Le Teddy Bear Coat de Max Mara, entre manteau et symbole de statut

Le Teddy Bear Coat de Max Mara est plus qu'un manteau, c'est un symbole - Getty Images
Le Teddy Bear Coat de Max Mara est plus qu'un manteau, c'est un symbole - Getty Images

Le Teddy Bear Coat est un des grands succès de Max Mara depuis une décennie. « Cette pièce vous donne de l’éclat mais aussi du confort et du réconfort », confie Ian Griffiths, directeur artistique, lors d’un voyage dans ce qu’il appelle le « Camelandia ».

Reggio Emilia, Italie. Ian Griffiths, directeur artistique de Max Mara, nous guide deux heures durant à travers les archives de la marque, qui occupent trois étages d’un bâtiment industriel dans cette petite ville provinciale où la société a également son siège – un campus arboré et ultramoderne le long de la ligne ferroviaire à grande vitesse reliant le nord de l’Italie au sud – et deux grandes usines.

Ce qui est remarquable, c’est que l’entreprise a pratiquement tout conservé depuis 1951, soit des milliers de pièces, alors que d’autres griffes de luxe comme Gucci, Saint Laurent ou Dior ont commencé à constituer leurs archives bien plus tard. « Elles ont dû avoir recours à des ventes aux enchères et à des collectionneurs privés, ce qui est fastidieux et coûte beaucoup d’argent. Aucune collection d’archives n’est aussi complète que la nôtre », précise notre guide du jour.

Max Mara ou l’avènement du prêt-à-porter

Au milieu de la conversation, Ian Griffiths sort de son téléphone un selfie datant de 1981, à l’esprit déjà « New Romantic » : « J’ai passé les meilleures années de ma jeunesse à Manchester, à l’Haçienda. » Soit la discothèque de Factory Records, la maison de disques de Joy Division et de New Order, et une sorte de Studio 54 de la new wave. L’intéressé a étudié la mode au Royal College of Arts, où il a notamment suivi le cours du légendaire Ossie Clark, figure emblématique du « Swinging London » des années 60. En 1985, il a rejoint Max Mara, « Camelandia » comme il l’appelle en référence au manteau couleur camel, et n’en est jamais reparti. Il est le directeur artistique de la marque depuis 2005, année du décès de son fondateur, Achille Maramotti, à 78 ans.

Celui qui a lancé Confezioni Maramotti en 1951 était un géant. « Il visait l’excellence dans tout ce qu’il faisait. Il me faisait penser à Orson Welles, imposant, avec de la prestance, raconte Ian Griffiths. Mais sous son apparence parfois impressionnante se cachait une personne très humaine. Jeune designer, j’ai beaucoup appris de lui. Comment se tenir à carreau notamment. Mais j’ai survécu à tout et je me suis épanoui. »

« Fraîchement titulaire d’un diplôme d’avocat, Achille s’est lancé dans la mode parce qu’il était convaincu que ses idées étaient les meilleures, poursuit le créateur britannique. Il disait : « Je voulais habiller de vraies femmes, pas des princesses de Rome, car elles n’ont pas besoin de moi, mais des femmes de médecins en province, des femmes d’avocats. » Il sentait qu’avec la Seconde Guerre mondiale arriverait une transformation sociale en faveur de la classe moyenne. Il avait une vision et, après la guerre, l’Italie était assez prospère que pour la concrétiser. »

Au début des années 50, le prêt-à-porter n’existait pas. « Les uniformes étaient déjà fabriqués à l’échelle industrielle, mais pas les beaux vêtements, ajoute encore notre hôte. Les femmes qui avaient un peu d’argent allaient chez un tailleur et utilisaient les patrons des grands couturiers parisiens. Cela peut paraître chic, mais en réalité, de nombreux tailleurs n’avaient pas accès à des tissus de qualité, et ils n’étaient pas tous aussi talentueux les uns que les autres. » Achille Maramotti a été le premier à mettre en place une chaîne de production de vêtements féminins en Europe. Il a introduit le prêt-à-porter en Italie.

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Le génie Beretta

Dans les années 60, l’entreprise a commencé à travailler avec des stylistes indépendants. Karl Lagerfeld a officié pour Max Mara pendant plusieurs saisons, ainsi aussi de Jean-Charles de Castelbajac. Et ce de manière anonyme. La maison primait toujours les créateurs. « Achille n’était pas intéressé par ce qu’il pouvait faire pour un styliste, mais par ce que le styliste pouvait faire pour lui. » Max Mara n’a jamais produit pour d’autres marques de mode. « En ce qui me concerne, ajoute Ian Griffiths, Max Mara n’est vraiment devenu Max Mara que dans les années 70, grâce à Anne-Marie Beretta. »

La brillante créatrice française, contemporaine de Claude Montana et de Thierry Mugler, n’a jamais vraiment connu le succès. « Pourtant, tout ce que l’on peut associer à Max Mara vient d’elle », avance le Britannique. En 1981, elle a créé le modèle 101801, inspiré d’un manteau camel oversized pour homme, qui fait toujours fureur quarante ans plus tard.

L’allure Max Mara, reconnaissable entre mille – Getty Images

Beretta et Griffiths ont longtemps travaillé ensemble, d’une certaine façon. « J’avais été engagé pour apporter de nouvelles idées. Elle était tout aussi intimidante qu’Achille Maramotti, précise-t-il, amusé. Elle savait ce qu’elle voulait et n’était pas forcément ouverte aux suggestions. Nous avons plutôt travaillé côte à côte. Mais un grand respect mutuel s’est construit. Elle est venue plusieurs fois nous voir au cours des dernières années, et c’était toujours très émouvant. Lors d’une de ces visites, elle m’a dit qu’elle aimait ce que je faisais, et c’était plutôt agréable à entendre. »

Il nous montre alors une veste signée Jean-Charles de Castelbajac pour Max Mara datant de la fin des années 70, époque où le créateur français fréquentait les Sex Pistols. « On remarque immédiatement l’influence de Seditionaries », le label de Malcolm McLaren et Vivienne Westwood. La première création de Ian Griffith, une veste, date de sa collection de fin d’études à Londres, quelques années plus tard. « Je me souviens l’avoir jetée par la fenêtre, tellement j’étais frustré, raconte-t-il. J’ai ensuite descendu sept étages en courant pour la sauver. C’est comme ça que je suis entré chez Max Mara. »

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Place à une autre pièce historique : son premier manteau. « C’était très intimidant, car Max Mara était leur créateur par excellence et Anne-Marie Beretta la reine dans ce domaine. Mon modèle n’était pas très différent d’un Beretta typique. Elle aurait peut-être rendu les manches un peu plus rondes. J’ai eu de la chance. Ma création a pu ouvrir le défilé de Milan. Le Vogue britannique l’a mise en Une et, un mois plus tard, son pendant italien a fait de même. Avec Isabella Rosselini, photographiée par Steven Meisel. J’étais aux anges. »

Le Teddy Bear Coat, une pièce salvatrice

Nous nous arrêtons devant un présentoir contenant une douzaine de Teddy Bear Coats, tous légèrement différents. « Voici le seul manteau qui a eu autant d’impact que le 101801. Ce dernier est plutôt discret, alors que le Teddy est très bling. Nous continuons d’en vendre des milliers. » La marque en a écoulé vingt mille en 2022, précise le chargé de communication qui nous accompagne. Pas mal pour une pièce créée il y a dix ans. Ian Griffith lui-même semble impressionné. « C’est incroyable. Et celle-ci est aussi énormément copiée. »

Caro Daur, fan du Teddy Bear Coat de Max Mara – Getty Images
L’influenceuse Leonie Hanne compte aussi parmi les adeptes du manteau iconique – Getty Images

« Si je savais que j’avais créé un classique ? Non, je voulais une création qui exprimerait l’air du temps, conclut Ian Griffiths. J’avais deux idées en tête. Premièrement, le monde est grand et effrayant et nous avons tous un besoin presque enfantin de câlins. Deuxièmement, je voulais quelque chose de prestigieux et d’évident. Un grand manteau, exubérant et souple, très positif. Le Teddy vous donne de l’éclat mais aussi du confort et du réconfort. Et c’est là, je crois, le secret de son succès. Pour vous donner une idée de l’impact : à l’époque où j’ai imaginé le Teddy Bear Coat, je me demandais s’il ne valait pas mieux que je prenne ma retraite. Et puis cette pièce a eu tellement de succès que je me suis dit, non, j’ai encore quelque chose à dire, je vais rester un peu. Et maintenant, je ne songe plus du tout à ma retraite. En ce sens, le Teddy m’a sauvé. »

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