à la refabrication de semelles neuves à partir d’usagées. Alors que l’Europe ne sait recycler qu’une infime partie de ses textiles à l’échelle industrielle (1%), des acteurs se mobilisent pour structurer une filière encore embryonnaire, à l’image du Cetia qui développe des solutions pionnières en matière de préparation au recyclage.

Actuellement, en Europe, les chaussures sont désassemblées manuellement ou simplement broyées. « On a déposé deux brevets », dévoile Chloé Salmon Legagneur, directrice du Cetia. Au départ chaire de recherche de l’école d’ingénieurs Estia, le Cetia – en partenariat avec le centre privé de recherche CETI – est désormais une entreprise proposant des prototypes novateurs en matière de recyclage du textile et du cuir. Marilou Hargoues, jeune ingénieure, manipule une basket qui a donné du fil à retordre au robot. « La difficulté, c’est qu’il y a de la mousse » dans la semelle, dont les industriels ne communiquent pas la composition, commente-t-elle. Ce qui complique le calibrage du robot.

Une employée programme la machine de tri des cuirs et caoutchoucs du CETIA. Alors que l’Europe ne sait recycler qu’une infime partie de ses déchets le textile à l’échelle industrielle (1 %), de nombreuses entreprises se mobilisent pour structurer une filière encore balbutiante, comme CETIA qui développe des solutions pionnières pour préparer les textiles au recyclage. (Photo de GAIZKA IROZ / AFP)

Ce projet, nommé Re-shoes, est « essentiel », estime Véronique Allaire-Spizer, directrice du pôle Régénération de l’éco-organisme agréé Refashion : « tant qu’on n’aura pas de solution de préparation (de la matière en vue de son recyclage), on n’aura pas de filière » en France. L’éco-organisme injecte 900.000 euros pour financer des projets du Cetia, la Région Nouvelle-Aquitaine près d’un million.

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Zips, boutons, rivets…

Actuellement, une majeure partie du 1% des textiles recyclés en Europe ne permet pas de refabriquer du fil mais est transformée en isolant, en rembourrage, en bitume… Or, d’ici 2030, l’Union européenne entend fixer « une teneur minimum de fibres recyclées dans la composition des textiles », selon le site de la Commission.

L’enjeu est donc de parvenir à une solution industrielle qui permette d’avoir un tri de la matière assez fin et un démantèlement assez délicat pour refaire des vêtements avec des vêtements. La machine du Cetia, qui reconnaît la couleur et la composition du tissu lors d’un mélange de deux matières grâce à une technologie infrarouge, est ainsi déterminante dans la préparation au recyclage. Les vêtements triés passent dans une autre machine qui sépare « les points durs » (zips, boutons, etc.) du tissu. La matière qui en ressort a donc une composition connue et est plus facilement réutilisable.

L’intelligence artificielle au service du recyclage

Plus loin dans la halle, une autre machine avec une découpe laser permet de ne pas abîmer l’étoffe lors de la séparation du tissu des autres composants. Elle intéresse particulièrement le secteur du luxe qui a besoin de conserver intactes ses nobles matières. Une autre, utilisant l’intelligence artificielle, sait distinguer une poche d’un col, une manche d’un bas de pantalon, une différenciation primordiale lorsqu’il s’agit d’opérer un premier tri avant recyclage. Ces équipements de pointe valent près de 2 millions d’euros.

« Les marques nous disent : « Je veux que la matière de mes produits puisse être recyclée dans mon industrie et non pas dans de l’isolant ou du revêtement de sol » », témoigne la directrice du Cetia. Pour faciliter le recyclage, certaines marques dont Decathlon – l’un des premiers soutiens du Cetia – réfléchissent dès la conception « sur le nombre de matières utilisées, les éléments perturbateurs, etc. », explique Clémence Goubet, responsable développement durable chaussures au sein de l’enseigne de sport, qui vise 100% de produits écoconçus en 2026.

L’enjeu du recyclage est aussi politique : 200.000 tonnes de déchets textiles français partent à l’export chaque année, faute de solution nationale, chiffre le Cetia. « On a un gisement qui est là, qu’il faut qu’on traite. Le recyclage peut être une grosse contribution » au dossier réindustrialisation de la France, souligne Chloé Salmon Legagneur.

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