Président du comité interuniversitaire Femmes & Sciences

Les filles réussissent souvent mieux que les garçons à l’université. Comment expliquer qu’elles désertent ensuite les carrières scientifiques et académiques ?

Bien entendu, elles peuvent légitimement rêver de faire une carrière de chercheuse, d’ailleurs environ un tiers des chercheurs qualifiés du FNRS sont des femmes. Si nous sommes loin d’avoir atteint la parité, en particulier au niveau des positions les plus valorisées, c’est que les discriminations sont souvent discrètes, indirectes et subtiles. Par exemple, le poids accordé au nombre de publications, à la mobilité géographique ou à la capacité d’encadrement d’une équipe dans l’évaluation des recruteurs pour l’attribution de postes définitifs continue de véhiculer l’image d’un professeur d’université ou d’un chercheur totalement dévoué à son travail qui cadre mal avec la situation de nombreuses femmes, aux prises avec des responsabilités familiales à des âges déterminants pour la vie professionnelle.

Des études ont montré que, de manière insidieuse également, les chercheuses avaient tendance à assurer des  » tâches domestiques académiques « . De quoi s’agit-il ?

Elles vont passer plus de temps à des tâches d’enseignement, à assurer du secrétariat, à prendre soin des étudiants ou de leur labo, un peu comme ce qui se passe dans les familles : c’est un travail indispensable mais invisible et peu valorisé. Car ce qui est mis en avant dans le développement d’une carrière, c’est publier, s’inscrire dans des réseaux internationaux, obtenir des financements… Donc, si les femmes ne sont pas explicitement traitées différemment des hommes, l’organisation et le mode de fonctionnement du monde de la recherche répondent encore à une certaine conception masculine de la performance.

Que peut-on mettre en place sur le terrain ?

Les universités n’ont pas toutes les clés en main car la problématique est en première ligne sociétale. Le rapport aux mathématiques et aux technologies se construit bien avant l’arrivée dans l’enseignement supérieur. Nous réfléchissons à la mise en place de nouveaux critères de régulation des carrières : cela passe par une réduction de la cadence dans une perspective  » slow science « , qui favorise la qualité par rapport à la quantité. A la création de commissions mixtes de recrutement et de promotion. Un programme de mentorat ambitieux a déjà démontré son efficacité en Suisse, par exemple. Mais cela demande d’importants moyens financiers dont nous ne disposons pas aujourd’hui…

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