Anne Zagré

© FRÉDÉRIC RAEVENS

Championne de Belgique, recordwoman du 100 m haies, représentante de notre pays aux J.O. de Londres puis Rio, la sprinteuse a vu toute sa saison chamboulée et s’apprête à vivre un été très particulier. Rencontre en bord de piste.

Tout a basculé le week-end de mon anniversaire. Le 13 mars – un vendredi 13 cette année. Il y a d’abord eu l’annulation des championnats mondiaux indoor, auxquels je m’étais qualifiée dès ma première course. Au début, je n’y ai pas cru. Mais la compétition devait se tenir à Nankin, pas loin de Wuhan, aucune chance qu’elle soit maintenue. Puis tout s’est enchaîné, les J.O. sont tombés à l’eau, notre traditionnel stage en Turquie aussi – je devais fêter mes 30 ans avec les filles de l’équipe, j’étais déçue. Mais ce n’est pas grave, finalement, je les fêterai après.

La vie d’un sportif de haut niveau est faite de up et de down. On est mis face au fait accompli, donc on doit constamment s’adapter, suite à une mauvaise performance, une période difficile, une blessure, une qualif’ manquée… On n’a pas le choix, si l’on ne développe pas ce type de qualité, on n’y arrive tout simplement pas. Personnellement, je me suis adaptée assez vite à la situation. J’ai pris ça comme une année supplémentaire pour devenir encore plus forte, et peut-être travailler un peu différemment. Il faut essayer d’en tirer du positif. C’est très bizarre pour un sportif de ne pas avoir de compétition en ligne de mire. On passe notre vie à poursuivre des objectifs, à préparer des échéances. La clé, ça a été de s’amuser à l’entraînement malgré tout.

‘Quand j’ai commencu0026#xE9; l’athlu0026#xE9;, les Jeux u0026#xE9;taient un ru0026#xEA;ve, mais les ru0026#xEA;ves sont faits pour u0026#xEA;tre ru0026#xE9;alisu0026#xE9;s.’

Les J.O., c’est vraiment un moment particulier. En tant qu’athlète, on le ressent immédiatement avec l’engouement du public, l’attention des journalistes, toutes les sollicitations. Mais quelque part, pour nous, une compétition, c’est aussi la routine. Parce que le sport est notre passion, mais aussi notre métier, c’est un sentiment assez difficile à expliquer. Nous, quoi qu’il arrive, on s’entraîne à fond, on ferait le même boulot sans les J.O.

Etre un Olympien, ça apporte une reconnaissance qui dure toute une vie. Je le vois bien avec mon compagnon Adrien ( NDLR : Deghelt, lui aussi athlète olympique). Quand j’ai commencé l’athlé, c’était un rêve, mais les rêves sont faits pour être réalisés. J’ai toujours l’objectif d’aller aux Jeux et d’atteindre une finale, ce serait vraiment top. J’ai été demi-finaliste deux fois, et je peux viser le top 8, mais c’est le cas de beaucoup d’autres. Il faut faire la bonne course au bon moment. En finale, tout peut se passer.

Pour moi, 30 ans, c’est un âge comme un autre. C’était surtout une opportunité de faire la fête. Après, c’est vrai que pour une athlète, c’est plus particulier, mais j’ai la chance de pratiquer un sport où l’on peut être performant jusqu’à 33 ou 34 ans. Tout dépend de l’envie et de la forme physique. Personnellement, j’ai bien conscience d’être sur la fin, mais tout se passe bien alors je profite, je prends du plaisir. C’est l’essentiel.

Je ne réfléchis pas vraiment en termes de carrière. J’ai plutôt une vision à court terme, je prends une année après l’autre. Je ne me vois pas encore être là, en 2024, pour les jeux Olympiques de Paris. Je ne sais pas pourquoi, mais dans ma tête c’est trop loin. Même si, avec le report de Tokyo, Paris ne sera plus qu’à trois ans… Bref, tout est chamboulé. Disons que tant que ça va physiquement, que j’ai un statut, un contrat, et que je cours vite en y prenant du plaisir, je continue.

Je ne sais pas encore ce que je vais faire après, mais je sais ce que je ne veux pas faire. Je connais plein de gens qui n’aiment pas leur vie ou leur boulot, or pour moi ce serait inconcevable. Tout ce qui est travail de bureau, administratif, rester assise toute la journée, très peu pour moi. Donc ça élimine beaucoup de choses. J’ai besoin de bouger, de voyager, de vivre des interactions, des rencontres. J’ai un master en sciences commerciales, ce qui va tout de même m’ouvrir quelques portes, mais je n’ai pas encore d’idée précise. Et, oui, je pourrais évoluer dans un environnement qui n’a plus rien à voir avec le sport.

Je crois au devoir d’exemplarité des athlètes. Après, un sportif peut être pas très fréquentable et tout de même performer à un bon niveau – et il y en a. Chacun fait ce qu’il veut, mais à partir du moment où vous êtes pris en modèle par des plus jeunes, vous avez une certaine influence et ça reste important de faire attention à ce que l’on fait. Mais, franchement, ce n’est quand même pas très compliqué. Moi, quand j’ai commencé, ça m’a motivée de voir Kim Gevaert et des superstars jamaïcaines. Pouvoir faire un entraînement avec elles, ça m’a émerveillée et motivée. Si je peux transmettre la même chose, c’est avec plaisir.

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